LA MARCHE DE L’EMPEREUR

LA MARCHE DE L’EMPEREUR

Luc Jacquet, 2005

LE COMMENTAIRE

Les enfants essaient tant bien que mal de régler leurs pas sur ceux de leurs parents. Ils se mettent dans le rythme, sans se poser de question. Faisant route dans la même direction comme de bons soldats. Un beau jour, ce sera leur tour de prendre la relève et guider les autres vers une destination qui leur échappe.

LE PITCH

Une colonie de manchots essaie de passer l’hiver.

LE RÉSUMÉ

Tout le monde a quitté l’Antarctique, sauf quelques dizaines de manchots empereurs qui s’apprêtent à faire leur traversée du paradis blanc de Michel Berger.

Ceux qui pouvaient fuir on fuit, mais nos ancêtres ont décidé de rester, coûte que coûte.

Les manchots s’élancent dans leur périple (cf Gerry). Ils avancent en groupe compact. Ceux qui sont à la traîne ne parviendront pas à raccrocher les wagons.

Malheur à ceux qui n’auront pas pu suivre la caravane. (…) Le solitaire est condamné.

La danse de l’amour est entamée. Les couples se forment. Chaque couple ne pourra donner naissance qu’à un manchot. Compte tenu des conditions extrêmes, il faudra beaucoup de dévouement pour s’assurer que le petit puisse devenir grand.

Il faut ici plus qu’ailleurs tellement de vie pour construire la vie.

Beaucoup d’oeufs ne résistent pas aux morsures du froid, malgré la protection apportée par la fourrure de leurs parents. Ceux qui s’en sortent vont être confiés au père, le temps que la mère parte se ressourcer.

Elles vont marcher, nous allons attendre.

Reprendre des forces nécessaires dans l’océan afin de nourrir les enfants, tout en évitant les féroces léopards de mer. Quand les mamans reviennent, la marche peut reprendre. Le gel est toujours en embuscade.

Un nouveau cycle s’enclenche.

Le vent se lève. L’hiver moribond décoche l’un de ses derniers blizzards. Les plus fragiles ne résistent pas. Leurs mères folles de chargin tentent de voler les petits des autres.

La vie doit continuer de grandir sous leurs pattes.

Reste encore à éviter les attaques du pétrel géant.

Les pères reviennent de la chasse pendant que les plus jeunes commencent à prendre du poil de la bête. Ils se voient déjà en haut de l’affiche.

Nous marchons à notre tour vers l’océan. (…) Fidèles au serment des pères de nos pères, nous reviendrons ici pour danser la vie sur le plus grand des hivers et perpétrer à notre tour la ‘Marche de l’Empereur’.

La banquise commence à craquer. Ainsi commencent la marche de la séparation. Les danseurs repartent chacun de leur côté.

Ils vont rester quatre ans en mer. Où vont-ils ? C’est un mystère. Nous savons seulement que devenus adultes, ils réapparaitront un beau jour, au même endroit, comme par magie.

L’EXPLICATION

La Marche de l’Empereur, c’est se sentir comme un pingouin.

Le pingouin est un animal éminemment sympathique. Cela ne se discute pas. Un peu gauche. Il ne peut pas voler bien qu’il ait des ailes, comme un oiseau qui se prendrait pour un poisson. Le pingouin semble continuellement être hors de son élément.

On a éprouve donc une sympathie naturelle pour ce papa pingouin qu’on aime chanter s’ennuyant sur sa banquise, nerveux, un peu malheureux. Pas très bien dans ses plumes.

On aime aussi se délecter de ce goûter au goût frais unique qui allie le craquant de son enrobage avec du chocolat, le moelleux de sa génoise et la fraîcheur de sa mousse au lait. Une idée fraîche pour le goûter.

Le pingouin est toujours associé à quelque chose de tendre ou de sympa.

On ne se rend pas compte que le pingouin est un animal un peu tragique. Il est là, sans autre raison que d’être là.

La terre a changé. (…) Nous, nous sommes toujours là.

Il marche sans savoir où il va.

Nous avons rendez vous.

Un rendez-vous à quelle heure ? À quel endroit ? Avec qui ? Personne ne le sait.

Un mystère sans intérêt.

Leur vie est assez quelconque, pour peu qu’on s’y intéresse : ces anonymes sortent de l’eau pour marcher en groupe, dans le froid. Ils s’accouplent pour se reproduire. Les couples se séparent en se laissant la garde du petit (cf Marriage Story). Rien de plus banal. Beaucoup d’entre eux sont victimes d’incident de parcours, ou deviennent la cible de prédateurs. Aucun ne laissera une trace impérissable dans l’Histoire du monde.

Ce qui meurt est effacé.

Néanmoins ces pingouins traversent l’hiver, sans célébration (cf Le Sens de la Fête). Pas de maillot jaune et d’arrivée triomphale sur les Champs-Elysées. On recommence quatre ans plus tard.

On se demande bien à quoi tout cela peut bien rimer.

Refuserait-on d’admettre que le pingouin puisse être un animal un peu bête ?

Dans l’absence de réponse, on se plait à dramatiser un peu leur vie par quelques effets visuels ou en collant une narration dramatique. Donner une histoire à ces animaux qui n’en ont pas. Mettre un peu de poésie sur le destin sans relief de pingouins en transhumance.

Nous allons danser sur le plus long des hivers.

Il faut absolument leur donne une personnalité, pour pouvoir s’attacher. En avoir quelque chose à faire. Mieux, on leur invente un défi : se battre contre le grand froid.

Qui va gagner : la vie ou l’hiver?

Dans quel but ? On ne sait pas. Peu importe.

Ils émettent des sons que nous ne parvenons pas à déchiffrer. Une occasion parfaite pour y glisser nos fantasmes les plus fous. Ainsi quand les mâles quittent le clan, on les transforme en Ulysses aux discours déchirants.

J’aimerais pouvoir te promettre que je vais revenir.

Il faut absolument mettre un enjeu dans cette marche. Elle doit avoir un sens, sinon elle ne serait qu’absurde.

Ce qui risquerait de nous confronter à une pesante vérité. L’angoisse de notre propre existence.

On se rendrait compte que nous ne sommes que de vulgaires pingouins (cf Super Mario Bros. le film).

Se lever le matin pour aller travailler avec les autres. Ne pas avoir la prétention de vouloir sauver la planète. Se faire quelques films pour mieux avaler la pilule (cf Matrix). Retourner chez soi pour se reproduire. Prendre soin de nos enfants pour qu’ils résistent aux microbes. Divorcer. Partir en vacances. Et recommencer l’année d’après jusqu’à ce que la banquise fonde pour de bon.

Mieux vaux se sentir mignon que ridicule.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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