1984

1984

Michael Radford, 1985

LE COMMENTAIRE

Le peuple peut faire preuve de génie (cf Le Poulpe). Ce qui justifie a priori le principe de méritocratie : l’individu mérite d’être promu par son talent, indépendamment de son milieu social ou ses origines. Attention. Le peuple peut aussi être dangereux, en tant que masses bêlantes ataviquement acquises aux promiscuités transpirantes et braillardes inhérentes à la vulgarité du régime démocratique imposé chez nous depuis deux siècles par la canaille régicide.

LE PITCH

Un archiviste tombe amoureux de la résistance.

LE RÉSUMÉ

Winston Smith (John Hurt) fait partie de l’Oceania, l’un des trois grands blocs totalitaires qui composent la planète en 1984.

This is our land!

L’Oceania est en guerre contre l’Estasia et l’Eurasia. Dirigée par un parti unique, l’Oceania suit un régime collectiviste appelé l’Angsoc, personnifié par Big Brother (Bob Flag) dont le visage et les yeux sont partout.

Winston est un membre du parti extérieur qui sépare le parti intérieur des prolétaires. Il est une sorte de fonctionnaire au service de la classe dirigeante (cf Brazil). Son travail au Times consiste à servir la propagande de la Police de la Pensée.

Un jour, Winston remarque Julia (Suzanna Hamilton). La jeune femme travaille sur le contrôle la natalité et à l’éradication de l’orgasme au sein de la Ligue anti-sexe – des mesures qui ne concernent pas les prolétaires.

Une relation amoureuse naît entre Winston et Julia qui s’échangent des mots doux en secret.

Under the spreading chestnut tree / I sold you / You sold me.

Leurs esprits sont rebelles. Tous les deux se trouvent.

Look, I hate purity. Hate goodness. I don’t want virtue to exist anywhere, I want everyone corrupt.

Well, I ought to suit you, then. I’m corrupt to the core.

Winston est persuadé que son supérieur O’Brien (Richard Burton) est un membre de la Fraternité, mouvement résistant relayant les idées de Goldstein.

Nothing the Party says is true, nothing the Party does is good. Even the war itself isn’t real. The Party wants you to believe we are at war so as to channel your aggressions away from the rightful target, the Party. Big Brother is not real. He is pure fiction, created by the Party. (…) It is the Party, not the Eurasians, who are our enemies. Rise up. Throw off the yoke. You have nothing to lose, and everything to gain. People of Oceania.

Malheureusement pour Winston, O’Brien n’est pas celui qu’il croit. Au contraire, il travaille en fait pour le Ministère de la Vérité et le surveille depuis longtemps. L’autorité arrête Julia et Winston, puis les torture jusqu’à ce qu’ils soient moralement brisés au point de se trahir l’un l’autre.

Do it to Julia, not me!

Après un traitement de choc, Winston est libre. Contraint d’avouer publiquement tous ses crimes sur grand écran, il jure son amour pour Big Brother les larmes aux yeux.

I love you…

L’EXPLICATION

1984, c’est une philosophie romantique qui n’apporte que des souffrances.

Tout part d’un postulat : la réalité est insupportable.

My woman’s dead. I’m just trying to sell the furniture. It’s a beautiful bed… if you can get the bugs out of it.

C’est pourquoi le monde entier sans exception préfère adhérer à une fiction : religion, jeux vidéos, sports, etc.

La fiction que propose la philosophie romantique est séduisante. Elle s’appuie sur un individu qui serait plus fort que le système (cf V for Vendetta), en valorisant la sensibilité et l’imagination. Personne, si elle le souhaite, ne serait contraint de travailler toute sa vie à la mine avant d’être débranché (cf Monsieur Schmidt). La force de caractère et la liberté de pensée pourraient permettre à l’individu de sortir du cadre que le système cherche à lui imposer de force (cf The Truman Show, Cube). Soyez résolus à ne plus servir et vous serez libres! (cf Oblivion)

La personne est au coeur de cette philosophie existentialiste qui résonne évidemment très fort aux oreilles des communautés minoritaires.

Winston est le héros de cette philosophie en tant que prisonnier du parti unique. Aucun choix ne lui est pas offert. C’est le parti qui décide pour lui si 2+2 = 4. Il lui faut suivre les consignes sans discuter. L’individu n’existe pas en Oceania, pas plus qu’en Estasia ou en Eurasia.

Does Big Brother even exist?

Of course he exists.

No, I mean… does he exist like you or me?

You do not exist.

