LE SENS DE LA FÊTE
Olivier Nakache, Éric Toledano, 2017
LE COMMENTAIRE
Le photographe dépassé par la modernité s’accroche à son appareil argentique comme Jack Dawson s’accroche à sa porte (cf Titanic). L’évolution l’a transformé en espèce en voie de disparition. Incapable de s’adapter aux exigences numériques, il regarde le monde autour de lui avec amertume. Refusant de reconnaître les perspectives offertes par les filtres des smartphones (cf Photo obsession). Comme Jack Dawson, il essaie de garder son calme mais il a déjà les jambes engourdies.
LE PITCH
Dans les coulisses d’un mariage…
LE RÉSUMÉ
Max Angeli (Jean-Pierre Bacri) organise des fêtes depuis des années. Malgré tout, ce wedding planner perd patience face à ces jeunes mariés qui négocient les devis à la baisse. Il devient grincheux.
Vous savez quoi? J’ai ma petite nièce qui fait des guirlandes…
Au point de vouloir revendre son affaire. Auparavant, il ne faut pas rater le mariage chapeau de Pierre (Benjamin Lavernhe) et Héléna (Judith Chemla). Angeli doit à nouveau, et comme toujours, monter une équipe de fortune : James (Gilles Lellouche) remplace au pied levé le DJ initialement prévu. Julien (Vincent Macaigne) sort péniblement de sa dépression pour donner un coup de main. Samy (Alban Ivanov) prête main forte également. Henri (Antoine Chappey) est désigné pour les autres serveurs pour se plaindre des costumes. Guy (Jean-Paul Rouve), le photographe officiel, joue les pique-assiettes.
En bon chef d’orchestre, Max doit gérer la pression que lui met son client roi.
Est-ce que vous savez depuis combien de temps je prépare ce mariage?
Par ailleurs, il doit composer avec les caprices des uns et des autres ou les disputes entre Adèle (Eye Haïdara) et James. En plus de devoir gérer sa propre situation car Josiane (Suzanne Clément), sa maîtresse, s’impatiente. Max prend de grandes respirations.
On se calme et on s’adapte…
La fête peut commencer. Les imprévus sont nombreux : le groupe de musique est victime d’une intoxication alimentaire. Heureusement, Hubert (Sam Karmann) est là pour dépanner son ami. Julien drague la mariée pendant que Guy drague la mère du marié (Hélène Vincent). James fait tourner les mouchoirs pour agacer Pierre qui l’en avait pourtant formellement interdit. Suzanne embrasse un serveur. Max craint qu’un inspecteur de l’URSAFF ne menace de lui mettre un contrôle. Dans la foulée de son discours pompeux, le marié avait imaginé un moment artistique. Son show tourne court, coupé par des feux d’artifices déclenchés trop tôt. Bref, rien ne va.
C’est l’état d’urgence!
À bout de nerfs, Max sort de sa réserve légendaire.
Il est où votre respect ?! Pour me demander du pognon ou des congés, il est utile Max… En quel honneur moi je suis censé me faire chier avec vous toute ma vie ? Y’a personne qui comprend que je joue ma vie moi !? À chaque soirée je joue ma vie!! Vous en avez rien à foutre! Les patrons c’est des cons. Personne n’en a rien à foutre de moi…
Suite à ce gros craquage, les Tamouls emmenés par Roshan (Manmathan Basky) et Kathir (Manickam Sritharan) récupèrent le coup avec une fête improvisée qui va ravir tout le monde. Les mariés sont aux anges.
Ce que vient de faire votre équipe, c’est exceptionnel.
James et Adèle tombent amoureux. Finalement plaqué par sa femme, Max va pouvoir se concentrer sur sa relation avec Suzanne d’autant plus sereinement qu’il a reçu une offre de reprise de la part de Valéry Laprade (Grégoire Bonnet). Happy end.
L’EXPLICATION
Le sens de la fête, c’est accepter le chaos.
Nos meilleurs souvenirs ne sont-ils pas associés à des soirées auxquelles nous ne nous attendions pas? Inversement, pourquoi trouvons-nous si difficile de nous amuser sur commande? Au hasard, un 31 décembre. Car la fête est un moment de transgression des règles comme en parle Roger Caillois : une récréation du monde. Il s’agit précisément le sens de la fête : se faire surprendre, que rien ne se passe comme prévu. Surtout pas comme on l’avait prévu.
La difficulté est de réussir à accepter de sortir de soi. Quasi-impossible pour certains comme Pierre, l’arrogant, qui demande au DJ de préparer un hommage en son nom. Le marié donne dans le nombrilisme. Cet obsédé du contrôle veut que tout se passe exactement comme il le souhaite. Malheureusement pour lui, sa fête est ennuyeuse. Son discours pénible. Sa mise en scène ridicule.
On pense qu’il est plus facile pour les invités de profiter des festivités mais pas toujours, car eux aussi ont leurs attentes subjectives et souvent contradictoires.
200 personnes, 200 juges.
Ils débarquent avec leurs préjugés. Très vite ils peuvent se montrer critiques si la nourriture ne va pas, si la musique ne va pas. Tant de raisons font que les événements ne se passent pas toujours comme l’on souhaite. Dans une vraie fête qui se respecte, les invités doivent justement apprendre à oublier ces considérations. Penser en stoïciens en acceptant la part du monde qui échappe à notre contrôle. Être littéralement emportés par le joyeux désordre (cf Projet X). Une grande fête met tout le monde d’accord.
Dès lors, quoi de plus difficile que le rôle de Max – et de plus antithétique. Un organisateur de fête. Une mission purement impossible. La vie de Max est un enfer. Il marche constamment sur un fil entre s’assurer que l’ensemble soit suffisamment chaotique pour qu’on prenne du plaisir, sans complètement dériver vers l’anarchie totale. Avoir la situation en mains, tout en acceptant qu’elle puisse nous filer entre les doigts. Pour cette raison, il fait de la flexibilité sa devise.
On trouve des solutions, on s’adapte!
Pour y arriver il faut effectivement mettre en place une structure, parce qu’une fête n’est pas n’importe quoi. Afin que des gens s’amusent, il faut des travailleurs de l’ombre. Tout cela se prépare, malgré tout. Avec beaucoup de sérieux. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas de pression.
C’est un mariage c’est pas une kermesse!
Beaucoup de sérieux et juste ce qu’il faut d’à-peu-près. La clé est justement de savoir relâcher la pression comme Adèle qui rappelle à James qu’il n’est pas médecin urgentiste.
Tu fais danser des gens qui sauvent pas des vies!
Max fait le grand écart en permanence. Tel un marionnettiste, il met en place des choses qui ne fonctionnent pas comme il veut. En réalité, rien ne fonctionne vraiment comme il veut. Il a même la sensation de vivre un cauchemar, comme à chaque fête certainement. À la rigueur, tant mieux. Car à la fin de l’histoire, ce sont ceux qu’on n’attend pas qui sauvent le coup en mettant l’ambiance.
Les faiseurs voient leur fête leur échapper. Tout s’accélère. Les invités basculent dans une autre dimension. Se prenant au jeu et embarquant tout le monde avec eux. Exactement ce que tout le monde voulait : se changer un peu les idées, avant de retourner au charbon. Le sens de l’histoire.
8 commentaires