LA NUIT NOUS APPARTIENT
James Gray, 2007
LE COMMENTAIRE
Sheila a chanté avec beaucoup d’enthousiasme que l’école était finie. Mais oui, mais oui. Que la joie vienne. Quand l’école est finie, c’est aussi la vraie vie qui commence sans qu’on s’en aperçoive. Moins drôle. Plus possible de se regarder dans les yeux. Les sourires ont disparu. On n’entend plus la musique.
LE PITCH
Un patron de night club entame sa reconversion professionnelle dans la police.
LE RÉSUMÉ
Bobby Green (Joaquin Phoenix) est un homme apparemment comblé. Son El Caribe est le club le plus hip de Brooklyn. Là-bas il est le pape de la nuit, avec Amada Juarez (Eva Mendes) à ses côtés. Rien ne lui résiste.
Par politesse, il se rend à une fête organisée par la police en l’honneur de son frère Joe Grusinsky (Mark Wahlberg) qui vient d’avoir une promotion. Car Bobby Green est surtout Robert Grusinsky, fils du chef de la police Albert Grusinsky (Robert Duvall). Personne n’est au courant.
Joe prévient Bobby qu’il en a après l’un de ses clients, Vadim Nezhinski (Alex Veadov). Un gros acteur du narco-traffic qui fréquente le El Caribe. Il ne demande pas grand chose à son frère, juste quelques informations. Bobby refuse formellement. Il n’est pas un indic (cf Le Cousin). Au contraire, il se verrait bien ouvrir un nouveau nightclub à Manhattan.
Une descente de police plus tard et Joe se prend une balle dans la tête. Grièvement blessé, le capitaine va s’en sortir miraculeusement.
Bobby change de camp. Il accepte de porter un micro lors d’une rencontre avec Nezhinski.
What if something goes wrong?
Il est malheureusement repéré. Les forces de police arrive à temps pour lui sauver la vie. Nezhinski est arrêté. Bobby est placé sous protection rapprochée.
Things are going to be different for you now.
Dans cette vie planquée, Bobby ne dort plus. Amada ne rayonne plus. Tous les deux vivent constamment sous la menace. Les projets d’enfants ont fait place aux disputes.
I have to do this!
I fucking hate you!
Nezhinski s’échappe de prison et fait abattre Albert.
Bobby fait la bascule pour de bon pour rejoindre les rangs de la police de New York. Avec beaucoup de courage, il conduit une opération dangereuse visant à faire tomber Nezhinski et son oncle, Marat Buzhayev (Moni Moshonov).
Joe est resté comme paralysé lors du raid. Il annonce à son frère qu’il a accepté un poste dans l’administration. Bobby est sonné. Alors qu’il s’apprête à recevoir son diplôme de l’Académie de police, il croit apercevoir Amada dans l’assistance.
L’EXPLICATION
La nuit nous appartient, c’est la fête est finie.
Bobby est une cigale qui mène grand train après minuit. Celui qui se vante de n’avoir jamais écouté personne ne suit aucune règle et cela semble lui réussir plutôt pas mal. En sa compagnie, on s’amuse bien. Sa vie est plutôt sexy. Le champagne et les bulles.
Rien à voir avec l’autre côté de sa famille. Son père ne rigole pas beaucoup et son frère ne fait plus l’amour avec sa femme. Leurs journées sont interminables. Dans la rue, on les prend pour des Mickey. La sobriété avec une petite sensation de gueule de bois malgré tout.
Bobby a honte de sa famille. Il ne s’y sent pas dans son élément. Ce en quoi il n’a pas tout à fait tort car son frère et son père le méprisent. Alors qu’il peine à réconcilier les deux mondes, Albert lui rappelle sèchement que la mixité n’existe pas. Un jour ou l’autre, il faudra grandir. Donc choisir.
Sooner or later, you’re going to be with us or you’re going to be with those drug dealers.
Bobby doit se décider plus vite qu’il ne le pense. Tout s’accélère après que Joe débarque dans son club. Il est temps de prendre position. À son milieu, Bobby préfère finalement la famille. Au delà des liens du sang, Nezhinski lui fait terriblement peur. En l’occurrence, Bobby ne veut pas avoir peur. Il tient sûrement cela de son père.
When you piss in your pants you only stay warm for so long.
Lorsque Bobby avale la pilule rouge (cf Matrix), le manège s’arrête brusquement. Le masque se fige.
Il découvre une règle élémentaire :
Don’t be a hero.
En effet, cela ne sert à rien de vouloir jouer les héros (cf Le Pianiste). Tout ce que l’on puisse faire est de passer entre les gouttes avec un peu de chance, comme Joe qui prend une balle dans la tête sans qu’elle ne lui endommage la cervelle. Un survivant. Veinard.
Bobby rentre dans le rang. Il comprend que la vie n’est rien d’autre qu’un gros mensonge. Son père lui avait promis qu’il serait en sécurité.
We’ll protect you.
On a vu où cela l’a conduit!
Ses collègues ont essayé de le réconforter.
Don’t worry, this is going to be okay.
Bobby ne voulait pas d’une vie okay. Il voulait la grande vie, au son des bpm. L’obscurité, pas sans les néons.
Michael Solo (Antoni Corone) lui a juré que le jeu en valait la chandelle. On ne fait pas tout cela pour rien. C’est certain.
Your father will not have died in vain.
Alors pour quoi ? Une médaille (cf En Pleine Tempête)? Bobby est devenu un paria. Il a trahi et se retrouve trahi à son tour. En changeant de camp, il a l’impression désagréable d’avoir perdu toute crédibilité. Dans cette vraie vie, rien n’est stable. On ne peut se fier à personne (cf Mensonges d’État).
Albert avait promis à Bobby que Joe serait reconnaissant de son sacrifice.
One day your brother will thank you for this.
Certes, Joe lui avoue qu’il l’aime lors de la cérémonie de remise de diplôme… juste après lui avoir annoncé qu’il rejoignait l’administration. Autrement dit, qu’il l’abandonnait sur le terrain. Des dizaines de coups de couteau dans le dos. Tenir debout malgré tout.
Sans frère, ni père ou copine. Bobby se retrouve soudainement bien seul. Il a perdu ses illusions pour s’emparer de sa part de ténèbres. Sombre comme son costume d’officier. La nuit est à lui.