SLEEPY HOLLOW
Tim Burton, 1999
LE COMMENTAIRE
Refuser d’adopter les nouvelles technologies peut faire de vous quelqu’un de réfractaire au progrès. Il faut une bonne dose de sagesse pour réussir à se détacher du monde et pouvoir s’en moquer. Inversement, se précipiter sur les toutes dernières technologies à la mode peut faire de vous un guignol absolu.
LE PITCH
Un jeune détective apprend le métier en province.
LE RÉSUMÉ
À l’aube du XIXe siècle, le jeune Ichabod Crane (Johnny Depp) fait preuve d’un peu trop de zèle aux yeux de son patron. Il va à l’encontre des pratiques chrétiennes de la police qu’il juge archaïques.
The millennium is almost upon us. In a few months, we will be living in the nineteenth century. But our courts continue to rely on medieval devices of torture.
Son attitude dérange.
I beg pardon. But why am I the only one who can see that to solve crimes, we must use our brains, assisted by reason, using up-to-date scientific techniques?
Il est envoyé par le Bourgmestre (Christopher Lee) faire ses classes dans le petit village de Sleepy Hollow où une série de meurtres étranges ont été perpétrés. Trois personnes ont été décapitées et les locaux pensent que le responsable est un mystérieux cavalier sans tête (Christopher Walken), revenu des enfers.
Pas impressionné, Crane veut s’imposer auprès des locaux. Il est équipé d’outils scientifiques lui permettant de mener des expériences le conduisant à des conclusions évidentes. S’il se montre d’abord sceptique, il va déchanter après avoir rencontré lui-même le fameux cavalier – ce qui lui vaut de s’évanouir.
I… saw him.
Crane mène l’enquête secondé par le jeune Masbath (Marc Pickering), fils d’une des victimes. Il s’installe chez les riches Van Tassel et se rapproche de Katrina (Christina Ricci), leur fille.
Katrina, why are you in my room?
Because it is yours.
Le jeune homme fait régulièrement des cauchemars de sa défunte mère, victime de l’inquisition pour cause de sorcellerie et torturée à mort par son prêtre de père. On comprend mieux son aversion pour les principes christiques.
À Sleepy Hollow, les meurtres s’enchaînent. Les têtes tombent. Le sang coule.
Au cours de son investigation, Crane découvre les querelles intestines qui minent les Van Tassel ainsi qu’une sombre histoire d’héritage. Il se rend à l’arbre des morts au pied duquel se trouvent les têtes de toutes les victimes du cavalier… sauf la sienne que possède une sorcière. Si Crane trouve le crâne, il apaisera sûrement la colère du cavalier. Il lui faut pour ça trouver la sorcière.
Il suspecte Katrina et découvre qu’il s’agit de sa belle-mère Mary (Miranda Richardson), qui veut se débarrasser de tout le monde pour hériter de l’argent des Van Tassel.
Alors que le cavalier s’apprêtent à tuer Katrina sur les ordres de la sorcière, Crane et Masbath s’empare de son crâne pour le lui rendre. Le cavalier peut retourner paisiblement vers les enfers en prenant soin d’emmener avec lui la sorcière pour laquelle il a visiblement le béguin.
Crane est content de pouvoir regagner New York en compagnie de Katrina et Masbath. Le siècle nouveau peut commencer!
Ah, just in time for a new century. You’ll soon find your bearings, young Masbeth. The Bronx is up, the Battery is down, and home is this way.
L’EXPLICATION
Sleepy Hollow, c’est un petit séjour à la campagne.
Vivre en métropole est épuisant : entre le stress des embouteillages (cf LaLa Land), la dose quotidienne de particules fines, la pression constante au travail et la bêtise pompeuse des dîners en blanc, les citadins n’attendent que le week-end pour pouvoir s’offrir des break loin de cette folie. Ceux qui se sentent sur le point d’être débranchés de la matrice se rendent alors compte que le rythme infernal qu’ils subissent depuis trop longtemps a totalement broyé les plus belles années de leur vie. Ils ont envie de crier leur désespoir, très fort.
Sinon, ils finissent en burn out (cf Falling Down). Happés par le seul sentiment mutuel partagé par tout le monde en ville : la détestation de son prochain. Seules les jeunes ambitieuses rêvent de quitter leur cambrousse pour Tokyo (cf Your Name). Les autres sont habités par un ras le bol, las de ne pas avoir réussi à s’échapper.
On fait comme le pigeon qui, dans l’enfer urbain, se dérobe à notre regard (cf C’est arrivé près de chez vous). Ou on fait comme les Jennings (cf Arachnophobia) : on se délocalise en allant chercher un peu de simplicité et d’air pur à la campagne. C’est la chance que le bourgmestre offre au jeune prétentieux Ichabod Crane : se faire les dents chez les péquenauds, sans oublier qu’on observe ses progrès depuis New York.
Remember, it is you, Ichabod Crane, who is now put to the test.
Crane avait fini par devenir sans s’en rendre compte le produit des idées préconçues de la capitale qui se veulent être supérieures aux autres. Les beaux principes de la vertu, exercés sans discernement, l’ont pourtant privé injustement de sa mère. S’éloigner lui permet de s’en rappeler.
Villainy wears many masks, none so dangerous as the mask of virtue.
Son séjour à Sleepy Hollow va lui servir de mise à zéro. Il fait d’abord la leçon, ce qui lui permet de mieux prendre conscience d’où il est. Car on se charge bien vite de le remettre à sa place.
We have murders in New York without benefit of ghouls and goblins.
You are a long way from New York, Constable.
Crane admet qu’il ne sait pas. Il fait preuve de vulnérabilité à plusieurs reprises en tombant dans les pommes. Il compose avec la superstition des uns et la médiocrité des autres. Une fois au niveau, il peut commencer à s’enfoncer dans le brouillard qui entoure le village et y découvrir les petits complots mesquins si populaires dans les zones rurales. Ce qu’il y découvre est simplement sordide. Faisant preuve de courage, éclairé par l’amour de Katrina, Crane parvient à déjouer les pièges qui se présentent à lui et se sort de cette aventure avec la tête sur les épaules.
Alors il peut retourner à New York comme un homme nouveau, une femelle à son bras et un domestique mineur pour lui porter ses bagages. Il sait s’y repérer désormais. Le paradis n’existe pas mais Crane espère encore que le siècle qui vient sera mieux que le précédent. Comme si la pelouse du XIXe siècle était plus verte que les autres. Il a muri sans parvenir à abdiquer totalement.
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