LE BRIO

LE BRIO

Yvan Attal, 2017

LE COMMENTAIRE

Jadis, le problème de l’Université Française était de pouvoir y rentrer. Elle était relativement sélective. Tout le monde n’avait pas la chance de se prévaloir d’un cursus universitaire. Tandis qu’aujourd’hui, la faculté s’est transformée en déversoir à étudiant·es perdu·es, incertain·es de savoir comment s’en sortir (cf Première Année). Le Bac +5 n’impressionne plus personne.

LE PITCH

Un professeur raciste et une étudiante issue de la diversité se rendent service.

LE RÉSUMÉ

Neïla Salah (Camélia Jordana) arrive en retard à son cours de droit à Assas. Pierre Mazard (Daniel Auteuil) ne se prive pas de lui faire la leçon devant tout le monde.

Ici on n’est pas en sport-études. Vous êtes en retard.

Oui.

Oui Monsieur. Vous arrivez au milieu du cours et vous n’avez rien à me dire?

Si, excusez-moi…

C’est un ordre.

Quoi?

… Quoi??

Je comprends pas là…

Je vois bien que vous ne me comprenez pas. En Français, on dit ‘je vous prie de bien vouloir m’excuser’.

L’échange est tendu. Le professeur se fend de quelques allusions ambigües que l’amphithéâtre repartage immédiatement sur les réseaux sociaux. Le doyen (Nicolas Vaude) intervient aussitôt pour protéger son institution souvent associée aux fascistes.

Mazard va passer en conseil de discipline. Sa seule chance est d’aider Neïla à passer quelques tours au concours d’éloquence (cf À voix haute), ce qui redorerait l’image de marque d’Assas.

Contre toute attente, Pierre Mazard commence à partager ses lumières avec la jeune fille.

La vérité on s’en fout. C’est ça que je veux vous apprendre : avoir toujours raison. Il n’y a que ça qui compte : convaincre.

Les cours particuliers portent leurs fruits. Neïla soigne sa diction, ce qui lui vaut d’être chambrée par ses amis à Créteil. Elle apprend à garder son calme en toute circonstance. Sa maîtrise des stratagèmes de Schopenhauer lui permet de se hisser jusqu’en finale. Le doyen est aux anges. De son côté, Mazard devrait passer entre les gouttes.

Neïla se rend compte qu’elle a été exploitée. Dégoûtée, elle a envie de tout plaquer. Son petit ami (Yasin Houicha) lui donne l’envie de s’accrocher.

On est tous dans le même bateau meuf.

Elle ne se présente pas à l’audition finale mais s’invite au conseil de discipline pour remettre Mazard à sa place, d’une manière flatteuse. Le professeur rejoint son élève pour la remercier.

Neïla est désormais avocate au barreau de Paris. Elle continue d’écouter du Marvin Gaye sans que cela l’empêche de remettre son client (Nassim Si Ahmed) à sa place.

L’EXPLICATION

Le Brio, c’est profiter de tout le monde – y compris celles et ceux qu’on déteste.

Nous partons du postulat que le monde fonctionne comme une grande unité. Notre projet sociétal passe par le vivre ensemble. L’amour du prochain comme soi-même est atteignable.

Ce qui explique que l’on s’offusque de toute forme de discrimination ou qu’au moins, on s’en étonne. Comme si la tolérance était la règle ou que le racisme ou les préjugés avaient déjà disparu.

Vous pensez qu’on n’est pas jugé sur son apparence?

Il semble pourtant qu’il existe toujours des communautés qui se détestent mutuellement (cf Romeo + Juliette), plus que jamais.

Paris intra muros : des professeurs de droit et d’extrême-droite. Réactionnaires. Pierre Mazard tient un discours Zemmourien : Il s’exaspère que des familles puissent nommer leur fils Abdurrahman bien que ce prénom ne figure pas dans le calendrier. La disparition progressive des sacro-saintes traditions l’effraie.

C’est dingue cette façon de parler, on dirait un chauffeur Uber.

Bien en place et protégé par l’institution, Pierre Mazard est cependant obligé de composer avec le changement – que cela lui plaise ou non. On ne trouve plus que des Benjamin de Segonzac (Jean-Baptiste Lafarge) dans son amphithéâtre mais aussi des Neïla Salah. En l’occurrence, cela ne convient pas à Mazard qui craint que ce tout qu’il représente soit menacé de disparition.

On va droit dans le mur, l’institution n’est pas prête.

Paris proche banlieue : des étudiantes ambitieuses qui tentent de se faire une place dans le monde. Ce n’est pas parce que Neïla Salah vient des quartiers qu’elle ne peut pas finir au Palais de Justice – pas sur le banc des accusés.

Neïla Salah est une enfant du multi-culturalisme. Actrice de ce changement qui ennuie tant le précédent. Elle réconcilie les contraires contre vents et marées puisque l’univers qu’elle tente d’infiltrer ne veut pas d’elle, et que son univers d’origine la dénigre.

C’est toi le cliché : faire la belle à la fac pour te retrouver au chômage à Bac+5 parce que t’as pas le bon nom de famille.

Un conflit de civilisation oppose Neïla Salah et Pierre Mazard. Le dialogue n’existe pas. Ils ne se comprennent pas.

Vous ne comprenez pas ce que je dis.

Tous les deux, à leur manière, sont médiocres. Ils se recroquevillent derrière leurs petits arguments. Persuadés que celle ou celui d’en face est une ou un abruti. Persuadés d’être dans leur bon droit.

C’est pas le problème. Ce qui compte, c’est d’avoir raison.

Une véritable guerre des tranchées où les forces sont constamment sur la défensive.

Ah voilà le complexe de persecution qui pointe. Typique…

Les circonstances les rapprochent. Pierre Mazard se voit contraint de collaborer avec Neïla Salah qui va finir par y voir son intérêt. Mazard est raciste mais il est professionnel et surtout il tient à sauver sa peau. Il partage sa sagesse avec cette étudiante qu’il méprise par ailleurs. Neïla Salah passe outre les réflexions désobligeantes pour prendre la hauteur dont elle a besoin si elle veut atteindre son but.

Ils m’ont insultée.

Il faut que vous appreniez à ne rien prendre personnellement, à mettre de la distance, à vous détacher, à oublier ce que les autres vont penser de vous. 

Plutôt que de se perdre dans sa colère, s’enterrant dans une révolte stérile, Neïla apprend à faire usage du langage pour faire passer ses idées. Elle ne se laisse plus déborder par la médiocrité environnante. À la fois flexible comme le roseau et fort comme le chêne.

Soyez fière de ce que vous êtes. Faites front.

Mazard reste en poste. Neïla devient avocate. Dire qu’ils s’apprécient serait un bien grand mot. En tout cas, ils se tolèrent. Car ils ont compris ce qu’ils pouvaient tirer l’un de l’autre – malgré leurs différences. Ils ont dépassé leur médiocrité respective avec brio (cf Green Book).

Preuve que la somme des égoïsmes semble effectivement conduire à une forme d’équilibre. Une démonstration qui n’aurait sans doute pas déplu à Adam Smith.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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