La peur d’une guerre permanente ainsi qu’une réthorique belliqueuse (cf Des hommes d’influence) sont des instruments efficaces utilisés par le pouvoir en place pour maintenir le peuple sous contrôle.

The war is not meant to be won, it meant to be continuous.

Winston entrevoit cependant la possibilité d’un autre monde, au delà des règles, lorsqu’il rencontre Julia. Avec elle, Winston pense qu’on peut célébrer l’humain pour sa différence, au lieu de le réduire (cf La ligne rouge).

So, it’s not so much staying alive. It’s staying human that’s important.

La liberté semble atteignable. Cette vie paraît belle. L’espoir anime donc Winston.

La philosophie romantique ne va pourtant lui causer que des misères.

Tout d’abord parce qu’il est impossible d’échapper au système. Winston est espionné sans même s’en rendre compte. Chaque smartphone est tracé. Aucune navigation internet n’est véritablement privée. Les transactions sont toutes enregistrées. Des caméras de sécurité couvre chaque coin de rue. Lorsque le parti veut retrouver quelqu’un, il peut le faire. Tout comme il est facile de trouver des éléments à charge afin de condamner les petits malins et les faire rentrer dans le rang (cf Un pays qui se tient sage). On ne s’évade pas.

De plus, les esprits libres ont eu l’occasion de constituer des sociétés basées sur le partage et l’amour, mais leurs projets utopiques se sont toujours soldés par des échecs lamentables (cf Problemos, La Plage, La Belle Verte). Quand on laisse aux romantiques la liberté d’imaginer une ruche, cela ne conduit qu’à des déconvenues. Si l’anarchie de Mai 68 a décloisonné la pensée, elle a conduit à des dérives qu’il a fallu bien vite rattraper.

Si on laissait le soin aux intellectuel·les et autres poètes qui s’interrogent sur le sens de la vie, d’organiser la société, ils n’auraient rien d’autre à proposer que l’angoisse du vide. On se rend vite compte que les ignorants sont bénis et que le shopping n’est pas si mal pour occuper son temps.

Par ailleurs, la Fraternité a beau jeu de critiquer le pouvoir. Goldstein est dans une position facile dans le mesure où il dénonce sans proposer d’alternative. L’Angsoc agite le spectre de la guerre. Mais comment imaginer vivre autrement. Comment huit milliards d’individus pourraient vivre sur la même planète sans s’entre-tuer ?

The real rulers of the state of Oceania are a small group of unknown, faceless manipulators of the Inner Party who, because they are not publicly known, are able to wield power without let or hindrance. People of Oceania, you are being duped. The Party doesn’t serve it’s people, it serves itself. We are not at war with Eurasia. You are being made into obedient, stupid slaves of the Party. Open your eyes. See the evil that is happening to you. The Party drops bombs on its own citizens.

La résistance ment : le parti unique donne le choix. Le choix de la cellule (cf Un Prophète). Il appartiendra aux prisonniers de ne pas finir dans la cellule 101.

You once asked me, Winston, what was in room 101. I think you know. Everyone does. The thing that is in room 101… is the worst thing in the world.

Le parti unique n’est certes pas parfait. Pour autant, la structure qu’il a mise en place ne s’est pas encore effondré malgré toutes les crises qu’il a connu (cf Inside job, The Big Short). C’est le meilleur des mondes possibles.

Winston est rattrapé par la patrouille. O’Brien lui permet de comprendre que son rêve stérile, ce qui le fait souffrir. Il a voulu croire au fait que chaque jour ne se ressemble pas forcément. Qu’on avait la possibilité de décider par soi-même pour influer le cours des choses (cf Un jour sans fin, Retour vers le Futur). Puis il découvre qu’il n’y a pas d’échappatoire. C’est Winston qui demande à mettre un terme à son tourment. La perspective de la liberté l’angoisse. Il accepte son destin et réclame lui-même la pilule bleue (cf Matrix).

Please stop the pain!!

Winston reprend ses esprits. Big Brother n’est certainement pas un ami, mais il n’est pas forcément l’ennemi. Ce moustachu est plutôt le gardien du temple. Il faut l’aimer malgré tout.

It is not enough to obey him. You must love him.

La philosophie romantique continue de faire rêver bien qu’elle fasse perdre du temps pour rien. Beaucoup ont envie de croire à un monde meilleur. Cette idée fait vendre! À tel point qu’une marque prétendant vouloir challenger le status quo a s’est ré-approprié Big Brother dans l’une de ses campagnes de publicité pour dénoncer la pensée unique.

Une marque qui vend ses téléphones et ses montres connectées, tout en faisant partie de ces GAFAM qu’on accuse de contrôler le monde…

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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