JOKER

JOKER

Todd Phillips, 2019

LE COMMENTAIRE

Toute la journée, on nous demande de respirer bon la confiance. Être positif, en toute circonstance. Assertif. Séduisant (cf Crazy Stupid Love). Surtout pas les bras croisés. Avoir plutôt le sourire aux lèvres même, quand le public se moque. Les clowns sont fatigués d’encaisser les coups.

LE PITCH

Un homme sombre du côté obscur (cf Star Wars), sans perdre son sens de l’humour.

LE RÉSUMÉ

Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) vit seul, chez sa mère Penny (Frances Conroy) dans un immeuble glauque de Gotham City. Il a pour ambition de devenir un comique reconnu. Pour le moment, il se contente de faire le pitre dans la rue. Ce qui lui vaut de se faire molester par des adolescents.

Ses multiples thérapies ne semblent pas l’aider à sortir de sa dépression.

You don’t listen, do you? You just ask the same questions every week. ‘How’s you job?’ ‘Are you having any negative thoughts?’ All I have are negative thoughts!

La vie n’est donc pas vraiment drôle pour Arthur, pris de crises de fou rire incontrôlables. Il a beau s’excuser, tout le monde le regarde de travers.

The worst part of having a mental illness is people expect you to behave as if you don’t.

Ses moments de répit, il les doit à Murray Franklin (Robert De Niro) qu’il regarde religieusement à la TV et à côté duquel il s’imagine parfois. Il s’imagine aussi avoir une liaison avec sa voisine de palier (Zazie Beetz).

Sa réalité est plus sombre. Célibataire. Viré par la faute de Randall (Glenn Fleshler) qui lui avait procuré un calibre pour se défendre. Passé à tabac dans le métro par trois employés de Wayne Entreprise. Alors un jour, il sort son gun et tue ses assaillants.

Le milliardaire Thomas Wayne (Brett Cullen), papa du petit Bruce (Dante Pereira-Olson) – futur Batman – est candidat à la mairie. L’occasion de condamner ce crime est trop belle. Un mouvement anti-riche se déclenche alors. De plus en plus d’habitants se parent d’un masque de clown, en signe de protestation (cf V for Vendetta).

Pendant ce temps, Penny prend la défense de Wayne avec lequel elle prétend avoir eu une histoire. Fleck veut en avoir le coeur net en affrontant celui qu’il pense pouvoir être son père. Un nouveau coup de poing dans le visage. Puis encore un autre en apprenant que sa mère aurait fait un petit tour par l’asile de fous d’Arkham pour avoir laissé son fils se faire violenter par son conjoint. N’en jetez plus…

Arthur étouffe sa mère avec l’aide d’un oreiller (cf Vol au dessus d’un nid de coucou). Il assassine Randall et entend bien régler son compte à ce salaud de Murray Franklin (cf La valse des pantins). En effet, le présentateur s’est permis de se moquer d’Arthur, en passant en direct une vidéo où le comédien se ridiculisait pendant un spectacle. Voilà que Murray veut faire d’Arthur son invité d’honneur, pour mieux exploiter la farce. Il va le payer cher : l’émission dérape. Le Joker abat Franklin devant tout le monde.

What do you get… when you cross… a mentally ill loner with a society that abandons him and treats him like trash?!

Call the police, Gene, call the police.

I’ll tell you what you get! You get what you fuckin’ deserve!!

Le Joker est arrêté puis délivré par des admirateurs. Le roi des opprimés (cf Spartacus) danse devant la foule. Gotham en flammes est livrée à une horde de clowns frénétiques.

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L’EXPLICATION

Joker, c’est de la légitime défense.

Arthur se fait piétiner à longueur de journées par tout le monde : des adolescents dans la rue aux mères de famille dans le bus. En dépit des insultes, il tient debout. Malgré tout. Prend son traitement. Récite sa leçon.

My mother always tells me to smile and put on a happy face. She told me I had a purpose: to bring laughter and joy to the world.

Son spleen est discret mais profond.

I just don’t want to feel so bad anymore.

Arthur souffre en silence, entre deux fous rires. Pratiquement invisible (cf Une journée particulière). Prêt à être débranché, d’un moment à l’autre, sans faire le moindre bruit (cf Matrix). Comme cette frange de la société qui se considère aujourd’hui comme oubliée, trahie par le système qui l’a enfantée. Arthur est un rebut de la société dont on a maquillé le passé pour ne pas qu’on puisse l’associer à Thomas Wayne. Le bâtard en a assez. Il sort de l’ombre (cf Us) en devenant le Joker.

For my whole life, I didn’t know if I even really existed. But I do, and people are starting to notice.

Ce Joker est bien plus qu’un clown, un fou ou encore un simple criminel. Sous son maquillage, on trouve une certaine idée du désespoir aujourd’hui partagée par le peuple (cf Un pays qui se tient sage). Les feux dans la cité brûlent pour Geronimo.

Know who the joker is? It’s everybody.

La mue d’Arthur a été aidée par la société du harcèlement (cf Harvey Weinstein), par une jeunesse qui n’a plus de respect pour rien (cf Orange Mécanique), par des faibles contraints de finir vigiles dans un supermarché (cf La Loi du Marché). Non seulement personne ne se fait de cadeau mais en plus ceux qui devraient s’entre-aider se tirent dans les pattes! Quand Arthur tente de faire rire un petit garçon, on l’en empêche. À bien y regarder, les zombies sont déjà lâchés dans la nature (cf The dead don’t die).

Have you seen what it’s like out there, Murray? Do you ever actually leave the studio? Everybody just yells and screams at each other. Nobody’s civil anymore, nobody thinks what it’s like to be the other guy. You think men like Thomas Wayne ever think what it’s like to be someone like me? To be somebody but themselves? They don’t, they think that we’ll just sit there and take it, like good little boys! That we won’t werewolf and go wild!

La vie n’est pas que dure, elle est frustrante. Arthur aimerait sûrement devenir un élément productif de la société (cf The Yards). Au lieu de cela, il s’accroche comme il peut à un job misérable. Il rêve de succès sur scène et se retrouve condamné à regarder Murray à la TV, comme un rêve à jamais inaccessible. Vivre dans sa tête des choses qu’on n’aura jamais (cf Brazil). On n’arrive à rien dans cette vie là. Le bonheur est un mensonge.

Trahi par ses proches. Viré par son employeur. Moqué devant tout le monde par son idole. Frappé par son propre géniteur. Violenté par le politicien qui est censé nous représenter. Lâché par l’état providence qui coupe les subventions. Arthur n’a même plus droit à ce traitement qui lui permettait de vivoter. Il ne compte plus.

They don’t give a shit about people like you, Arthur.

Qu’a-t-il à perdre désormais ?

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Les cheveux verts, les yeux bleus, le nez rouge, le gilet jaune. Au mépris du style imposé par les puissants. Bouleverser l’ordre établi pour installer le chaos, une anarchie dans laquelle tout le monde serait logé à la même enseigne. Comme le disait un autre Joker célèbre : Chaos is fair (cf The Dark Knight).

Quelque part où la raison n’existe plus. Où l’on n’est plus obligé de subir sa démence mais où la laisse nous envahir (cf Shining).

Les barbares révolutionnaires font brûler la ville et son ordre social à sens unique pour la remplacer par la tyrannie des fous.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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