LES AMANTS DIABOLIQUES
Luchino Visconti, 1943
LE COMMENTAIRE
Jean Gabin et Michelle Morgan ont marqué à jamais la représentation de la romance. L’homme, figure de virilité impénétrable, regarde de haut la femme pendue à son cou d’admiration. Yves et Simone, Johnny et Sylvie, Alain et Brigitte, Jean-Louis et Brigitte, Serge et Brigitte, Brigitte et Roger, Brigitte et Emmanuel puis plus tard Jacquie et Michel… enfin bref, ils ont tous pris la pose. Les Américains nous ont copié : Clark Gable et Vivien Leigh. Les Italiens aussi.
LE PITCH
Un homme et une femme passent leur vie à s’enlacer comme deux spaghettis.
LE RÉSUMÉ
Le beau Gino (Massimo Girotti) atterrit chez les Bragana un peu par hasard. Il tombe aussitôt amoureux de Giovanna (Clara Calamai). Un obstacle de taille se dresse sur sa route.
Qui c’est ce gros lard?
Mon mari.
Guiseppe Bragana (Juan de Landa) ne va pas tarder à être cocu (cf Les Infidèles). Gino propose à sa maîtresse de le suivre mais elle refuse.
Si j’avais un endroit pour vivre… non je reste ici, je me résignerai.
Alors il part à Ancône avec l’ambition de prendre la mer. En chemin il fait la rencontre de l’Espagnol (Elio Marcuzzo), un forain avec lequel il va travailler.
Il retrouve Giovanna de nouveau par hasard parce que Guiseppe veut participer à un concours de chant lyrique – qu’il remporte. Sur le chemin du retour, les amants profitent de l’ébriété du vainqueur pour le tuer en faisant croire à un accident de voiture.
La voie est libre et pourtant ils ne sont pas heureux. Giovanna veut gérer le café alors que Gino ne rêve que de reprendre la route. Le curé local Don Remigio (Michele Riccardini) leur conseille d’être patients.
Vous semblez oublier Dieu et vos devoirs…
Impossible. Déjà.
Gino devient taciturne. Il boit. Son ami l’Espagnol vient le chatouiller. Il ne lui en fallait pas plus pour repartir. Et faire la rencontre d’Anita (Dhia Cristiani). Giovanna le retrouve pour lui annoncer qu’elle a touché l’assurance vie de son défunt mari. Ils sont riches. L’argent, Gino s’en moque pas mal.
Tu t’es servie de moi dans ta machination! Ça me dégoute! Je ne veux plus te voir.
C’est l’annonce de la grossesse de Giovanna qui va tout changer.
La police est sur leur trace. Gino avec ses gros bras se veut rassurant.
Ne t’inquiète pas. Tout se terminera bien.
Erreur.
Ils doivent prendre la fuite et sont malheureusement victimes d’un véritable accident de voiture dans lequel Giovanna, et son bébé, trouvent la mort.
Cette fois-ci, c’est bien la fin de l’aventure pour Gino.
L’EXPLICATION
Les Amants Diaboliques, c’est l’amour interdit (cf Twilight, chapitre 1).
L’histoire entre Gino et Giovanna ne peut pas fonctionner pour de nombreuses raisons. La première est simple. Giovanna est une femme malheureuse, peut-être, mais surtout elle est une femme mariée. Dieu condamne fermement l’adultère, plus fermement que la justice condamne Jérome Cahuzac. En plus, l’Italie de l’époque est profondément Christiano-fasciste : c’est donc bien mal embarqué.
En plus, Giovanna est plutôt sédentaire alors que Gino est un vagabond. Leurs ambitions divergent : elle veut faire fortune avec son café tandis que lui rêve d’ailleurs.
J’aime voyager.
Leurs natures s’opposent. Giovanna est ouvertement vénale. Elle se faisait inviter par des hommes et elle assume pleinement sa passion pour les assurances vie. Ce n’est pas un problème quand on est un sugar daddy. En l’occurrence, Gino qui n’a pas un rond. Il est est un voyageur clandestin qui aime un peu trop l’anisette. Tous les deux traversent des querelles de couples finalement assez classiques (cf Rock’n Roll). Leur lune de miel se termine bien vite.
On dirait que tu ne m’aimes plus et il n’y a seulement que trois mois que nous nous sommes rencontrés.
Rien d’insurmontable pourtant. À ceci près que Giovanna était la femme de Guiseppe, qu’elle a tué avec l’aide de Gino. Ce crime, ils vont devoir le payer comme dans un film de Scorsese. Le diable ne gagne jamais (cf L’Associé du Diable). Ces deux là ont un mort sur la conscience. Tout cela ne peut donc pas fonctionner dans la durée (cf Ascenseur pour l’échafaud). C’est évident.
Ces amants sont diaboliques car ils s’acharnent, sans faire aucun effort.
J’ai voulu t’oublier sans y parvenir.
Il est vrai que lorsqu’ils sont ensemble, tout paraît naturel. Ils sont bien. Giovanna a l’impression d’avoir enfin trouvé l’homme de sa vie : celui qui pourrait la toucher avec des mains tâchées d’huile de moteur sans que ça soit dégoûtant. Celui qui lui permettrait d’envisager la possibilité de pouvoir enfin être femme.
Tu me comprends. Avec toi, je n’ai pas à mentir.
Gino quant à lui ne se résout pas plus à l’idée de ne plus voir Giovanna. Certes il la fuit, et avec elle il fuit le bonheur. Quand il est avec elle, il boit. Sans elle, il est triste.
Sans elle, je ne peux plus être heureux.
Alors ils croient à l’impossible, ou plutôt ils veulent y croire. Ils ont entendu ces slogans à la foire d’Ancône et ils pensent pouvoir se les ré-approprier. Pris d’une envie de prendre le volant (cf Fast and Furious).
Votre avenir est entre vos mains!
Ils se rencontrent et c’est le coup de foudre. Puis ils se quittent. Ils se retrouvent et se perdent à nouveau. Cette succession de virages serrés va les conduire à une sortie de piste. Ils n’auraient pas du oublier les fondamentaux du code de la route. Ils sont tous les deux en tort.
Gino est celui dont Giovanna n’aurait pas du tomber amoureuse. Il est le bel-homme, libre, gitan, marin, séduisant, romantique qu’elle ne peut surtout pas se permettre. Elle est l’Italienne sous Mussolini qui rêve de communisme. Impossible de s’échapper (cf L’un dans l’autre). Il arrive trop tôt. Elle doit suivre son Duce et honorer le gros Guiseppe en lui grattant le dos lorsqu’il le réclame. Les liens du mariage sont sacrés. Point final.
On en revient au mariage. Car Giovanna est celle que Gino n’aurait pas du séduire pour la simple et bonne raison qu’elle n’était pas libre en premiers lieux. C’est une leçon pour cet anarchiste. Tôt ou tard, il faut poser ses bagages.
On ne peut pas courir toute sa vie.
Tôt ou tard, dans ce monde là, on est rattrapé par la police (cf Minority Report). N’oublions pas que si le carabinier, avec sa fine moustache, ressemble davantage au pizzaiole qu’au Gestapiste, il n’en reste pas moins efficace. Et il s’y connait en matière de torture… (cf Diaz)
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