MONSIEUR KLEIN

MONSIEUR KLEIN

Joseph Losey, 1976

LE COMMENTAIRE

Dans cette vie, le voyage compte autant que la destination sinon plus (cf Compartiment n°6). Dans le train qui les emmène vers là où ils souhaitent aller, les passagers de première classe profitent pleinement de tout le confort qui leur est offert. Fut un temps, des personnes étaient transportées arbitrairement dans des conditions atroces, vers là où aucune d’entre elles n’avaient demandé à aller.

LE PITCH

En pleine guerre, un homme est confondu avec un autre.

LE RÉSUMÉ

1942. La France vit sous l’occupation. Les médecins ont recours à la phrénologie pour confirmer l’origine sémite de leurs patients aux autorités.

Robert Klein (Alain Delon) vit très loin de cette réalité malsaine depuis son luxueux hôtel particulier de la rue du Bac. Parfois, il profite de sa fortune pour acheter au rabais des oeuvres d’art vendues par des Juifs aux abois. Un beau jour, un homme (Jean Bouise) lui cède ainsi une oeuvre de Van Ostade pour une somme ridicule.

Faites moi une offre raisonnable au moins.

Robert Klein est surpris de découvrir une revue Juive sur son paillasson. C’est pourquoi il se rend au siège de la publication car il croit d’abord à une mauvaise plaisanterie.

Vous pensez que nous sommes un bon sujet de plaisanterie?

Abonné par erreur et soucieux de ne pas être pris pour le Juif qu’il n’est pas, il se rend immédiatement au commissariat. Croyant bien faire, il ne fait qu’attirer sur lui les soupçons du fonctionnaire (Michel Aumont).

Robert Klein mène son enquête et découvre qu’il a un homonyme vivant dans un appartement rue des Abbesses. L’autre Robert Klein est un fantôme qui lui ressemble étrangement.

Le marchand d’art est sommé par la police de fournir des certificats d’identité remontant à ses grands-parents. Klein se rend à Strasbourg afin de les réclamer à son père (Louis Seigner) qui s’agace.

Pourquoi te demande-t-on tous ces certificats? (…) Nous sommes Français et catholiques depuis Louis XIV!

Ne parvenant pas à justifier son identité, Klein sent le vent tourner.

Tout interdit! Selon eux, je ne peux plus aller nulle part, même pas dans les pissotières! Et tout cela parce que le certificat de ma grand mere n’est pas arrivé!

Il réclame à son ami Pierre (Michael Lonsdale) de lui fournir de faux papiers et vendre ses biens afin qu’il puisse quitter le pays.

Je commençais à en avoir marre de la France actuelle.

Dans le train qui l’emmène vers le Sud, Robert Klein s’assied en face d’une femme qu’il reconnaît. Une amie de son homonyme qui lui confirme que l’homme vit toujours rue des Abbesses. Robert Klein fait alors demi-tour pour résoudre cette affaire incroyable.

Il appelle son homonyme et lui donne rendez-vous. Cependant, il arrive sur place trop tard. Sans vergogne, Pierre dénonce son homonyme, soit disant pour le protéger. C’était courant à l’époque.

Finalement victime d’une rafle à son tour, Robert se retrouve parqué dans un vélodrome au milieu de centaines de personnes. Pierre tente de venir à son secours. Lorsque le nom de Klein résonne dans le haut-parleur, Robert disparait dans la foule.

Je reviens!

Au bout du tunnel se trouve un train. Klein se retrouve déporté malgré lui. Dans son ombre, l’homme auquel il avait acheté le Portrait d’un gentilhomme Hollandais.

L’EXPLICATION

Monsieur Klein, c’est une position de neutralité intenable.

Comment évalue-t-on la valeur d’une vie (cf Worth) ? Peut-on la comparer à une autre ? Qu’est-ce qui fait la différence entre Robert Klein et Robert Klein ?

L’un est Juif, l’autre ne l’est pas encore qu’on pourrait retrouver des Juifs dans la branche hollandaise de son arbre généalogique pour peu qu’on fouille.

Ces deux hommes ne sont pas les mêmes et pourtant ils sont hommes. Au delà de partager le même patronyme, ils se ressemblent. Leurs vies se croisent. Désormais leurs destins convergent.

C’est la Loi qui les distingue. Une Loi que le gouvernement d’occupation se charge de faire appliquer – sans la discuter.

Ce n’est pas une question personnelle ni du vice de ma part, c’est la loi.

En ce temps, la loi est discriminatoire. Les Juifs sont dans le collimateur, les noms de famille deviennent des indices.

Dis moi les Klein, vous êtes Français Français? Ou est-ce qu’il y a des Juifs dans ta famille?

Robert Klein a choisi la neutralité. Ignorer ce qui se passe dans la France de l’époque. Croire qu’il ne serait pas concerné.

Je ne sais rien, je ne veux rien savoir.

Persuadé de pouvoir traverser la tempête sans avoir à s’impliquer et peut-être même en tirant quelque profit.

Malheureusement, Robert Klein réalise que nul n’est censé ignorer la loi.

Je ne discute pas la loi mais elle ne me concerne pas, je n’accepte pas d’être pris pour un autre et de payer pour un autre.

Le voilà pris dans le tourbillon des événements, identifié à tort par la faute d’un journal qui n’aurait pas du se trouver là. Trop confiant en une justice qui se retourne contre lui.

La police Française ne ferait jamais ça.

Dans un univers Kafkaïen, Robert Klein voit ses certitudes s’effondrer. Tout est contre lui. Son monde lui échappe.

Cela n’a rien à voir avec moi!

Cela reste à prouver…

Signe que n’importe qui peut vite devenir la mauvaise personne, surtout sous un gouvernement totalitaire (cf 1984).

Robert Klein le comprend au fur et à mesure de son enquête, en perdant cette distance qu’il entretenait avec l’actualité. Contraint d’ouvrir véritablement les yeux sur la situation. De constater avec dégoût les remarques antisémites dont les Juifs sont victimes de la rue jusqu’aux salles de spectacles – cautionnées par des passants complices ou un public hilare.

Un rappel que ce qui arrive aux uns peut arriver aux autres. On peut chercher à constamment éviter les ennuis. Ils peuvent nous retrouver malgré tout. C’est pourquoi il n’est pas possible dans pareilles conditions de rester neutre.

Ne rien dire ou ne rien faire, c’est participer. Fermer les yeux, c’est choisir le hasard.

Prier chaque nuit afin de passer entre les gouttes le lendemain (cf Le Pianiste). Espérer ne jamais être la mauvaise personne.

Encore faut-il prier très fort et surtout le bon Dieu (cf Amen), bien évidemment.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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