L’EXPÉRIENCE INTERDITE
Joel Schumacher, 1990
LE COMMENTAIRE
La vie est un miracle inexplicable (cf Le sens de la vie). Mises bout à bout, nos existences forment même une forme de comédie dramatique relativement passionnante (cf Babel) – pour peu qu’on ait du temps, un peu de pop corn et un paquet de mouchoirs en papier. En revanche, séparément elles deviennent complètement insignifiantes. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les multiples stress qui nous rongent au quotidien alors qu’ils semblent ridicules aux yeux des autres. Au delà des rires et des larmes, nous ne sommes pas beaucoup plus qu’une série d’oscillations jusqu’à ce que la ligne devienne plate.
LE PITCH
Cinq étudiants en médecine s’aventurent aux confins de la science et de la morale.
LE RÉSUMÉ
Nelson Wright (Kiefer Sutherland) veut expérimenter un état de mort clinique pour trouver des réponses aux questions que l’humanité se pose.
I don’t want to die. I want to come back with the answers to death and life. (…) To see if there’s anything out there beyond death. Philosophy failed. Religion failed. Now it’s up to the physical sciences. I think mankind deserves to know.
Ses camarades sont sceptiques. Néanmoins ils vont se prendre au jeu. Rachel Manus (Julia Roberts), David Labraccio (Kevin Bacon), Joe Hurley (William Baldwin) et Randy Steckle (Oliver Platt) se rendent dans un laboratoire désaffecté pour se livrer à cette expérience d’un nouveau genre.
Nelson passe une minute de l’autre côté avant d’être ressuscité. Il partage ses sensations incroyables avec le groupe.
I feel like a highly-tuned instrument.
Excité ou simplement curieux, chaque membre veut essayer à son tour. Joe puis David et enfin Rachel perdent la vie momentanément avant de la retrouver. Leurs expériences sont uniques.
Not thinking about the past or the future. I don’t know it’s difficult to explain, maybe impossible.
Par contre, Nelson n’a pas informé les autres qu’il était victimes d’hallucinations récurrentes.
Somehow we’ve brought our sins back physically. And they’re pissed.
Nelson est régulièrement poursuivi par Billy Mahoney, un jeune garçon mort par sa faute. David est hanté par ses ex-compagnes. Joe se fait insulter par Winnie Hicks, une petite fille qu’il harcelait à l’école. Et Rachel voit le fantôme de son père toxicomane à chaque coin de rue.
Joe souhaite faire la paix avec Winnie Hicks désormais adulte. Ses angoisses disparaissent aussitôt. Rachel parvient également à pardonner à son père. Nelson n’y arrive pas et se suicide. Aux portes de la mort, il aperçoit Billy Mahoney lui sourire. Tout est arrangé. Nelson peut revenir dans le monde des vivants, un peu plus serein.
It wasn’t such a good day to die.
L’EXPLICATION
L’expérience interdite, c’est ne plus avoir peur de la mort.
La vie est étroitement liée à la mort. Nos actes n’ont de sens que parce que tout s’arrêtera un jour.
Everything matters, everything we do matters.
La mort fascine les athées qui se demandent ce que nous pouvons bien faire là. Pourquoi autant de revenants rapportent le même genre d’expérience (cf Ghost) ? Que se passe-t-il vraiment après (cf Beetlejuice) ? Autant de personnes ne peuvent pas se tromper!
How do you explain the similarity of death experiences all over the world? People from different cultures and religions… all seeing the same things in the same order.
D’une certaine manière, la vie est notre unique certitude. Et encore, Descartes a du inventer le doute méthodique pour se convaincre qu’il existait. Pas simple…
L’inconnue que représente la mort génère une angoisse fondamentale qui justifie à elle-seule la foi.
It’s ignorance we fear. Since when did truth and knowledge become a horror?
En effet, la possibilité d’un arrière monde est bien commode car elle nous permet de nous en remettre à un code de conduite nous garantissant une prolongation de l’existence dans une forme de Paradis.
Plus besoin de réfléchir ou de se faire des noeuds au cerveau. Il suffit de suivre les préceptes contradictoires que nous maitrisons mal, édictés par des personnes illustres que nous ne connaissons pas. C’est de cette façon que certains exploitent les peurs des autres (cf The Master).
Nelson veut savoir ce qu’il se passe. Il veut en avoir le coeur net pour libérer l’humanité, et accessoirement devenir célèbre au passage.
Fame is inevitable.
That’s the wrong reason.
Il va découvrir que cette expérience est beaucoup plus profonde, et perturbante, qu’il ne l’imaginait. On ne joue pas avec la mort impunément.
Death is beautiful? What a bunch of crap!
Après les premiers cauchemars, les étudiants nourrissent rapidement des scrupules. Ils n’en dorment plus la nuit. Les angoisses sont tenaces. L’expérience fut tellement intense pour Nelson qu’il porte même les stigmates des visions de Billy Mahoney.
It were as if we felt no fear. As if we were already dead and had nothing to lose by dying. Or perhaps it was because we lived life so well and loved life so much that we imagined ourselves immortal overwhelming the powers that be with the force of our passion for science.
S’il n’est pas question de jugement dernier, Nelson et ses amis vont comprendre l’importance de régler ses affaires (cf Biutiful). La mort se révèle être une confrontation avec soi-même. Le moment d’affronter ses pires peurs. Afin de surmonter cette épreuve, il est nécessaire d’avoir la conscience tranquille. Être au clair avec soi-même, pour ne plus avoir à craindre cet instant fatidique.
En l’occurrence, Nelson a enfoui la disparition de Billy Mahoney mais au moment de dire au revoir, cette pensée le torture. Ce souvenir l’empêche de vivre. Il se sent coupable.
La vie est longue et courte à la fois. C’est pourquoi il peut être préférable de ne pas attendre le pardon d’un Dieu hypothétique. Être son propre juge pour faire la paix avec nous-mêmes. Rachel est convaincu que son père s’est tiré une balle dans la tête après qu’elle l’ait surpris en train de se shooter. Depuis, elle est bloquée. Elle a besoin de le retrouver et le prendre dans ses bras pour que tout rentre dans l’ordre.
Your father is in a good place. He wants you to let him go.
L’injonction de Marc Aurèle à vivre chaque jour comme si c’était le dernier, ou de celle de Nietzsche à vivre dangereusement ne sont pas évidentes à appliquer au quotidien. Carpe diem, facile à dire! Nous préférons évacuer la possibilité de la mort, convaincus que cela nous facilitera la vie. C’est faux.
L’expérience interdite en vaut la peine. Ce que nous ne devrions pas nous interdir est de mieux vivre avec la mort. Intégrer cet état de fait, plutôt que de le redouter. C’est seulement quand on commence à considérer cette éventualité que nous pouvons prendre acte de ce qui nous empêche d’être épanoui dans nos vies.
VENOM