Y TU MAMA TAMBIEN
Alfonso Cuarón, 2001
LE COMMENTAIRE
Sans conscience morale, nous ne serions que des électrons libres (cf Joker). Pour y remédier de nombreux livres proposent des cadres rassurants : le code de la route, le code Civil, les livres religieux (cf Centochiodi), GQ… indiquant ce qu’il faut faire et surtout ce qu’il ne faut pas faire. La jeunesse nous permet d’abord de découvrir le plaisir de la transgression. Puis la sagesse nous amène à nous poser des questions légitimes sur le sens de certaines règles. If the rule you followed brought you to this, of what use was the rule? (cf No country for old men).
LE PITCH
Deux amis insouciants partent à l’aventure avec une femme, sans savoir ce qui les attend.
LE RÉSUMÉ
Julio (Gael García Bernal) et Tenoch (Diego Luna) couchent une dernière fois avec leurs petite-amies respectives avant que celles-ci ne partent en voyage en Italie. L’occasion pour les deux post-ados de profiter un peu de leur célibat.
Invités à un mariage, les deux minets sont attirés comme des aimants par Luisa (Maribel Verdú), la femme du cousin de Tenoch. Bien qu’elle soit mariée, ils partent à l’abordage et tentent de la charmer en l’invitant dans un endroit paradisiaque imaginaire, Boca del Cielo.
It’s a slice of heaven by the sea.
Elle décline poliment la proposition des deux jeunes chatons en chaleur.
Après un rendez-vous médical, Luisa apprend par son mari, bourré au téléphone, qu’il a couché avec une autre femme. Classe.
Effondrée, elle relance aussitôt Julio et Tenoch qui n’en attendaient clairement pas tant. Ils se dépêchent de monter une expédition de fortune pour pouvoir prendre la route, un sticker anarchiste collé sur leur voiture.
En chemin vers une plage qui n’existe pas, le trio fume des splifs et parle sexe, sans tabou.
À quelques reprises, les garçons surprennent cependant Luisa en train de pleurer.
Tenoch est le premier à succomber alors qu’il allait prendre sa douche. Luisa l’invite à enlever sa serviette et tous les deux couchent ensemble – une minute montre en main.
Sur le bord de la piscine, Julio révèle à Tenoch qu’il a couché avec sa copine. Leur amitié semble compromise.
Fuck you asshole! You fucked up our friendship, you fucked up my trust, you fucked my girl! You fucked up!
Sentant la tension qui règne entre les deux garçons et s’estimant responsable, Luisa couche avec Julio pour rétablir l’équilibre.
Isn’t what you wanted from the start? Take me away and screw me?
Tenoch, encore blessé par la révélation de son ami, avoue un peu plus tard avoir lui aussi couché avec la copine de Julio. Cette fois-ci : 1-1. Balle au centre. Julio enrage.
Très peu intéressée par ce combat de coqs, Luisa n’a plus de temps à perdre. Elle s’en va.
I thought you’d be different but you’re just animals!
Les garçons la rattrapent. Désormais, c’est elle qui fixe les règles.
We do things my way! (…) You’re not allowed to contradict me, much less push me.
À la grande surprise des garçons, ils finissent par trouver une plage du nom de Boca del Cielo, qui se trouve effectivement être un coin de paradis. Luisa appelle Jano pour lui dire qu’elle savait tout de ses infidélités, qu’elle allait le quitter et qu’elle ne lui en veut pas.
Après quelques tequilas, Julio et Tenoch admettent avoir régulièrement couché avec la copine de l’autre. Sans rancune.
I fucked Ceci a few times.
No big deal. I poked Ana a bunch of times.
Julio pousse la blague en affirmant avoir couché avec la mère de Tenoch. Simple provocation? Luisa enchaine et danse avec les deux garçons. Elle les emmène dans sa chambre, puis s’éclipse entre eux pour mieux les laisser s’embrasser.
Le lendemain, Julio et Tenoch repartent chez eux sans rien dire, ni sans Luisa qui a voulu rester un peu pour profiter des lieux. La queue basse, ils cassent avec leurs petites amies à leur retour d’Italie.
