COFFEE AND CIGARETTES
Jim Jarmusch, 2003
LE COMMENTAIRE
Choix des armes, arme blanche ta préférence. Les duels au soleil d’hier se font désormais dans l’obscurité des bistrots. Un peu de tabac pour se détendre, un petit jus pour se stimuler. Voilà comment on régulait une rencontre au sommet. Depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics pour des raisons évidentes, chacun attend désormais que le café soit également mis à l’index. Pour enfin pouvoir enfin assumer que nous n’avons rien à nous dire. Regarder le silence dans le blanc des yeux, vides.
LE PITCH
Des hommes et des femmes se croisent sur fond de caféine et de nicotine.
LE RÉSUMÉ
Strange to meet you – Roberto Benigni ne comprend pas une goutte des idées de Steven Wright qui doit se rendre chez le dentiste à reculons. Roberto Benigni se propose d’y aller à sa place et se sauve à l’Italienne.
Sorry Steve! I have to go.
Twins – Les jumeaux Joie Lee et Cinqué Lee débattent avec Steve Buscemi du soit-disant frère jumeaux d’Elvis Presley. Puis ils se disputent entre eux, visiblement de mauvaise humeur tous les deux.
Service’s bad, coffee is bad, the music sucks…
Somewhere in California – Tom Waits raconte à Iggy Pop sa matinée chargée. Tous les deux s’allument une petite cigarette pour célébrer d’avoir arrêté la clope.
The beauty of quitting is now that I quit, I can have one. Cause I quit.
Tom Waits est un peu susceptible. Iggy Pop préfère s’éclipser.
Those things’ll kill ya – Joseph Rigano fait la morale à Vinny Vella à propos de la cigarette, en mode parrains dans Casino ou Goodfellas. Vinny lui fait la morale en retour sur son addiction au café.
Renée – Le serveur ruine les efforts que Renée French avait faits pour obtenir un café parfait. Penaud, le serveur revient pour s’excuser et essayer de flirter avec elle. C’est peine perdue.
I really wish you had not done that, I had the right color, the right temperature. It was just right.
No problem – Alex Descas et Isaach De Bankolé discutent du fait que tout va bien. Ce qui perturbe Isaach et finit par agacer Alex.
Do you want something to be wrong?
Cousins – Cate Blanchett rencontre sa cousine Shelly (Cate Blanchett) dans le lounge d’un hôtel. Toutes les deux font maladroitement le point sur leur vie, ce qui donne à Shelly l’occasion d’exprimer le fond de sa jalousie.
Jack shows Meg his Tesla coil – Jack est tout excité de montrer sa bobine Tesla à Meg. Elle semble en panne. Cependant la réflexion derrière cet outil inspire profondément l’artiste.
Earth as a conductor or acoustical resonance…
Cousins? – Alfred Molina est enthousiaste à l’idée d’annoncer à Steve Coogan qu’ils sont cousins éloignés. Coogan s’en moque. Par contre, il ne se moque pas du fait que Molina connaisse Spike Jonze (cf Max et les Maximonstres). Molina s’en va déçu.
I’ll get the check!
Good.
Delirium – GZA et RZA essaient de convaincre Bill Murray d’arrêter la nicotine et lui proposent des solutions pour se libérer de sa vilaine toux.
Doc what could I do for this cough?
You take 50% hydrogen peroxide. 50% water. You gargle with it. Do not swallow. You spit it out. Don’t swallow Bill Murray!
Champagne – William « Bill » Rice et Taylor Mead sont nostalgiques. Taylor entend comme un écho de Janet Baker chantant « Ich bin der Welt abhanden gekommen« . William cite à son tour Nikola Tesla qui voyait le monde comme un conducteur de la résonance acoustique.
L’EXPLICATION
Coffee and cigarettes, c’est un prétexte.
Le café clope semble s’imposer comme une évidence pour les amateurs et amatrices.
Cigarettes and coffee go well together.
Pour comprendre pourquoi, il faut plonger dans ce moment d’intimité partagée. Il s’agit là d’un instant si précieux que nous le sollicitons. On se donne rendez-vous dans un hotel très chic ou dans un rade minable.
Peu importe. Après tout, ce sont les gens qui font les moments, plus que les lieux qui ne restent qu’un décor.
Le café clope est donc d’abord un prétexte nécessaire pour se voir, tout simplement.
I thought maybe something was wrong.
No I just wanted to see you. that’s all.
Il permet la rencontre avec l’autre ou avec soi-même.
Les masques tombent ou ne tombent pas. Certains en profitent pour se donner des grands airs comme Tom Waits qui prétend avoir fait une trachéotomie avec un stylo bille, lui le soit-disant auteur-compositeur-médecin. Quand on prend un café clope on parle de soi. On s’écoute. Ou bien on se vante, sans se rendre compte qu’on dit n’importe quoi.
You know, living in that place where they overlap.
Nous ne sommes pas à une incohérence près.
Do you smoke?
Only when I drink coffee.
On a envie de parler et puis on se tait. Avancer en reculant. Se faire désirer. Jouer.
Well I don’t know if I want to talk about it.
On analyse, on décortique, on hésite.
You don’t go?
I should but I don’t feel like it.
On s’engueule comme Joseph et Vinny, on fait de la poésie comme Taylor. Philosopher comme William. En profiter aussi pour se donner de l’importance et se plaindre. C’est un prétexte rêvé pour se montrer difficile, comme si secrètement, nous aimions aussi provoquer des moments de malaise.
You can call me Jim. I mean my friends call me Jim, or Jimmy, or Iggy. Or Jiggy. Call me Iggy.
Okay whichever way you go. Jim or Iggy…
Iggy! You call me Iggy.
Look, I’m sorry I’m late Jim.
C’est une occasion de cracher notre haine du monde, sans risque. Shelly maudit sa cousine. Steve snobe Alfred avant de l’envier. Le café clope est une excuse idéale pour laisser éclater le pire de notre personnalité. Un joli prétexte pour être nous finalement.
Le café clope n’est qu’un prétexte car c’est une mauvaise raison.
Coffee and cigarettes that’s all you’re having? That’s not very healthy.
Si l’on est honnête, le café est souvent moyen. Et puis on serait bien inspiré de se passer de cigarette. Ne serait-ce que pour nos poumons qui avalent suffisamment de particules fines.
On veut croire qu’un café clope de qualité est le symbole d’une rencontre plaisante alors qu’il trahit une rencontre sans saveur, incapable de dépasser quelques gorgées ou quelques bouffées.
Avouons qu’il est quand même dommage d’avoir besoin de poison pour nous retrouver.
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