HIPPOCRATE

HIPPOCRATE

Thomas Lilti, 2014

LE COMMENTAIRE

En général, les étudiants en médecine savent qu’ils s’engagent dans un marathon de plusieurs années (cf Première Année). Dans les faits, ils n’ont pas vraiment une idée précise de la difficulté du chemin qu’ils empruntent. Leur voie est longue et périlleuse.

LE PITCH

Un jeune interne fait ses premiers pas dans le grand monde.

LE RÉSUMÉ

Benjamin (Vincent Lacoste) rejoint le service de son père, le professeur Barois (Jacques Gamblin). Il est d’abord honoré de porter une blouse blanche même si la réalité le rattrape très vite.

Voilà, t’es chez toi. C’est ton secteur pour six mois. Dix chambres, dix-huit patients. (…) T’en fais pas, ça va aller.

Doute.

Jean-Michel Lemoine (Thierry Levaret) arrive aux urgences, comme souvent, en se plaignant de douleurs à la poitrine – sans doute lié à sa pancréatite aiguë. Benjamin est de garde et lui prescrit des antalgiques en sautant l’ECG sachant que la machine est en panne. Le patient meurt dans la nuit d’un infarctus.

Malaise.

Benjamin est couvert par le Dr Denormandy (Marianne Denicourt), puis par son père.

Je suis solidaire avec la famille de l’hôpital. (…) Ce qu’on fait c’est assez difficile comme ça. On n’est pas des surhommes alors si on ne peut pas compter les uns sur les autres, on ne tient pas le coup.

Au moment d’affronter la femme du défunt (Julie Brochen), Benjamin se dégonfle et la renvoie vers un autre interne, Abdel (Reda Kateb) : un médecin étranger, solidaire, qui fait son maximum pour trouver un poste de titulaire mais qui ne souhaite pas payer pour les erreurs des autres.

Mme Richard (Jeanne Cellard), souffrante d’un cancer généralisé en phase terminal, est accueillie dans le service après qu’elle se soit fracturée le col du fémur. Abdel fait de son mieux pour l’accompagner, en dépit des impératifs économiques. Ce qui lui vaut d’ailleurs une belle dispute avec le Dr Denormandy qui souhaite mettre une sonde gastrique à la patiente dans le but de la changer de service.

Mais Abdel, tu connais le prix d’une journée d’hospitalisation??

Mme Richard finit par perdre connaissance. Le service de réanimation est appelé par l’infirmière. Benjamin aurait préféré que l’histoire s’arrête là. Ses protestations irritent le réanimateur (Mustapha Abourachid). Même son ami Stéphane (Félix Moati) ne sait pas quoi répondre.

Quand on réanime on réfléchit pas à tout ça nous, on réanime! C’est marqué où qu’il fallait pas réanimer là? 

Quelques heures plus tard, Abdel et Benjamin proposent à la famille de Mme Richard d’arrêter l’acharnement thérapeutique, en vertu de la loi Leonetti, ce qui leur vaut un conseil de discipline.

On n’arrête pas une réanimation, c’est interdit.

Benjamin s’en sort. Abdel paie les pots cassés.

Ça y est, c’est fini pour moi. Terminé!

Dégoûté par toute cette politique, Benjamin songe à tout plaquer. Il retrouve Madame Lemoine pour l’informer que la procédure n’avait pas été appliquée correctement le soir de la mort de son époux, lui permettant de porter plainte contre l’hôpital. Ivre, il se rend dans l’établissement pour faire un scandale puis se fait renverser en cherchant à fuir les agents de sécurité.

Bouleversé par toutes ces histoires, le personnel obtient finalement la suspension de la sanction d’Abdel. Le directeur quitte les lieux. De son côté, le professeur Barois semble complètement dépassé par la situation.

Son fils, remis de son accident, intègre le service de neurologie.

L’EXPLICATION

Hippocrate, c’est un état d’urgence qui est devenu la norme.

Si la pandémie n’aura servi à montrer qu’une chose, c’est que l’hôpital est en souffrance. Le personnel soignant travaille dans une situation de tension permanente, avec de moins en moins de moyens. Des services qui ferment. Un manque d’effectifs. Plus de lits. Des machines qui ne fonctionnent plus.

On se fout de notre gueule, on n’a plus de matériel. Demande moi n’importe quoi, je suis sûr qu’on l’a pas.

Les petits nouveaux arrivent sur ce champ de bataille et doivent se débrouiller. Le message du professeur Barois à son fils ne fait pas illusion.

Sois pas trop sûr de toi, tu commences, tu connais rien pour l’instant. Alors quand tu sais pas, tu te demandes.

Demander à qui?

Seul·es face à la détresse des malades, les bizuths font de leur mieux. Poker face. Le discours se veut rassurant.

On a l’habitude vous savez, on va vous soignez pis ça va aller très bien.

À l’intérieur, c’est la terreur qui parle.

Ça fait six mois que j’ai peur de faire une connerie!

Benjamin se cache dans son bureau pour éviter la veuve Lemoine. Il n’assume pas le poids de ses responsabilités qui sont énormes. Pas facile de travailler avec la santé des gens, de prononcer un diagnostic sans se tromper.

Benjamin tu dis rien, tu penses quoi, t’as bien un avis?

Quand on ajoute à ce cocktail explosif des querelles politiques entre les services, un peu de discrimination, ainsi que des objectifs de rentabilité, on fait de l’hôpital une poudrière où tout peut exploser.

Mieux vaut ne pas tomber malade car le professeur Barois est comme anesthésié. Sans solution. Son métier est de soigner, pas de repenser toute une administration. Que faire? Le directeur, symbole d’un système qui marche à l’envers, n’a pas plus de réponse.

C’est pas comme ça que ça se passe! J’ai une enveloppe et je la répartis au mieux.

Pourtant, il fait effectivement ce qu’il peut dans une réalité différente de celle de son personnel. Avec des soucis différents. L’hôpital a été transformé en tour de Babel où plus personne ne parle la même langue. On a mixé des univers qui ne devraient peut-être pas se rencontrer.

Tu sais ce qu’il faisait le directeur de l’hosto avant de venir ici? Chez Amazon! Il vendait des DVD et il veut nous apprendre à gérer un hôpital.

Dans tout ce bazar, les plus jeunes veulent faire la révolution mais sont aussitôt calmés.

Faire l’excité, ça sert à rien.

Donc le personnel hospitalier se résigne à travailler constamment au bord de la crise de nerfs. Sans autre choix que de se mettre en grève pour manifester sa colère.

Service minimum, on est obligé de bosser mais franchement là y’en a ras le bol. C’est plus comme avant cet hosto.

On s’habitue à tout. À croire que cela a toujours été ainsi. Après tout, Marie-Thérèse et Marie-Denise râlaient déjà en leur temps. Le commandant Delaplane n’avait pas de quoi soigner les blessés dans les Ardennes (cf La vie et rien d’autre). Dans son hôpital du Bronx, le Dr Sayer devait bricoler (cf L’Éveil).

C’est le métier qui rentre.

Heureusement qu’il reste le serment d’Hippocrate. Une ultime branche datant du IVe siècle avant J-C, à laquelle peuvent encore s’accrocher les professionnel·es de santé.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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