Un an plus tard, ils se croisent à Mexico City. Tous les deux sont de nouveau en couple. La conversation n’est pas très naturelle. Luisa est morte d’un cancer fulgurant un mois après leur escapade. Tenoch abrège les débats. Sa copine l’attend.
We’ll speak soon.
Sure.
Ils ne se reverront jamais.
L’EXPLICATION
Y tu mama tambien, c’est essayer de nager sans boire la tasse.
Julio et Tenoch ont une grande gueule, les kilomètres au compteur en moins. Ils bombent le torse et se croient uniques.
Why do you think girls go to Italy?
You don’t know our girls!
(…)
Ceci would NEVER cheat on me.
(…)
I de-virginized Ana. I’m the ONLY ONE she wants.
Ces deux branleurs, au sens propre, font semblant de s’épanouir dans le bazar de leur appartement mal rangé mais se réfugient derrière un pseudo-code de conduite de Charolastra dès qu’ils en ont l’occasion. À vrai dire, ils en ont besoin comme de roulettes sur un vélo. Peu importe si ce code d’honneur est hypocrite. Il les rassure.
Are Charolastras faithful?
Absolutely!
Avec leur petit ego pas plus gros qu’un pénis, ils pensent qu’ils peuvent jouer le jeu des grands. Luisa va les prendre aux mots. Cette femme en a vu d’autres. Par ailleurs, elle se sait condamnée. Alors au diable la comédie. Avec elle, les deux amis partent, sans le savoir, en voyage vers l’âge adulte – de l’autre côté du miroir. Pas de politiquement correct. Plus de roulette. Les règles sont ré-écrites.
Qu’y trouvent-t-ils à l’arrivée? Un océan dans lequel personne n’a pied.
Sans repère. L’ivresse des profondeurs. Nul autre choix que d’y plonger la tête la première pour mieux la perdre.
Life is like the foam of the sea. You must dive into it.
Dans cette mer turquoise, tout perd soudainement son sens. Tout le monde peut coucher avec tout le monde. Julio a peut-être même couché avec la mère de Tenoch. Le flou artistique le plus totale. L’anarchie. Difficile de se rattacher à quoi que ce soit. La fidélité se jure, sans vouloir rien dire. L’amitié ne tient qu’à un fil. La plage existe bien. Par contre, ce sont les bouées de sauvetage qui sont imaginaires. Les vérités qu’on s’invente, et auxquelles on donne tellement d’importance, ne sont que relatives. De vulgaires créations de l’esprit.
The truth is totally amazing, but you can’t ever reach it.
Luisa n’a pas besoin de les emmener très loin pour qu’ils prennent le bouillon à la première vague. Les deux jeunes hommes n’avouent très vite qu’une partie de la vérité. C’est déjà beaucoup plus qu’ils ne peuvent supporter.
I’m sorry man, it was an accident, really…
You poke some girl’s eye by accident, asshole! You don’t fuck her!
Luisa les met face à leurs contradictions. Les garçons s’attachent à des détails qui les blessent alors que, dans le fond, rien n’a d’importance. Si c’est pour baiser deux minutes maximum, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire?
Leurs règles ridicules sombrent en quelques minutes.
Your Charolastra manifesto is a load of bullshit.
Luisa les emmène encore plus loin dans une sexualité totalement débridée, un endroit où d’autres se sont déjà noyés dans leur baignoire (cf Love). Quelque part où on peut vraiment totalement perdre les pédales. Que du plaisir et rien d’autre. Jusqu’à une homosexualité qu’ils n’auraient jamais osé considérer ne serait-ce qu’une seconde.
That’s fucked up.
C’est le naufrage.
Le lendemain, Julio et Tenoch sont encore sous le choc. Trop rapide. Sûrement trop tôt. Ils ne sont pas prêts. Sonnés par cette expérience, ils ont quitté leurs copines pour mieux se remettre avec d’autres. Tout recommencer. Se rapprocher de la côte. Là où ils ont à nouveau pied. Construire sur des bases saines. Ne plus trop s’éloigner du bord, sous aucun prétexte. Une vie mieux rangée, dans laquelle ils choisissent de ne plus se revoir.
On retrouve le prémices de « Roma ». Une quête d’esthétisme dans le quotidien mexicain.