LA SOUPE AUX CHOUX

LA SOUPE AUX CHOUX

Jean Girault, 1981

LE COMMENTAIRE

Les esprits les plus simples pensent de manière binaire : noir ou blanc. Jour / nuit (cf Les Visiteurs). Oui ou non. Ils ne font pas dans la nuance. Avec eux, pas de demi-mesure! Les subtilités leurs échappent, mais au moins on sait à quoi s’en tenir.

LE PITCH

Un vaisseau spatial se pose au fin fond de la campagne Française.

LE RÉSUMÉ

Claude Ratinier, dit le Glaude (Louis de Funès) et son ami Francis Chérasse, dit le Bombé (Jean Carmet) sont deux habitants des Gourdiflots, un hameau perdu dans le Bourbonnais. Ils sont considérés comme des insolites d’un autre temps, rejetés de l’électronique. À l’aube de leurs soixante-dix ans, les deux hommes boivent beaucoup trop au mépris de leur état de santé déjà médiocre.

Après un interminable concours de pets en compagnie du Bombé, un extraterrestre (Jacques Villeret) débarque en pleine nuit dans la cour du Glaude qui n’en croit pas ses yeux de poivrot (cf Asteroid City).

Pourquoi t’es venu chez moi ici et pas ailleurs ??

L’alien a l’air d’avoir faim. Le Glaude lui sert une soupe aux choux.

Quelques temps plus tard, l’extraterrestre revient pour rendre visite au Glaude, dont il a appris à parler le dialecte. Tous les deux sympathisent. L’alien est baptisé la Denrée par le Glaude. Au cours d’une conversation, il explique à son nouvel ami qu’il a perdu sa femme Francine depuis des années.

Pour le remercier de lui avoir préparé une soupe au choux, la Denrée ressuscite une jeune Francine (Christine Dejoux) (cf Solaris) qui ne compte plus se laisser faire.

Une vie de perdue ça suffit! J’ai la chance d’en avoir une deuxième sous la main alors je veux m’amuser et rire.

Le décalage avec le Glaude est trop important. Par ailleurs, elle lui apprend qu’elle l’a trompé avec le Bombé il y a des années pendant la Guerre. Rien ne va plus.

Ça fait vingt-quatre heures que je suis en vie tu souhaites déjà ma mort!

La Denrée a pris du grade. Sur sa planète, la soupe aux choux a été déclarée d’utilité publique. Il souhaiterait que le Glaude le suive sur Oxo pour planter des choux. Celui-ci n’est pas intéressé.

Je ne me vois pas vivre cent trente ans sans chopine, sans tabac, avec un caillou à bouffer à midi et une capsule le soir, je préfère me trainer de cinq à dix de ma cave qui est bien fraîche à mon jardin qui est bien beau.

Mis sous pression par le maire (Marco Perrin) qui veut raser leurs maisons pour y construire une base de loisir, le Glaude et un Bombé suicidaire se sentent de plus en plus exclus (cf Le Chat).

L’idée de partir dans l’espace commence peu à peu à faire son chemin dans le tête du Glaude.

Avant de quitter la terre, il lègue sa fortune à Francine. Puis il embarque avec la Denrée et le Bombé pour un dernier voyage dans la bonne humeur, avec quelques bouteilles de pinard.

L’EXPLICATION

La Soupe aux Choux, c’est la disparition du terroir.

Jadis, la France était encore fière de son terroir. Puis elle a commencé à avoir honte de cette différence un peu embarrassante dans un monde qui change, non sans raison. Les concours de pet du Glaude et du Bombé pouvaient difficilement passer le cap de l’an 2000. Leur style de vie archaïque également.

Au début des années 80, le Glaude et le Bombé faisaient encore figure de résistants dans leur village où il ne restait quasiment plus rien – et dont il ne reste souvent plus rien à présent. Les deux hommes jouaient les Asterix, tenant tête à la modernité. À eux deux, ils incarnaient une France faite de bonnes vieilles traditions, de fromages qui puent et de canons.

