VIENS CHEZ MOI J’HABITE CHEZ UNE COPINE
Patrice Leconte, 1981
LE COMMENTAIRE
On peut dire que la France ne s’est pas trop mal sortie des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. N’ayant pas de pétrole, il a fallu se concentrer sur d’autres types d’énergie comme le nucléaire, peu importe si cette énergie était renouvelable (cf Into Eternity). Cela n’était pas le sujet à l’époque. Le gouvernement a passé quelques coups de téléphone pour discuter du ré-échelonnement de la dette. Puis il a mis le bleu de chauffe et s’est voulu rassurant. Tout le monde y a cru. Les idées étaient claires. N’est-ce pas cela le plus important? Tant qu’on a des idées…
LE PITCH
Un homme en galère squatte chez son ami (cf Marche à l’ombre).
LE RÉSUMÉ
Guy (Michel Blanc) est un pompiste peu scrupuleux. Il profite de son boulot pour draguer ostensiblement les conductrices et les extorquer. La plaisanterie ne pouvait durer qu’un temps : Guy se fait rapidement virer. Il débarque chez son copain Daniel (Bernard Giraudeau) qui vit chez sa copine Françoise (Thérèse Liotard) avec laquelle il est en couple depuis deux ans.
Guy affirme ne pas vouloir abuser mais il est bien content de pouvoir s’incruster.
J’voudrais pas gêner hein…
Mais non.
Bon ben d’accord alors!
Ce qui n’était censé durer que quelques jours va en réalité se transformer en quelques semaines. Guy glande. S’invite dans la salle de bains quand Françoise prend sa douche, comme si de rien n’était. Il ne trouve pas de travail. Ce qui ne l’empêche pas de draguer comme un crevard et de ramener ses copines à l’appartement, à la surprise de Daniel.
T’es pas gonflé!
Guy fréquente Adrienne (Anémone), une équilibriste férue de partouzes et très éprise de Daniel. Françoise pose son veto.
Guy suggère à Daniel de faire équipe avec lui comme déménageur pour se faire un peu d’argent, malgré sa corpulence ridicule. Son état de fatigue provoque vite des catastrophes. Il manque de mettre le feu à l’appartement en s’endormant dans la cuisine. Pendant les déménagements, Guy en profite pour voler des grands crus. Toujours plein d’idées fumeuses, il signe un bail pour un local au nom de Daniel et Françoise. Surtout, il colle Cécile (Christine Dejoux) dans les pattes de Daniel.
Je trouve ça un peu dégueulasse pour Françoise. C’est dégueulasse hein? Mais j’ai envie d’y aller.
Daniel découche. Se fait virer. Le mensonge est trop évident. Françoise les dégage tous les deux.
Je vous ai assez écouté comme ça!
Daniel se retrouve embarqué dans la galère de son ami. Il retourne voir Françoise qui accepte finalement de le reprendre, à la condition que Guy reste loin. Ce qui n’empêche pas le couple de lui rendre visite. Cela tombe bien : Guy vient d’acheter un chateau à retaper quelque part en Province pour sa copine et lui… sans oublier Daniel et Françoise bien sûr.
L’EXPLICATION
Viens chez moi j’habite chez une copine, c’est en finir avec l’à-peu-près.
Après guerre, la France avait besoin d’un homme à poigne pour redresser le pays. Un homme tel que le Général était nécessaire. Les Français et la discipline ne faisant pas bon ménage, il est également devenu évident que la ceinture était trop serrée. Après la colère de Mai 68, nous sommes passés à Pompidou, puis à Giscard pour finir avec Mitterrand. À la cool, comme Guy.
Guy le laxiste, voire carrément le j’m’en foutiste. Qui prend son travail par dessus la jambe, ment à ses clients en leur faisant croire qu’ils n’ont plus d’huile, s’invite dans la voiture des jeunes femmes pour les harceler (cf Harvey Weinstein). Il est ce Français dragueur lourdingue qui importune les femmes. Celui-là même qui a été récemment dédouané par Catherine Deneuve. Guy n’a rien d’un alpha male donc il réussit parfois, à la pitié.
Un pauvre gars comme moi…
Guy est un raté qui s’en moque. Il n’a pas d’amour propre. Et puis il retombe toujours sur ses pieds, en s’incrustant chez son copain par exemple. Ce qui fait de lui une forme moderne de parasite. Guy abuse de l’altruisme des autres. Il n’hésite pas à réclamer.
Tu peux bien faire ça pour moi ?
Il n’y est jamais pour rien. Ce n’est jamais de sa faute. Il ne veut jamais gêner, mais il gêne. Alors on le déteste parce qu’il est insupportable. Daniel est très agacé lui-même.
C’est formidable d’avoir un ami comme lui. T’es vraiment un copain Guy!
Mais encore une fois, on ne peut pas lui dire non. Comment lui en vouloir ? On ne va pas le laisser à la rue quand même. Ceux qui lui ferment la porte aux nez seraient des monstres (cf Le grand partage).
Il est à la cave ton matelas alors tu le prends, tu te casses avec et tu viens plus nous faire chier.
Après la crise économique, nombreux ont été ceux qui ont accusé les étrangers d’être responsables. En plus de ne pas aller à l’église le dimanche et de manger du couscous, les étrangers volaient le travail qui revenait de droit aux Français ou touchaient les allocations chômage de Français pour mieux les envoyer au bled. Squatter chez les gens. Piquer dans l’assiette des autres… Un peu comme Guy, qui n’avait pourtant rien d’un étranger.
Non seulement Guy ne fait pas que s’accrocher aux autres, mais il ne renvoie pas l’ascenseur. Au contraire, il tire les autres vers le bas avec lui si on n’y prête pas attention. Daniel ne se rend pas compte que son ami est en train de pourrir sa propre situation. Il perd son job et manque de perdre sa copine.
Sous la mauvaise influence de Guy, Daniel commence également à lâcher prise. Il se laisse gentiment tenter. Guy est la petite voix qui le soulage de tous ses scrupules.
C’est la vie, ça n’a rien à voir avec les sentiments.
Mais Daniel frissonne dès lors qu’il se retrouve à devoir dormir dans le froid avec son pote le raté. Au début, il le blâme mais ça ne sert à rien. Il doit se reprendre en main car il ne veut pas vivre de cette façon. Dans la rue, il va confronter son ami. Cette partie de lui un peu cigale.
Tu vas me foutre la paix! T’as pas l’impression d’avoir foutu la merde dans ma vie ?
Guy proteste, évidemment.
C’est beau l’amitié, bravo!
Daniel ne tombe plus dans le panneau. Il est redevenu fourmi. Après les belles promesses de 1981, Mitterrand est obligé d’annoncer la rigueur car la France perd son pantalon. En 1983, Raymond Barre remet la ceinture.
Je vais pas pouvoir rester avec toi. Et… c‘est mieux qu’on se voit plus pendant quelques temps. Le prends pas mal.
Méfiance car l’esprit de Guy est tenace. On n’a du mal à ne pas lui rendre visite de temps en temps. Et il a toujours un coup fumeux à nous préparer.
Fascinant Michel Blanc… 1981 : « Viens chez Moi… » il est avec Bernard Giraudeau, et 1984 : « Marche à l’Ombre » il est avec Gerard Lanvin.
Même genre de bonhomme dans les 2 films, et pourtant la dynamique entre les 2 personnages principaux est différente : celui qui entraîne l’autre dans des plans foireux n’est pas le même dans ces 2 films.
Merci Toto, effectivement c’est un parallèle intéressant que vous faites entre ces deux histoires croisées.