SICARIO : LA GUERRE DES CARTELS
Stefano Sollima, 2018
LE COMMENTAIRE
Il faut toujours un certain temps pour que les pauvres diables que sont les hommes réalisent qu’il n’y a plus de femme dans leurs parages. Ils ont du mal à le croire, surtout dans ces ambiances de parité. C’est le moment où ils se regardent les yeux dans les yeux, incrédules, à se demander si la maîtresse ne risque pas de refaire surface. Lorsqu’ils sont convaincus du contraire, alors tout devient permis.
LE PITCH
Cette fois-ci, il n’y a plus de règle.
LE RÉSUMÉ
Les États-Unis sont marqués par une série d’attentats meurtriers (cf Bowling for Columbine). Ces terroristes sont rentrés sur le sol national via le Mexique et ses frontières perméables. Ce n’est pas la faute à Luc (cf La stratégie de l’échec) mais aux cartels – encore et toujours.
How would you define terrorism? The current definition is, “Any individual or group that uses violence to achieve political goal.” The administration believes that the drug cartels fit that definition.
Le Ministre de la Défense James Riley (Matthew Modine) a bien l’intention de les faire payer et demande conseil à l’expert en la matière : l’agent spécial de la CIA Matt Graver (Josh Brolin). Son idée est de semer la pagaille en créant une guerre des cartels. Pour cela, il faut jouer sale. Graver a besoin que Alejandro Gillick (Benicio del Toro) reprenne du service (cf Sicario).
La proposition est alléchante :
You gonna help us start a war.
With who?
Everyone.
Le plan est de tuer un homme influent des Matamoros et kidnapper Isabel Reyes (Isabela Moner) pour faire croire à une vengeance des rivaux (cf Inception). Les Américains prétendent délivrer la petite pour mieux la rendre aux Matamoros, histoire d’enfoncer le clou.
Le cortège chargé de la livraison du colis est attaqué par des policiers mexicains corrompus – un pléonasme. De nombreux locaux sont tués. La fille s’échappe.
Le dérapage fait tâche. Les images tournent en boucle sur fox news. James Riley risque la destitution. La mission est un échec total.
Your objective is to start a war between the Mexican cartels, not with the Mexican government!
L’ordre est donné de faire le ménage. Alejandro qui était resté au Mexique pour retrouver la petite ne l’entend pas de cette oreille. Il demande une faveur à Graver qui ne peut pas l’aider.
You got the girl?
She’s with me now, yeah.
They want me to cut ties. You got to get rid of her.
I can’t do that.
What are you telling me?
Not this one.
Good luck.
C’est le jeu. Ces hommes le savent. Business.
Don’t put me in that situation.
You got to do what you got to do.
Alejandro compte traverser la frontière avec Isabel en se faisant passer pour des clandestins. La meilleure manière de ne pas éveiller les soupçons finalement. Mais il est reconnu puis abattu par un jeune indic du nom de Miguel Hernandez (Elijah Rodriguez). Contre toute attente, il survit à la balle qu’il se prend dans le visage alors que tout le monde le croit mort.
La CIA retrouve Isabel mais Graver refuse de l’abattre, quitte à se mettre l’administration à dos.
Un an plus tard, Alejandro retrouve Miguel, roulant des mécaniques avec ses tatouages. Il ne fait plus le fier à la vue de ce fantôme qui lui fait une proposition inattendue :
You want to be a sicario. Let’s talk about your future.
L’EXPLICATION
Sicario : La Guerre des Cartels, c’est ni fait ni à faire.
Graver et Alejandro sont dans les forces dites ‘spéciales’, ce qui veut dire qu’ils sont chargés de faire le sale boulot. Ce sont des hommes qui exécutent les ordres aussi proprement que possible, sans poser de question sur la nature éthique de leurs actions qu’ils savent douteuses.