Le canon c’est pas seulement du pinard, c’est aussi de l’amitié.

La France des campagnes avec ses valeurs de solidarité. Le Glaude sait qu’il n’emportera pas sa fortune dans l’trou, alors il donne tous ses Louis d’or à la Francine qui lui en est reconnaissante.

T’es bien brave mon Glaude!

À l’époque, on prenait la vie comme elle venait – sans s’embêter avec tous les chimiques. Le diabète, on l’affrontait courageusement avec trois verres de rouge par jour.

Les mouches, ce serait moins nuisible que le pinard pour ce que j’ai.

Sympathique (cf Bienvenue chez les Ch’tis).

À laquelle on repense avec un peu de tendresse (cf La Famille Bélier).

Une France très Française finalement (cf Les Tuche).

Au point que Jacques Chirac aurait pu s’en référer à leur bruit et à leur odeur, sans s’en offusquer.

Malheureusement, le terroir a raté le train de la modernité. Il est resté à quai.

J’veux qu’on m’foute la paix!!

Le Glaude et le Bombé avaient le défaut de prendre leur temps. Ils étaient dans le contemplatif.

C’est dans notre petit coin à nous, loin des malfaisants qu’on est encore le mieux pour attendre la mort.

Ce végétatisme s’est retourné contre eux. La France sans pétrole mais avec les idées ne pouvait plus se permettre d’attendre. Il lui fallait anticiper. Se projeter vers l’avenir à l’image du maire de la ville qui se réjouit d’avoir obtenu les financements pour construire sa base de loisirs.

L’expansion économique, c’est la richesse de la commune! (…) Pour tout il faudra payer!

Le futur, pour ne pas dire le futurisme. Du passé faisons table rase! Marinetti prônait de raser Venise pour en faire un parking…

Le Glaude n’était clairement plus adapté à un monde dans lequel Francine est devenue une femme libérée.

Si on peut plus péter sur les étoiles sans faire tomber un martien il va nous en arriver des pleines brouettes.

Exclu d’une France en marche vers l’autocratie, où l’on ne consultait déjà plus la base. Pour quoi faire ?

Chez nous on nous demande pas notre avis!

Une France déjà sans pitié pour ses aînés (cf No Country for Old Men), des années avant le covid, les Ehpad et le scandale Orpea. Les seniors coutent trop cher pour les start-ups.

Finalement, le Glaude et son pote s’en vont. Emportés par un improbable extra-terrestre et plus vraisemblablement par leur cirrhose. En tout cas, ils disparaissent. Tant mieux, sinon cela aurait contraint les autorités à montrer toute leur violence.

Si vous n’étiez pas vieux et malades, je vous ferais exproprier!

Le terroir est mort, vive le terroir! Qu’on se rassure, il s’achète encore en supermarché par pseudo-nostalgie – ou culpabilité patriotique. Heureusement que nos régions ont du talent.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

2 commentaires

  • Ne pas perdre de vue que cette façon de présenter la France rurale par les bobos (les Monsieur Homais du vingt et unième siècle) est insultante, caricaturale et mensongère. Ce genre de film ne montre pas la bêtise du monde rural ou provincial mais celui de la bourgeoisie parisienne qui vit dans sa petite bulle. Rappel historique utile aux heures sombres du macronisme : pendant l’occupation allemande alors que la haute bourgeoisie a fortement collaboré ce sont essentiellement des gens de la France du terroir qui ont résisté et sauve des Juifs au péril de leur vie. (Cf l’historienne Limore Yagil). C’est toujours la France des classes populaires qui sauve l’honneur de la France lorsqu’elle est trahie par la prétendue élite qui ne cache pas son mépris de classe : la soupe aux choux, Canicule etc….sont des illustrations de ce mépris de classe. Cordialement

    • Merci de le rappeler et d’apporter cette perspective.

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