DIAZ

DIAZ

Daniele Vicari, 2012

LE COMMENTAIRE

En France, on n’aime pas la police. C’est culturel. Cut Killer a su poser des mots et une mélodie sur la haine du flic. Le spectre du policier allemand hante les mémoires, Gestapiste lugubre à l’accent tranchant avec son imperméable et chapeau noir. On oublie un peu vite l’Italie et son poliziotto qui sous sa moustache fine et ses airs de pizzaiolo possède également un redoutable coup de matraque. N’oublions pas qu’en Italie la torture n’a été déclarée criminelle qu’en juillet 2017.

LE PITCH

La police Italienne bafouée sonne la charge contre des manifestants anti-G8.

LE RÉSUMÉ

Gênes, 2001. Le sommet du G8 touche à sa fin. Il a été marqué par de nombreuses manifestations pacifiques emmenées par des altermondialistes venus en masse pour protester contre ce rendez-vous des puissants.

En parallèle, des anarchistes du Black Bloc ont profité de la confusion générale pour mettre le feu à la ville et piller des magasins. Gênes est l’ombre d’elle-même. La police procède à de nombreuses arrestations. Le ton monte. Le jeune Carlo Giuliani meurt pendant les affrontements.

Les forces de l’ordre sont à bout de nerfs. Berlusconi se sent moqué par les altermondialistes, devant ses propres invités. Las de passer pour un clown aux yeux du monde, il lâche les chiens. Il ordonne à ses hommes de frapper fort lors du dernier jour du sommet. Le message est clair: l’Italie est un pays où l’autorité règne.

Max Flamini (Claudio Santamaria) se retrouve malgré lui embarqué dans cette expédition punitive. 300 policiers donnent l’assaut contre l’école Diaz reconvertie en centre d’information pendant le sommet. L’objectif est d’arrêter des anarchistes du Black Bloc.

Évidemment, aucun d’entre eux ne s’y trouvaient au moment des faits. Les policiers ne font pas dans le détail, ils frappent sans discrimination: manifestants, journalistes, jeunes, moins jeunes. Celles et ceux qui se sont simplement retrouvé·es là au mauvais moment faute de disponibilité dans les hotels de Gênes.

Max ne peut que constater le carnage.

Face à la presse, le porte-parole du gouvernement peine à expliquer ce raid qui ressemble de plus en plus à une grosse bavure. Il énumère les maillets, couteaux et autres cocktails molotov retrouvés sur les lieux pendant que les blessés sont évacués vers l’hôpital… avant d’être conduits au poste où ils seront torturés. Les manifestants étrangers seront ensuite gentiment conduits à la frontière avec l’interdiction de revenir.

Parmi les 300 policiers présents pendant lors de l’assaut, seule une trentaine d’entre eux ont été entendus par la justice italienne. Une quarantaine de membres du personnel carcéral et médical ont également été mis sous examen pour abus sur les détenus.

Aucun d’entre eux n’a été condamné.

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LE COMMENTAIRE

Diaz, c’est l’autre visage de la mondialisation.

Après le premier choc pétrolier, les 5 nations les plus influentes sur le plan économique avaient pris pour habitude de se réunir pour rectifier le tir. Le groupe s’est élargi à deux autres nations de manière officielle en 1975, sous l’impulsion de notre Giscard national pour donner naissance au « G7 », puis au « G8 » avec l’inclusion de la Russie pour finalement redevenir le « G7 » après l’exclusion de cette même Russie, suspendue pour ses agissements en Crimée.

Les sommets du G7 sont des grandes messes annuelles où les pays influents de ce monde se retrouvent pour faire le point et se disputer les parts du gateau… un peu comme quand les opérateurs téléphoniques s’entendent sur les tarifs ou que les représentants des grandes familles mafieuses se retrouvent autour d’une table dans Le Parrain. Ces rendez-vous sont devenus des symboles d’une mondialisation toute puissante.

La mondialisation n’est pas « caca ». Elle a permis au capitalisme de prospérer. C’est grâce à elle qu’on peut manger des fraises toute l’année. Et qu’on le veuille ou non, la mondialisation a certainement contribué à limiter les risques de conflits à l’échelle planétaire: l’idéologie ne résiste pas longtemps aux intérêts économiques.

Cette mondialisation qui protège et enrichit, dans le fond, n’a pas grand chose à faire de ses mondialisés. Certes, il ne s’agit là que d’un principe économique, pas de l’armée du salut. N’en attendons pas trop. La raison d’être d’un commerce est de faire du profit, pas de sauver des vies.

Il n’empêche que le « service client » de la mondialisation est déplorable. La mondialisation est violente à l’encontre de ceux qui la menace et tape dans le tas, les yeux fermés. Si encore ceux qui étaient en charge de la matraque savaient viser… Au final, qui prend les coups ?

Les politiques qui prétendent nous défendre cherchent avant tout à défendre leurs intérêts, ce qui passe par la préservation de cet ordre mondial en étouffant ceux qui représentent une menace contre leur système. On finit par punir les innocents consommateurs que nous sommes. Les grands se moquent bien des petits, comme le montre le dérapage de Diaz.

Le passage à tabac des manifestants est un symbole. Il se passe dans une école: un lieu où l’on éduque plutôt qu’on ne réprime. La mondialisation, c’est l’asservissement à travers le matraquage marketing plutôt que l’autonomisation à travers l’éclairage de la connaissance.

Ce passage à tabac est aussi le symbole d’une mondialisation qui nous dépasse. Nous ne contrôlons plus rien. Il s’agit d’un rouleau compresseur dans lequel l’individu n’a plus son mot à dire. Berlusconi est peut-être celui qui donne l’ordre mais il le fait sous le poids de la pression sociale. Il n’a déjà presque plus le choix.

Tout le monde execute sans savoir pourquoi, sans réfléchir. À son petit niveau, Max ressent du dégoût. Il ne peut rien faire face à la machine en marche.

La mondialisation compte ses casseroles. Diaz doit nous permettre d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe. Nous ne pouvons pas ne pas nous estimer avertis. La meilleure manière de lutter n’est sûrement pas de jeter des cocktails molotov à la tête des CRS. Au contraire, l’alternative passe par une idée forte selon laquelle un autre modèle, plus équitable, serait envisageable.

Et puis se retrousser les manches et se serrer les coudes plutôt que de mettre des cagoules afin de faire changer les choses, comme ces agriculteurs vosgiens qui se sont regroupés pour racheter un supermarché pour ne plus subir la dictature de la Grande Distribution.

L’EXPLICATION

Cette explication de film n’engage que son auteur.

3 commentaires

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