AMEN
Costa-Gavras, 2002
LE COMMENTAIRE
Saint Pierre disait qu’il n’y a jamais loin d’un cher Nobel à Tchernobyl. C’était sa manière à lui de faire attention à ne pas mélanger les genres. Parce que plus haut que le col romain on peut aussi trouver la casquette à tête de mort. De la même manière que derrière le monstrueux Nazi on peut certaines fois trouver un Oskar Schindler et d’autres fois trouver un homme de foi qui aime mettre des claques aux enfants.
LE PITCH
La foi des Catholiques est mise à l’épreuve lors de la Seconde Guerre Mondiale.
LE RÉSUMÉ
Six ans avant la mise en place de la solution finale (cf La Conférence), le jeune Stefan Lux fait irruption lors d’une séance de la Ligue des Nations à Genève pour attirer l’attention sur le traitement que les Nazis réservent aux Juifs. Puis il se tire une balle en plein coeur.
My name is Stephan Lux. I am Jewish. The Jews are being persecuted in Germany and the world doesn’t care… I see no other way to reach people’s hearts.
Le jeune chimiste Kurt Gerstein (Ulrich Tukur) rejoint les services d’hygiène de la SS. Ce bon soldat, profondément croyant, est interpellé par la mort suspecte de sa nièce, pensionnaire d’un hôpital psychiatrique. Les Nazis sont en train de faire le ménage et ils commencent par les déficients mentaux. L’Eglise se mobilise pour protester contre l’euthanasie des improductifs. Les Nazis se rétractent aussitôt.
En tout cas, en apparence. Gerstein est envoyé sur le front de l’Est pour promouvoir son Zyklon B visant à purifier l’eau et lutter contre le typhus. Une fois sur place, il fait la rencontre du SS Rudolf Höss (Sebastian Koch) et du « Docteur » (Ulrich Mühe). Il est horrifié de constater que son produit est utilisé dans des camps, non pas pour désinfecter les baraquements mais pour asphyxier les Juifs.
Il en parle au curé de sa paroisse qui lui conseille d’abord de démissionner. Les autorités religieuses ne bougent pas, comme paralysées.
Public protests stopped euthanasia. It’s the same for the Jews!
Those patients were baptised members of our Church…
Gerstein ne veut pas quitter le navire.
I should be the eyes of God in that hell.
Prisonnier volontaire de la machine Nazie, il essaie de saborder les plans de ses supérieurs. Chaque jour, il souffre au plus profond de sa foi. Au point qu’il réclame une audition au Vatican auprès de Pie XII (Marcel Iureş). Le nonce refuse, gêné. Le prêtre Jésuite Ricardo Fontana (Mathieu Kassovitz) assiste à la scène, impuissant. Il est aussi déçu que son éminence reste sourd à l’extermination des Juifs – alors qu’il reçoit pourtant des dignitaires Nazis afin de discuter de l’impôt religieux.
Au Vatican, Riccardo va user de l’influence de son père (Ion Caramitru) pour essayer de rencontrer le Pape. Le Cardinal (Michel Duchaussoy) freine des quatre fers. Ça ne se fait pas. Il y a un protocole. Pendant ce temps, les convois vers la Pologne s’accélèrent et Gerstein reçoit même une promotion, à son coeur défendant.
Riccardo s’entretient enfin avec le Pape. Il devient son protégé, ce qui suscite des jalousies en hauts lieux. La réaction de l’Eglise se fait attendre. Il faut des preuves. Riccardo en apporte. L’autorité religieuse tergiverse, confortablement installée en terrasse à déguster des cuisses de poulet.
Pendant que les convois vers la Pologne se succèdent. Le Pape se doit de rester neutre. S’il intervient, les Nazis envahiront le Vatican. Si les Américains concentrent leurs efforts militaires en Pologne plutôt qu’en France ou en Russie, cela fera les affaires d’Hitler. Il y a toujours une bonne raison pour ne rien faire. Et puis les Juifs, on les connait…
We’ve grown accustomed with the Jews endless moanings!
Les Nazis finissent par envahir Rome et déportent sous le nez du Pape qui est obligé de réagir. Riccardo implore sa Sainteté qui ne bouge pas pour ne pas attirer les foudres du Führer sur les Chrétiens d’Allemagne et d’Autriche.
