DES VENTS CONTRAIRES
Jalil Lespert, 2011
LE COMMENTAIRE
Pour les plus romantiques d’entre nous, la vie est passionnante au sens où ne la maitrisons pas. Au fil des années, on se construit une petite histoire sans prétention – avec quelques grands moments quand même. On se dit que tout cela doit forcément vouloir dire quelque chose, sans oublier non plus que la vie peut se montrer capricieuse. Parce qu’un jour, on est là. Puis le lendemain, on n’est plus là. Ni vu, ni connu.
LE PITCH
Un homme part se mettre au vert après la disparition de sa femme.
LE RÉSUMÉ
Rien ne va plus au sein du couple Anderen. L’inspiration de Paul (Benoît Magimel) fait du sur-place. Il a besoin de partir quelques jours pour se ressourcer. Épuisée elle-aussi, Sarah (Audrey Tautou) a du mal à comprendre le caprice de son mari.
J’ai quatre mômes qui sont entre la vie et la mort à l’hôpital, je vois à peine les miens et toi tu me dis que tu veux te barrer pendant trois jours?
Au terme d’une énième dispute, elle lui fait part de son raz le bol.
Je peux plus, je veux plus…
Après cette dispute, plus de nouvelle. Plus rien. (cf Ne le dis à personne)
Un an plus tard, Paul quitte Paris pour St Malo avec ses enfants. Il y retrouve son frère Alex (Antoine Duléry) qui lui propose du travail comme moniteur dans son auto-école.
Entre Justine (Marie-Ange Casta) qui le drague, M. Bréhel (Bouli Lanners) qui tente de récupérer son permis et les fantômes de Sarah qui le hantent, sans parler des enfants qui demandent des nouvelles de leur mère… Paul fait au jour le jour. La tête ailleurs. Dans le brouillard.
J’ai surtout besoin de mettre de l’ordre dans ma tête.
Il sympathise avec Samir (Ramzy Bedia), ex-détenu qui kidnappe son fils – dans la même classe que celui de Paul.
La capitaine de police Josée Combe (Isabelle Carré) intervient. Paul ne dit rien sur le fait qu’il héberge Samir. Il ramène le petit Yamine (Azzedine Bouabba) à sa mère (Lubna Azabal) qui lèvera finalement sa plainte. Trop tard, la police vient chercher Samir qui meurt après avoir pris la fuite.
Paul se dispute avec Alex à propos de la mort de leur père.
M. Bréhel décroche finalement son examen et récupère ce permis dont il avait si cruellement besoin. Paul le rejoint pour célébrer la bonne nouvelle.
Vous y êtes pour beaucoup vous vous rendez pas compte à quel point.
C’est alors qu’il apprend par la police que le corps de Sarah a finalement été retrouvée.
Après avoir reconnu les effets personnels de sa femme puis annoncé la triste nouvelle à ses enfants, Paul tente de reprendre sa vie avec un nouveau roman.
L’EXPLICATION
Des vents contraires, c’est l’obligation de devoir faire face.
C’est un luxe que nous nous offrons lorsque nous critiquons les cyclistes convaincus de dopage (cf Stop at nothing), ce que nous faisons tous par ailleurs. Les cyclistes ont l’honnêteté de reconnaître qu’on compose avec le sens du vent, ce que nous refusons communément d’admettre. Or la course n’a rien à voir selon qu’on ait le vent avec ou contre soi.
Pour le dire dans le langage du rap d’hier :
Y a des jours comme ça où tout ne va pas pour le mieux.
Y a des jours où tout part en couille, tout coule…
On nous fait miroiter la belle vie avec plein d’opportunités qu’il faut quand même aller chercher soi-même parce que tout ne vous tombe pas tout cuit dans la main non plus : les enfants, la carrière, les vacances, les projets… Pendant ce temps, on passe sous silence tous les désagréments qui viennent avec : les insomnies, les disputes, les soucis, les galères… (cf La guerre est déclarée)
De ce point de vue, Paul et Sarah sont exactement comme tout le monde, avec la même impression de ne plus en pouvoir. Paul fait des conneries parce qu’il est humain et il en souffre car il a des scrupules.
On laisse pas ses mômes seuls la nuit, ça se fait pas.
Quand sa femme disparait, il est puni. Sonné. Lui qui pensait déjà ne plus avoir de vie va comprendre sa douleur. Parfois le vent de face est tellement fort qu’il nous fait même reculer. Paul revient à la case départ en Bretagne, contraint d’essuyer les commentaires des autres sans avoir rien réclamé.
Faut que t’ailles de l’avant, faut que t’essaies de l’oublier.
Sans nouvelle, sans raison, sans rien, Paul ne peut pas faire son deuil. Il est orphelin de Sarah.
Aujourd’hui, je suis comme un con, j’attends.
Ces appels téléphoniques anonymes que Paul reçoit régulièrement pourraient être ceux de Sarah. Même Josée Combe l’envisage comme une possibilité.
C’est peut-être elle qui vous appelle?
Avec le vent de face, tout parait plus difficile. La ligne d’arrivée nous semble si loin. Les efforts paraissent inutiles. La tête tourne. On finit par perdre ses repères et son envie, sauf son envie de cracher sa frustration à toutes celles et ceux qui vous font la leçon ou vous donne des conseils.
Votre bon sens, gardez le pour vous.
Quand vous arrivez à peine à surnager, il faut parfois rajouter la peine des autres à la vôtre. Car tout n’a pas non plus été simple pour Alex lorsqu’il a du gérer les derniers jours de son père à l’hôpital – en l’absence de son son frère. Lui aussi a besoin de vider son sac (cf Three Billboards) :
J’aurais aimé que tu en fasses autant pour moi. (…) Du début à la fin ça a été comme ça : l’enfer!
Dans la difficulté, on n’est pourtant jamais seul. On rencontre toujours des compagnons de galère, comme M. Bréhel, que Paul n’aurait jamais croisé dans sa vie Parisienne.
J’ai perdu mon permis, dans la foulée j’ai perdu mon boulot et j’ai perdu ma femme, elle m’a quitté. Y’a des jours comme ça…
Si Paul a l’impression de faire n’importe quoi avec Justine, il essaie d’aider Samir comme il le peut. Celui-ci l’a aidé à déménager, et lui a confié un petit mot de réconfort:
Après un trou noir, tout s’éclaire.
Paradoxalement, Paul est libéré d’apprendre que sa femme a été assassinée. Il a passé trop de temps sur le bord de la route, la tête haute malgré tout. Le temps est venu de reprendre sa place dans le trafic. La vie continue.
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