MIDNIGHT EXPRESS
Alan Parker, 1978
LE COMMENTAIRE
Le télétravail c’est bien, faute de mieux. Car ce que certains considèrent comme une belle planque n’est en réalité rien d’autre qu’une prison dorée. À questionner si la relation virtuelle vaut vraiment mieux que l’absence totale de relation. Un bon sevrage peut être plus salutaire qu’une solution palliative avec de nombreux effets secondaires. À se voir sans se toucher, ou s’aimer sans s’embrasser, on peut finir par perdre la tête.
LE PITCH
Un jeune américain fait l’expérience inoubliable des prisons turques.
LE RÉSUMÉ
Billy Hayes (Brad Davis) et sa petite amie Susan (Irene Miracle) s’apprêtent à quitter Istanbul. Susan sera la seule à monter dans l’avion puisque Billy a caché 2kgs de haschich sur lui et qu’il se fait prendre juste avant d’embarquer.
That was stupid.
La police lui promet de le relâcher s’il balance son revendeur. Billy flaire l’arnaque et tente de s’enfuir. Encore plus stupide. Immédiatement repris, il est envoyé en prison en attente de son jugement. Il y découvre l’absence de règle et les châtiments corporels du gardien Hamidou (Paul L. Smith).
Son père arrive à la rescousse. Il ne fait pas de miracle. Dans un procès à sens unique, en version originale sans sous-titre, Billy prend quatre ans.
En prison, il doit se méfier de Rifki (Paolo Bonacelli) qui reporte tous ses faits et gestes aux gardiens. L’Américain se rapproche de Jimmy (Randy Quaid), Max (John Hurt) et Erich (Norbert Weisser) avec lequel il prend des douches sensuelles. On fait aussi de belles rencontres à l’ombre (cf Une vie cachée)…
À seulement 50 jours de sa libération, Billy est rejugé. Ankara veut faire de lui un exemple.
It seems everyone wanted an example made.
Sa peine est revue à la hausse. Ce sera 30 ans.
May it pass quickly.
Jusque là, il essayait d’être un détenu modèle. Cette fois c’est fini. Billy tente de s’évader de plusieurs manières qui se soldent à chaque fois par des échecs. La visite inattendue de sa petite amie Susan lui rappelle que le monde existe encore. On ne l’a pas oublié.
You’re running out of time. You got to get yourself together.
Il tente de soudoyer Hamidou qui en échange essaie de le violer. Billy se défend et tue le gardien, le crane dans le porte manteau. Propre. Le jeune homme s’empare des vêtements de la victime puis retrouve la liberté. Il passe la frontière pour la Grèce d’où il pourra prendre un avion vers la mère patrie quelques semaines plus tard. La plaisanterie aura duré cinq ans.
L’EXPLICATION
Midnight Express, c’est aller au bout de ce qu’on a commencé.
Lorsque Billy se leste de deux kilos de haschich avant de prendre l’avion, il prend la décision de faire un autre type de voyage. Même s’il n’en mesure pas vraiment les conséquences. Il sait que ce qu’il fait est très risqué, à en écouter l’accélération de son rythme cardiaque à l’aéroport.
Par contre, Billy n’assume pas. Il se voyait bien en petit dealer avec ses potes de la fac (cf La 25e heure). Bizarrement, il s’imaginait beaucoup moins en détenu à Sagmalcilar. Les deux sont pourtant liés, qu’il le veuille ou non. Ses premiers pas dans le grand monde de la prison sont hésitants, à l’image de ceux de Malik (cf Un Prophète). Il n’a clairement pas envie d’y aller et supplie son père comme un petit garçon.
Dad, get me out of here.
Les chiens ne font pas des chats. Le père de Billy est de la même trempe. Il ne joue pas le jeu de la Turquie. À peine arrivé, il bitch sur deux piliers de la culture ottomane, à savoir les kebabs et les toilettes mondialement reconnues.
The crap they sell in those restaurants. I had to run to the toilet. You should have seen the toilet. Anyway I’m not taking any more chances. I’m going to eat at the Hilton day and night. Steak and french fries with a lot of ketchup.
Ces deux hommes marchent à côté de leurs pompes impérialistes.
Le problème de Billy est que l’environnement carcéral turc ne lui convient pas.
You can fade so far out that you don’t know where you are anymore, or where anything else is. (…) I find loneliness is the physical pain which hurts all over.
Peut-être aurait-il du y penser avant ?
Billy croit jouer le jeu. Celui du détenu modèle qui attend gentiment la fin de sa peine. Dans la vie qu’il a choisie, les choses ne se passent pas comme ça. Le juge l’aime tellement, comme le lui confirme son avocat, qu’il va renvoyer Billy en prison pour le compte. Quand on aime on ne compte pas. Trente ans devraient suffire.
Billy ne comprend toujours pas. Il joue alors le jeu du pauvre Américain victime d’un système juridique barbare. Comprendre non-catholique.
You would know that the concept of a society is based on the quality of that mercy. It’s sense of justice.
C’est plutôt lui qui devient barbare lorsqu’il tue Rifki comme un animal.
Et puis d’abord ça ne se passe pas comme ça. Peut-être que les Turcs ne font qu’appliquer leurs consignes, qui ne se trouvent pas être les mêmes que celles de l’Oncle Sam, qui ne sont pas forcément meilleures que les autres. Tout est une question de point de vue, rappelons-le.
Billy doit seulement arrêter de pleurnicher et élever son niveau de jeu, comme Robert Pires en 1998 (cf Les yeux dans les bleus). On ne le répétera jamais assez. Billy veut jouer dans la cour des grands. C’est pour cela qu’il planque 2kgs sur lui, davantage que pour l’argent. L’argent en vérité il s’en moque pas mal, son père en a plein.
Billy veut se prouver qu’il est capable de voler de ses propres ailes et donc il se retrouve dans le monde des grands, où l’on se fait taper sur les pieds si on vole… une couverture. Pour être un adulte autonome dans ce monde là, il faut prendre le train de minuit. Ses jambes à son cou. La poudre d’escampette. Billy doit se barrer.
Pas comme dans les films où l’on s’échappe par un tunnel (cf Les Évadés). La version pour adultes dans laquelle il faut tuer le boss de manière à préserver son anus puis pour retrouver le monde libre.
Cinq ans pour comprendre.
Gageons que Billy, de retour aux États-Unis, va cette fois-ci pleinement assumer sa vie de gangster (cf Scarface).
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