COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT

COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT

Eva Trobisch, 2019

LE COMMENTAIRE

Dans la vie, on se lance peut-être sans élan mais pas sans névrose. Petit à petit, on accumule quelques casseroles. Notre carrosserie impeccable finit par être victime de l’usure, quand elle n’est pas carrément complètement cabossée, la faute à quelques virages mal négociés ou des freins à main trop vite oubliés. On se croise au bureau ou en soirée, comme des comédiens professionnels, avec le sourire. Facile. L’air de rien.

LE PITCH

Les lendemains difficiles d’une soirée arrosée qui se termine mal.

LE RÉSUMÉ

Janne (Aenne Schwarz) retape une maison où elle compte bien emménager avec son compagnon Piet (Andreas Döhler). Leur maison d’édition est en redressement judiciaire. Qu’importe. Ils s’aiment.

Lors d’une soirée entre anciens de promotion, Janne croise Robert (Tilo Nest) dont elle était la babysitter il y a quelques années. Il lui propose un job dans sa maison d’édition. Un peu plus tard dans la soirée, Janne se rapproche de Martin (Hans Löw), le beau-frère de Robert. Un grand gaillard aux airs d’expert comptable. Les invités boivent, dansent, flirtent gentiment. Janne propose à Martin de dormir sur son canapé pour le dépanner.

Celui-ci réclame un bisou, avant d’exiger plus.

Laisse toi faire!

Janne résiste.

Je crois que je n’ai pas envie.

Martin insiste et la plaque au sol.

T’es sérieux? ?

Il la viole pendant de trop longues secondes.

T’as fini ? Pousse-toi!

Alors il remet son pantalon et quitte les lieux avec un sentiment de honte.

Le lendemain matin, Janne a mal au crâne.

Sabine (Lina Wendel) remarque les ecchymoses sur le visage de sa fille et s’inquiète. Piet aussi s’inquiète – pour lui-même.

Tout le monde va croire que je te bats.

Janne accepte la proposition de Robert. Financièrement, c’est une aubaine. Sa décision déconcerte son compagnon qui se sent abandonné.

Janne a la mauvaise surprise de découvrir que Martin est en mission sur son lieu de travail. Elle va devoir supporter sa présence et le fait que tout le monde l’apprécie. Celui-ci profite d’une minute d’intimité pour discuter avec Janne.

Je suis désolé, je ne sais pas trop quoi faire.

Ces excuses ne permettent cependant pas à la jeune fille de surmonter son traumatisme.

Janne a surtout la mauvaise surprise de découvrir qu’elle est enceinte. De Martin ou Piet, peu importe, elle veut avorter dans la discrétion. Piet le découvre. Le couple se sépare.

Un beau matin, Janne surprend Robert qui a passé la nuit au bureau. Sa femme le frappe. La situation est embarrassante.

Qu’est-ce que je peux faire? Je ne vais pas riposter!

Rongé par les scrupules, Martin tente à nouveau de se rapprocher de Janne qui lui répond avec violence.

À la suite d’un atelier de team-building, l’absence de Martin trouve son explication. Les collaborateurs apprennent qu’il a été victime d’un grave accident de voiture la veille au soir. Hasard ou triste coïncidence?

Janne quitte le bureau pour prendre le métro sans billet. Les contrôleurs lui demandent de sortir de la rame afin de la verbaliser. Janne refuse de bouger.

L’EXPLICATION

Comme si de rien n’était, c’est ce qu’on ne peut pas faire.

Janne est la femme que nous pourrions être toutes et tous : elle conduit une Volkswagen, fait un peu de bricolage, aime bien déconner avec ses amies en soirée. Une femme moderne, débrouillarde et indépendante parce qu’on n’a pas arrêté de lui dire de l’être – notamment sa mère :

Pense d’abord à toi, sinon tu le regretteras.

Donc elle pense à elle. Quand elle dit non, c’est non.

Toute indépendante qu’elle est, Janne ne fait pas le poids face à Martin, son mètre quatre-vingt dix et ses plus de cent kilos. Lorsqu’il se met sur son passage, elle ne peut plus avancer. Lorsqu’il s’allonge sur elle, Janne ne peut rien faire.

Quand Martin s’en va, Janne fait comme si rien ne s’était passé (cf Elle).

Elle range quelques affaires avant d’aller se coucher. Le lendemain, le quotidien reprend ses droits. Janne ne veut pas en faire tout un plat. Elle est grande. Son souhait serait de pouvoir oublier tout cela (cf Simetierre) et passer à autre chose. Puisque la vie continue.

La vie ne continue pas, elle s’effondre.

Sa mère remarque immédiatement que quelque chose ne tourne pas rond. Janne ne saisit pas l’opportunité. Martin n’est pas la bonne personne pour en parler, bien qu’il se rende disponible. Impossible d’oublier car il est là, tout le temps. Lui aussi fait la fête et joue au bowling en rigolant avec les autres, comme si de rien n’était.

Impossible de reconstruire. Le mal est profond. Même l’avortement ne soulage pas, bien au contraire. Il précipite la séparation du couple.

Piet n’a aucune idée de ce qui s’est passé et il n’écoute pas Janne, alors qu’elle trouve toutes les peines du monde à parler. Le seul moment où elle ouvre la porte pour évoquer le sujet, Piet la referme aussitôt.

On peut se parler ?

Je n’ai vraiment plus rien à dire. 

Quand on fait comme si de rien n’était, le piège finit immanquablement par se refermer sur nous. Janne ne crève pas l’abcès (cf Three Billboards). Elle prend sur elle, sans pouvoir éviter la faillite de son entreprise et de son couple. Son mutisme la handicape. Elle n’est pas assez forte pour supporter de voir son agresseur avec ses chemises bien propres et ses petites lunettes. Un agresseur qui n’a d’ailleurs rien d’un Harvey Weinstein puisque tout le monde l’apprécie. Il n’en reste pas moins un violeur.

Janne aimerait continuer sa route. Sa colère finit par exploser au mauvais moment, contre la mauvaise personne. Sa réaction a peut-être provoqué l’accident de Martin. Personne ne peut le savoir. Car qu’est-ce qui se passe dans la tête de cet homme qui montre des remords et qui lui aussi fait comme si de rien n’était? Toujours est-il que Janne vient peut-être de se rajouter un drame sur la conscience. Comme si elle n’en avait déjà pas assez. À la fin de l’histoire, ce sont toujours les mêmes qui paient.

C’est elle qui règlera!

Janne est coincée dans son métro qui n’avance plus. Sous la menace des autorités, suscitant l’agacement des autres voyageurs, avec l’impression de ne rien avoir fait de mal et pourtant totalement paralysée.

On ne peut pas faire comme si ce qui se passe autour de nous était anodin.

Si l’on commençait par écouter plutôt que de parler afin de permettre aux autres de libérer la parole (cf Three billboards).

Et qu’on évite d’abuser des autres en premiers lieux (cf Leaving Neverland).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

7 commentaires

Commentez ou partagez votre explication

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.