Désespéré, Riccardo attache une étoile jaune à sa robe et se joint aux déportés. À son arrivée au camp, il est questionné par les officiers Nazis qui le soupçonnent d’être un espion. Sachant que la guerre est bientôt perdue, les officiers négocient déjà un point de chute. Se sentant abandonné par son Dieu, Riccardo demande à être gazé avec les autres prisonniers.
Gerstein est fait prisonnier par les Alliés qui lui attribue un rôle certain dans la Shoah. Il se suicidera dans sa cellule.
À Rome, le Docteur négocie sereinement son extradition avec le Vatican. Les États-Unis ne prennent que des chimistes et des physiciens. Ce sera donc l’Argentine pour lui.
L’EXPLICATION
Amen, c’est fini.
On dit Amen pour déclarer se foi comme celle de Fontana le martyr qui décide de se sacrifier plutôt que de continuer à vivre en tolérant cette situation inacceptable. C’est aussi la déclaration de foi de Gerstein, un homme droit dans ses bottes.
I do nothing that’s in conflict with my conscience or my faith.
De ce point de vue, Fontana et Gerstein se ressemblent. Deux idéalistes qui respectent leurs engagements. Des individus « entiers » qui ne savent pas faire semblant.
What I saw haunts me day and nights.
À la fin, leur éthique irréprochable ne les sauvent pas.
On dit surtout Amen pour conclure. Amen sonne paradoxalement comme la fin de Dieu au sens où l’entend l’église catholique. Le comportement du Vatican pendant la 2nde Guerre Mondiale est un point de non-retour.
Les camps ont ouvert la porte à toutes les questions : si Dieu décide de tout alors comment a-t-il pu permettre cette horreur ?
La position équivoque de Rome lors de la guerre a scellé le sort de l’église dans la durée. Car l’Église Catholique était au courant et elle a cautionné. Elle savait parfaitement ce que faisaient les Nazis et a décidé, en conscience, de ne pas les condamner – ce qui revint quasiment à leur donner une bénédiction. Pire, L’Eglise a permis aux Nazis de se recycler, la plupart du temps en Amérique du Sud.
You should know that the majority of the faithful and our pastors are behind Mr Hitler.
Ils sont nombreux au Vatican, y compris le Pape, à s’accrocher à leur siège. Ils mènent la politique de l’autruche en espérant gagner du temps. Et puis après tout, Hitler a débarrassé l’Allemagne du communisme – ce qui fait le jeu de l’Eglise. On ne se réjouit évidemment pas de ces raffles, mais bon… on ne se parle pas tout à fait de la même famille religieuse.
Et puis en plus les Juifs sont quand même coupables de la mort du Christ. Par ailleurs ces crimes sont dans l’ordre des choses si l’on considère tous les pogroms dont ont été victime les Juifs. Du côté de Rome, on pense que ces événements sont éminemment regrettables. Sans se poser plus de question que nécessaire, ni se demander pourquoi.
‘Why’ doesn’t bring back the dead!
Dans ce moment de vérité, l’Humanité a une occasion unique de se révéler, en montrant de quoi elle est capable. Chacun est capable du meilleur comme du pire. Dans ces moments, on distingue les héros des lâches. Pour cela il faut d’abord être capable de comprendre ce qui se passe. En l’occurrence, les pontes du Vatican se sont perdus dans leur petite politique. Ils n’ont pas cerné les enjeux, à l’inverse de Fontana qui, lui, a tout compris.
Should we save the Vatican or Christianity?
En 40, l’heure était grave. Elle nécessitait un geste symbolique fort de la part du leader du culte chrétien… qui ne viendra jamais. Les conséquences ne sont jamais immédiates. Tout comme les résultats d’une politique ne s’évaluent pas dans les six mois qui suivent une réforme.
Une mort à petit feu. Cela se compte en années, voire en dizaine d’années. Le résultat est que malgré une Eglise plus ouverte que jamais, quelques JMJ et un Notre Père qu’on tutoie depuis 1966, le Catholicisme subit encore les conséquences de l’immobilisme de 45, sans parler du reste (cf Doubt, Spotlight).
L’Eglise s’essouffle. Elle s’éteint doucement sous nos yeux.
Le rock chrétien ne suffit par à remettre l’ambiance.
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