Un peu comme s’ils travaillaient dans le conseil. Ils font le travail que les autres ne veulent pas faire comme auditer une entreprise afin de mieux virer du personnel jugé pas assez productif (cf In the air), ou kidnapper la fille d’un baron de la drogue pour la rendre au cartel d’en face.
Sur cette opération, ils n’ont pas à s’embarrasser avec les états d’âme de Katy Macy (cf Sicario), donc ce devrait être du velours. Vraiment. D’autant qu’on leur donne carte blanche, avec budget illimité.
Next week the president is adding drug cartels to the list of terrorist organizations.
You can understand how that will expand our ability to combat them.
De quoi se faire plaisir. C’est Noël. Cheat code. Open bar.
No rules this time.
Ces hommes, sur qui on peut compter d’habitude, vont pourtant faire absolument n’importe quoi et foirer l’opération dans les grandes largeurs. Steve (Jeffrey Donovan) était peut-être trop content de quitter son bureau ?
I love getting out of the office.
Faisons l’inventaire des erreurs, dans le calme :
1) Eux qui savent pourtant pertinemment que les policiers mexicains sont ripoux vont se faire piéger comme des bleus – sans aucune excuse.
2) Alejandro laisse filer la petite alors qu’il est censé la surveiller.
3) Graver semble surpris de la réaction du Ministre qui se désolidarise de cette opération manquée, comme si soudainement il oubliait les règles élémentaires du métier.
Fuck it all. Clean it up.
4) Quand ils passent en mode ‘Victor nettoyeur’ (cf Nikita), ils sont incapables de faire le ménage correctement.
5) Graver n’est plus lui-même. Il a de la sympathie pour Alejandro alors qu’il n’est pas censé en avoir. Alejandro n’est qu’un contractuel comme un autre. Pas de sentiment.
6) Alejandro perd la gosse, une deuxième fois.
7) La sympathie de Graver envers Alejandro le conduit à avoir des scrupules.
8) Ces scrupules le conduisent à laisser la vie sauve à Isabel. Cette décision va être lourde de conséquences…
9) Miguel ne tue pas Alejandro.
10) Alejandro se met en tête de former le jeune homme. Ce qui est une très mauvaise idée quand on pense à la volatilité du marché de l’emploi actuel. Quel intérêt de former un junior pour qu’il fasse profiter la concurrence de ses compétences au bout de seulement deux ans ?
Tout est fait en dépit du bon sens. Au point où l’on peut se demander pourquoi frimer autant si c’est pour faire un travail aussi sale. C’est bien la peine de jouer les durs à cuir en promettant l’enfer sur terre si c’est pour faire des bêtises pareilles. Soyons pour le retour des règles et pour un travail un peu plus efficace. Par souci du KPI.
Eux qui savent pourtant pertinemment que les policiers mexicains sont ripoux vont se faire piéger comme des bleus. Ils n’ont aucune excuse.
S’ils ont fait appel aux fédérales c’est parce que le plan était de déposer la fille dans un commissariat mexicain facilement accessible par les Matamoros. Même si je trouvais plus facile une mission incognito comme lorsqu’ils butaient l’avocat en pleine rue serait plus simple et ne ferait pas passer les fédérales pour des ripoux-amateurs aux yeux des cartels (même s’ils le sont)
Lol t’as fait un inventaire des erreurs… c’est clair que tu préfères la réalisation de D.Villeneuve. Moi je trouve que le #1 était meilleur, mais le #2 est plus intense mis à part les erreurs citées je trouve quand même que c’est un bon film.
Le titre du film c’est Day of Soldado mais la traduction là bon… nous sommes habitués à ces genres de truc…
Disons que Sicario 2, à mon avis, raconte l’histoire d’une mission ratée de bout en bout. C’est pourquoi je voulais lister les nombreuses erreurs commises par les uns et les autres de manière méthodique.
Quant à la traduction, ça n’est pas un exercice facile. Et nous sommes passés experts en la matière.
