EQUILIBRIUM
Kurt Wimmer, 2002
LE COMMENTAIRE
Notre dépendance aux écrans de télévision ne date pas d’hier. Plus de 40 millions de Français regardent encore la petite lucarne pendant presque quatre heures chaque jour. C’est beaucoup. Est-ce une raison pour succomber à la violence ? Sûrement pas. Alors lâche ta kalache, lâche ta kalache, lâche ta kalache… prends la zapette.
LE PITCH
La planète se remet péniblement de ses émotions.
LE RÉSUMÉ
Une troisième guerre mondiale a ravagé le début du XXIe siècle. C’est ainsi que s’est installé l’ordre totalitaire des Tetra-Grammatons qui ont imposé une dictature de la paix en privant l’humanité de tout sentiment – soit disant pour mieux la protéger d’elle-même.
In the first years of the 21st century, a third World War broke out. Those of us who survived knew mankind could never survive a fourth; that our own volatile natures could simply no longer be risked. So we have created a new arm of the law: The Grammaton Cleric, whose sole task it is to seek out and eradicate the true source of man’s inhumanity to man – his ability to feel.
Le pouvoir ordonne à chacun·e de prendre du prozium, une substance qui neutralise les passions : plus de colère, ni d’amour. Plus rien. Conforme. Catatonique.
The great nepenthe. Opiate of our masses. Glue of our great society. Salve and salvation, it has delivered us from pathos, from sorrow, the deepest chasms of melancholy and hate. With it, we anesthetize grief, annihilate jealousy, obliterate rage. (…) For we embrace Prozium in its unifying fullness and all that it has done to make us great.
Au sommet du régime, le Père (Sean Pertwee) prêche la bonne parole. Une milice d’ecclésiastes Grammatons fait la chasse à toute forme d’excitation qui viendrait à se manifester chez des personnes considérées comme déviantes émotionnelles.
John Preston (Christian Bale) est un haut gradé. Il fait son travail sans broncher. Pas plus qu’il n’a bronché quand sa femme Viviana (Alexa Summer) a été condamnée puis brûlée pour déviance émotionnelle justement – laissant John avec ses deux enfants Robbie (Matthew Harbour) et Lisa (Emily Siewert).
Suite à un accident avec son prozium, Preston commence à ressentir des troubles. Petit à petit, il arrête de prendre ses doses. La dénonciation de son collègue Errol Partridge (Sean Bean) le fait se sentir coupable. Son absence de réaction lors de l’arrestation de sa femme lui donne des remords. Il ressent de l’affection pour la rebelle Mary O’Brien (Emily Watson) et de la sympathie pour Jurgen (William Fichtner), leader de la résistance.
Bien convaincu qu’il doit tuer le père (cf La Confrérie de la Rose)
Secondé par l’ambitieux Andrew Brandt (Taye Diggs), Preston est pourtant commissionné par le Vice-Consul DuPont (Angus Macfadyen) en personne afin de trouver un traitre au sein des rangs.
Preston découvre par hasard que son fils ne prend plus ses doses lui aussi.
Ce qui lui donne le courage nécessaire pour faire lancer la révolution (cf V for Vendetta). Il renverse le Vice-Consul. Un peu partout en ville, les usines de prozium explosent (cf Fight Club).
L’EXPLICATION
Equilibrium, c’est ne pas s’arrêter de se battre pour les bonnes raisons.
L’homme est un loup pour l’homme, au sens où il est son meilleur ennemi (cf Enemy). Tel un animal, il pense qu’il ne peut y avoir de place que pour un chef au sein du troupeau. Adepte de la concurrence sauvage, il ne fait de cadeau à personne pour rester au pouvoir (cf There will be blood).
Selon sa vision du monde Darwinienne, les plus forts survivent. Quant aux plus faibles ou aux plus vieux (cf No Country for Old Men), ils n’ont qu’à se débrouiller s’ils ne veulent pas se faire manger. À l’image d’Andrew Brandt qui, à peine arrivé, veut déjà la place de son collègue.
I told you I’d make my career with you, Preston.
L’homme, en tant que loup pour l’homme, a naturellement du mal à cohabiter avec ses voisins dans la mesure où les autres prennent toujours trop de place. Le moindre sujet peut devenir prétexte à conflit. Rien ne saurait effrayer l’homme impérialiste. Surtout pas faire la guerre à son prochain, même si les conséquences sont catastrophiques.
L’homme capable du pire peut commencer par ne pas prêter ses jouets aux autres, tout comme il peut commander l’execution de millions de personnes (cf Amen, la Liste de Schindler).
Que faire ?
Lui faire confiance pour qu’il s’auto-régule, sur le principe Camusien qu’un homme ça s’empêche ? Pas si simple.
Lui administrer une drogue pour le rendre inoffensif ne semble pas une meilleure solution. Dans ce régime totalitaire, les sujets sont devenus des objets. Surveillés par des soldats armés – quel paradoxe dans une société qui prône la paix à tout prix.
Si le gouvernement cherche à annihiler toute velléité au sein du peuple, il s’expose à ce que des esprits malveillants, comme le Vice-Consul, ne profitent de la vulnérabilité de ses administrés pour mieux les exploiter. DuPont prend le pouvoir en se faisant passer pour le Père et prive autoritairement l’humanité de toute possibilité de bonheur, en l’anesthésiant pour lui éviter l’horreur (cf Matrix).
Un équilibre qui ne tient pas debout.
Il suffit d’une occasion pour que Mary persuade Preston du contraire.
Let me ask you something. Why are you alive?
I’m alive, I live to safeguard the continuity of this great society. To serve Libria.
It’s circular. You exist to continue your existence. What’s the point?
What’s the point of your existence?
To feel. ‘Cause you’ve never done it, you can never know it. But it’s as vital as breath. And without it, without love, without anger, without sorrow, breath is just a clock. Ticking.
Soyez résolu·e à ne plus servir et vous serez libre.
Preston prend la décision d’arrêter son auto-médication. Il retrouve son appétence naturelle pour la contestation, son goût du contre-pouvoir.
Preston rejoint le maquis (cf l’armée des ombres). Celle qui se met au service de l’épanouissement de l’individu, plutôt qu’instrumentaliser la peur et promettre une prospérité collective utopique afin de mieux servir ses propres intérêts.
À la place d’un équilibre de facade dans une société amorphe où tout le monde est logé à la même enseigne, faire le choix d’une bataille permanente qui peut profiter à chacun·e.