THE INFORMANT!
Steven Soderbergh, 2009
LE COMMENTAIRE
Les hommes naissent libres et égaux devant les toilettes, véritables lieux de culte où l’on se recueille chaque matin, une vingtaine de minutes environ. C’est un endroit où l’homme aime faire le point, sur lui et son journal papier. Les toilettes, il aime s’y planquer au travail. Et il s’y surprend parfois en produisant les odeurs les plus inattendues. L’homme est si fier de lui dans les chiottes qu’il aimerait pouvoir le crier à la terre entière, mais il ne le fait pas car il est pudique. Il tient avant tout à préserver l’intimité de ce moment si particulier.
LE PITCH
Un employé décide de balancer sa compagnie au FBI.
LE RÉSUMÉ
Mark Whitacre (Matt Damon) découvre par hasard les pratiques frauduleuses de sa compagnie, qui n’a pas de scrupule lorsqu’il s’agit de faire du fric.
Did the Japanese have these kind of problems with lysine?
I don’t give a shit about the Japanese. You just gotta get the goddamn lysine bugs to eat the dextrose and shit us out some money.
Bien qu’il soit en pleine ascension, il décide de contacter le FBI. Archer Daniels Midland est en effet au centre d’une affaire d’entente délictueuse. Depuis des années, les patrons d’ADM rencontrent régulièrement la concurrence pour fixer les prix de la lysine et se faire un paquet de pognon au passage.
Whitacre se confie aux agents du FBI Shepard (Scott Bakula) et Herndon (Joel McHale), avec le soutien de sa femme Ginger (Melanie Lynskey).
Persuadé d’agir pour la juste cause, Mark accepte de porter un micro et enchaîne les réunions à travers le monde pour accumuler les preuves contre sa compagnie. Au cours de l’enquête, Mark se révèle incontrôlable. Il parle à la presse alors que l’investigation est en cours, compliquant la tâche des agents du FBI.
You talked to the Wall Street Journal, Mark? What did you say? It’s real important that you not talk to the press.
Me? I told them I had no comment, but didn’t matter, they already had the story, anyway. They already had it. Did you see my stipple portrait? It’s pretty good.
Et surtout il en profite pour escroquer sa propre boîte, pour un montant total de neuf millions de dollars, pensant peut-être que son délit passerait inaperçu. Ce bipolaire doublé d’un mythomane explose ainsi littéralement entre les doigts des enquêteurs. Il enchaîne les mensonges et provoque un chaos judiciaire gigantesque.
ADM tente de profiter de l’aubaine en se retournant contre son employé frauduleux, qui se retourne lui-même contre le FBI!
Pour la peine, Whitacre passera plus de temps en prison que les cadres d’ADM.
À sa sortie, sa femme Ginger ne l’a pas planté.
L’EXPLICATION
The Informant!, c’est une parfaite balance.
Les balances on s’en méfie car on ne sait pas de quel côté elles vont pencher (cf El buen patron). C’est le suspens avec peut-être une mauvaise surprise à la fin. Voire même une fraude intégrale.
Ce qui est désagréable avec la fraude, c’est qu’on en est victime. C’est à dire qu’on ne la sent pas tout de suite. Tout comme on ne voit pas Mark venir. Il est comme l’eau qui dort. La figure même du gros gentil, un peu naïf (cf le diner de cons), apparemment de bonne foi, qu’on ne soupçonnerait jamais d’un pareil méfait.
Tout comme on ne soupçonnerait pas le gouvernement de nous rouler dans la farine ou qu’une entreprise agro-alimentaire discrète comme ADM soit à la base d’une escroquerie gigantesque.
Archer Daniels Midland. Most people have never head of us, but chances are, they’ve never had a meal we’re not a part of.
ADM est comme toutes ces boites qui vendent de la moquette ou des produits contre l’arthrose, dont le siège social est basé dans une petite ville de province, et qui encaissent des milliards sans faire de bruit – pas toujours selon les règles (cf La Firme).
Il ne s’agit pas d’Enron ou de BP, à la fin le scandale n’en reste pas moins massif.
Nous nous faisons donc tous gentiment entuber par ADM.
Everyone in this country is a victim of corporate crime by the time they finish breakfast.
ADM se fait également avoir par le FBI car la compagnie est dénoncée par Mark, qui trahit sa femme et ses enfants en finissant en taule lamentablement puisqu’il a cherché à planter le FBI.
À ce jeu de « je te tiens tu me tiens », Mark avait pensé qu’il pourrait passer incognito. En commençant à trahir sa boite, il va cependant basculer dans un autre monde.
N’est pas espion qui veut, surtout pas Mark, qui plonge la tête la première dans la folie. Il est à la fois dévoué et profondément escroc. Sachant très bien que ce qu’il fait est mal. Questionnant sans cesse ses actes, uniquement dans le but de se dédouaner.
I’ve been to Tokyo. They sell little-girl underwear in the vending machines right on the main drag, the Ginza, or whatever. Guys in suits buying used girl panties. How is that okay? That’s not okay.
À la fin, il ne sait plus pour quelle équipe il joue et se retrouve perdu, pris à son propre jeu.
Paranoid is what people who are trying to take advantage of you call you to get you to drop your guard!
Prisonnier de sa tromperie, Mark ne quitte plus la cellule de sa conscience. En essayant de se libérer, il va se perdre en chemin. Mark est une sorte de Mitch McDeere qui joue constamment sur un fil entre la justice et le crime puis qui finit par perdre l’équilibre (cf La firme).
There should be a tv show about a guy who calls home one day and he’s there, he answers, he’s talking to himself, only he’s someone else. He’s somehow divided into two, and the second one of him drives away and the rest of the show is about him trying to find the guy.
On peut passer sa vie à enfler les autres, enchaînant mytho sur mytho, à la fin il faut toujours passer à la caisse. Mark est rattrapé par ses mensonges. Il doit payer.
If you’re a stockholder, all that matters is corn goes in one end and profit comes out the other.
La leçon est qu’on ne peut faire confiance à personne: évidemment pas aux grands patrons qui ne sont obsédés que par le profit (cf Promised land), encore moins aux gros employés joufflus et sympathiques à la moustache aussi suspecte que la cravate.
3 commentaires