LA GUERRE EST DÉCLARÉE
Valérie Donzelli, 2011
LE COMMENTAIRE
La vie à deux a des airs de fête foraine. Avec des odeurs de barbe à papa et de pomme d’amour. Quand on est deux, on se marre bien. On tire à la carabine pour gagner le gros lot et repartir avec le nounours. Puis la vie à deux se dérègle, sans qu’on sache pourquoi. Un peu comme une Foire du Trône où la sécurité ne serait pas au rendez-vous. Un boulon défaillant dans le manège. On ne tire plus dans le même sens, on finit par se tirer dessus. Adieu le nounours.
LE PITCH
Un enfant lie le couple et le défait pour toujours.
LE RÉSUMÉ
Juliette (Valérie Donzelli) a eu le coup de foudre pour Roméo (Jérémie Elkaïm) dans une soirée. Bras dessus, bras dessous, clopin-clopant sous la pluie, les rigolades, les ballades à vélo en amoureux dans Paris ont fini par donner naissance à un petit garçon.
Adam donne immédiatement du fil à retordre à ses parents (cf Vivarium).
Ce gosse il nous tyrannise!!
Surtout, il inquiète car il ne marche pas. Pire, il vomit et sa tête penche dangereusement (cf L’Exorciste).
J’ai les boules Juliette. Notre enfant n’est pas normal.
La pédiatre remarque le problème et renvoie le couple vers une neurologue (Anne Le Ny) qui diagnostique une tumeur au cerveau.
Catastrophé, le couple confie Adam au Professeur Sainte-Rose (Frédéric Pierrot) à Necker. L’opération est réussie. Malheureusement, la tumeur est maligne. L’enfant n’en a que pour cinq ans, moyennant chimio et radiothérapie. Roméo et Juliette se préparent à déclarer ensemble la guerre au cancer de leur fils.
La bataille fait rage. En dehors de l’hôpital, la vie semble douce – pour les autres. Les amies compatissent.
Ma pauvre, comment tu fais?
Cette sollicitude n’empêche pas le bateau de tanguer (cf Les Noces Rebelles). Roméo passe interdit bancaire. Le couple se fait trimballer par les spécialistes et se perd dans le jargon des protocoles. La maladie d’Adam devient un jeu de probabilités. Personne n’a de réponse.
On ne peut pas parler de victoire, mais on a fait du chemin.
Épuisés. Roméo et Juliette continuent de s’aimer, sans se désirer. Ils ont juste besoin d’un tout petit peu de légèreté.
J’avais envie de prendre l’air, j’en peux plus d’être ici.
Le couple finit par se séparer, en adultes, sans drame et avec toujours beaucoup de respect l’un pour l’autre.
J’aurais jamais pu vivre ça avec quelqu’un d’autre que toi.
Tous les deux ont rendez-vous avec le professeur Sainte-Rose (Frédéric Pierrot) qui a cette fois le plaisir de leur annoncer que les examens sont bons, et que la date de rémission est dépassée. Adam est officiellement guéri.
Ça va être bien maintenant, vous verrez.
Roméo et Juliette vont peut être pouvoir commencer à profiter, séparément mais soulagés.
L’EXPLICATION
La Guerre est Déclarée, c’est l’armistice.
Le guerre nous pend au nez. Elle ne se déclare jamais au bon moment, comme un cancer. On la déclare sous la contrainte, en réaction à une agression. Les Alliés n’ont-ils pas fermé les yeux longtemps sur les annexions des Nazis jusqu’à l’invasion de la Pologne au nom de la paix? On fait des compromis pour repousser l’échéance, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus éviter le conflit.
La guerre est sournoise. Alors qu’on pense être prêt à s’embarquer pour le plus beau des voyages, on signe sans le savoir pour un long combat. Lorsqu’il rencontre Juliette, Roméo plaisante…
On est voué à un terrible destin alors (cf Romeo + Juliette).
Il ne croit malheureusement pas si bien dire. La naissance d’Adam, qui est censée être le moment le plus heureux de leur vie de couple, va devenir synonyme de malédiction (cf Damien).
Pourquoi c’est tombé sur nous?
Comme tous les jeunes parents, ils traversent une période de turbulences.
Il fait que brailler. Nan j’te jure, le cauchemar.
Le destin semble s’acharner sur eux. Quelque chose ne tourne visiblement pas rond. Roméo et Juliette ferment les yeux jusqu’à ce que les résultats de l’examen tombent. Les véritables hostilités commencent alors. Roméo et Juliette font bloc.
Je pense qu’on est capable de surmonter ça.
Ils essaient de rester positifs, en toute circonstance. Conscients que la vie n’est pas toujours drôle et qu’il ne faut pas baisser les bras pour autant. Alors ils s’accrochent. Cependant, ils ne sont pas de taille pour cette guerre.
D’abord il faut accepter le coup du sort. Une plaie en plein coeur s’ouvre à l’hôpital. Elle fait d’autant plus mal qu’il y a toujours quelqu’un pour remuer le couteau dedans, quand on a la garde baissée sur le parking de Shopi. Quelqu’un pour partager son bonheur ordinaire alors que l’on a rien demandé d’autre que de pouvoir souffrir en silence. Sans que les autres en rajoutent avec leur bonheur – comme si l’injustice était double.
Roméo et Juliette doivent à la fois gérer les attentes de leurs amis et de leur famille, dont on préférerait qu’ils viennent gonfler nos rangs plutôt que de jouer la neutralité. Le malheur ne fait pas d’envieux. Personne n’a envie de s’emmêler. Que pourraient-ils y faire de toute façon?
Roméo et Juliette, à qui la vie tendait grand les bras, pensaient avoir troqué leur insouciance pour un autre bonheur fait de crèche et de poussette ; pas pour des nuits blanches en chien de fusil et surtout pas dans des lits d’hôpitaux – ni une vie de disputes.
Roméo et Juliette ne sont pas aigris. Ils ont simplement besoin d’une trêve. Au coeur de la tempête, ils ont l’intelligence de ne pas se déclarer la guerre entre eux. Ils s’engueulent, s’écoutent, se parlent et essaient de se soutenir.
On va s’en sortir.
Cette guerre devient malgré tout trop lourde pour eux. Ils ne peuvent s’en sortir que séparément (cf Marriage Story). Ils s’en sortent quand même. La guerre a eu raison de leur couple, pas d’eux, ni de leur amour (cf Manchester by the Sea).
Ils sont restés solides. Détruits certes, mais solides.
La guérison d’Adam est inespérée. Elle déjoue tous les pronostics. Si on la doit à la chirurgie et au traitement, cette guérison est surtout la victoire de Roméo et Juliette. Ils ont mené une bataille pour la vie plutôt que contre la mort. Récompensés, ils peuvent faire la paix ensemble.
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