(cf The Hangover => Very Bad Trip).
Pas seulement, il raconte aussi comment la chica a su ramener l’instinct paternel chez Benicio del Toro,
1- il ne l’abandonne pas alors qu’on l’ordonne, il projette l’image de sa fille tuée sur celle qu’il kidnappe.
2- aller voir le ptit tatoué au centre commercial et non le buter tout simplement.
C’est juste! Merci Ney pour cette explication.
Curieux de voir ce que va faire Alejandro de cette humanité retrouvée dans un troisième opus…
Bonjour à tous,
Je fais revivre ce thread car j’avais envie de réponses et je trouve en cherchant sur le net ce site.
Bon, j’ai regardé plusieurs fois les deux Sicario mais la fin du Day of the Soldado me laisse un peu perplexe.
Vous l’avez bien fait préciser , à quoi bon former un jeune homme qui a bien choisi son chemin (les tatouages et la dégaine et la démarche vers la fin) et il doit être sous contrôle des passeurs et trafiquants (membres de sa famille, argent, quelconque pression).
Est-ce vraiment l’instint parental qui a poussé Alejandro à prendre une décision aussi risquée de faire de ce jeune homme un Sicario ?
Le film raconte une mission qui a bien foiré de bout en bout et on essaye de nous étaler une perspective positive des potentiels fort présents dans ce bordel sans nom ?
Certes, il n’y a pas de processus de recrutement défini pour les Sicarios mais à quel moment Alejandro évalue ou décide de faire de Miguel un Sicario ? Je veux dire, il l’a croisé un seul moment (le parking) et le reste était juste une identification de loin (je suppose que Alejandro ne l’a pas vu) et même le moment de l’assassiner , Miguel n’a pas dit un mot pour que Alejandro l’identifie…. 🙄
Le « Let’s talk about your future… » reste une belle touche mais injustifiée pour moi
Merci Dexter, vous évoquer une perspective positive mais on pourrait au contraire y voir l’inverse. Alejandro essaie de sauver les meubles au sein d’une opération catastrophe. Il essaie tant bien que mal de ne pas complètement sombrer. Malgré tout, il finit par entrainer Miguel dans sa spirale infernale…
Salut, merci pour le texte,
Le trouve la première moitié du film brillante, on comprend parfaitement les enjeux et mécaniques globales en marche. Pourquoi le cartel laisse passer des terroristes, le plan de l’état américain etc.
J’avoue avoir du mal à m’y retrouver au moment du transfère de la fille et de la trahison de la police mexicaine. Si j’ai bien compris, la police attaque car sous l’emprise du cartel du père pour éviter qu’elle aille dans un commissariat sous emprise Matamoros ? A partir de là, l’attaque devrait être très prévisible en effet…
Pour le reste j’ai deux grosses incohérences relevées :
– Le jeune du cartel le reconnait parmi les migrants, mais il ne se souvient pas qu’il était dans une voiture avec des gyrophares ?!
– Ensuite, il prend la balle, dans la bouche, admettons, mais les passeurs partent de nuit pour voir leur course stoppée par un hélico en plein jour et en l’espace de deux plans, notre « héro » se retrouve au niveau des voitures. Incompréhensible.
Je trouve ce film en tout point supérieur au 1er que j’adore, dommage pour ce dernier tiers que je trouve confus en plus d’avoir des incohérences scénaristiques.
Vous avez pas mal discuté du plan final concernant le jeune devenu sicario. Je ne vois pas en quoi elle est positive puisque sur le principe, cet épilogue sert avant tout à consacrer le perso de Del Toro comme un fantôme (il est d’ailleurs nommé tel quel dans le 1er) vengeur immortel. Le jeune finalement peu importe, il est là pour qu’on lise la terreur sur son visage car lui se souvient et on ne sait pas ce qu’il va faire de lui. Le recruter ? Le tuer ? (car avec lui, plus probable que son futur soit la tombe ^^).