ASTEROID CITY
Wes Anderson, 2023
LE COMMENTAIRE
C’est juste la fin du monde, au soleil. Pour ne rater aucune miette de l’apocalypse, on monte une fête foraine avec une grande roue et de la barbe à papa. De toute façon, il ne s’agit que d’une fiction. La réalité se vit en noir & blanc. Et le monde n’est pas encore prêt de s’arrêter de tourner (cf Sunshine).
LE PITCH
Un producteur propose son nouveau show TV se déroulant dans le désert.
LE RÉSUMÉ
Le présentateur (Bryan Cranston) introduit Asteroid City, la nouvelle production de Conrad Earp (Edward Norton) en trois actes. L’histoire se déroule dans une petite bourgade perdue au milieu des grands espaces américains. Augie Steenbeck (Jason Schwartzman) y arrive avec son fils Woodrow (Jake Ryan) et ses trois filles. Leur voiture tombe en panne. Le mécanicien (Matt Dillon) ne peut pas réparer.
Sa femme est décédée depuis deux semaines mais Augie n’a encore rien dit aux enfants. Son beau-père Stanley (Tom Hanks) débarque pour venir chercher les filles, et les cendres de sa fille.
Un congrès d’astronomie doit se tenir à Asteroid City, village qui s’est construit autour d’un cratère de météorite. Midge Campbell (Scarlett Johansson) arrive en compagnie de sa fille Dinah (Grace Edwards). Les deux Steenbeck tombent aussitôt amoureux des deux Campbell (cf Licorice Pizza), à peine perturbés par les essais atomiques qui se déroulent à quelques centaines de kilomètres seulement.
Alors que les convives se retrouvent la nuit pour observer un phénomène astronomique, une soucoupe volante se rapproche. La Dr. Hickenlooper (Tilda Swinton) n’en croit pas ses yeux. Un extra-terrestre sort et s’empare de la météorite. Il se fait prendre en photo par Augie Steenbeck avant de repartir dans l’espace.
The alien stole the asteroid!
Le General Grif Gibson (Jeffrey Wright) boucle la zone sur ordre du Président.
La quarantaine donne l’occasion à tout le monde de s’interroger. Certains ont peur.
I didn’t like the way he looked at us that alien, like we’re doomed!
Un cow-boy (Rupert Friend) cherche à voir le verre à moitié plein.
At least, America remains at peace! (…) I reckon that alien didn’t mean no harm. No, he ain’t American, no, he ain’t a creature of God’s Earth. But he’s a creature of somewhere, and so are we. Let show the fellow some hospitality!
Les enfants qui participent au concours d’astronomie se demandent ce que tout cela peut bien vouloir dire.
Isn’t there supposed to be some kind of answer out there ?
Il s’agit de la volonté de Conrad Earp, portée à l’écran par Schubert Green (Adrien Brody). Une scène qui a été longuement travaillée avec Saltzburg Keitel (Willem Dafoe). Les personnages doivent s’ennuyer pour avoir une prise de conscience.
You can’t wake up if you dont fall asleep!
La soucoupe volante revient pour déposer l’astéroïde. La quarantaine est levée.
En studio, l’acteur jouant Augie croise l’actrice qui aurait du jouer sa femme (Margot Robbie).
We almost had a scene together.
L’équipe du tournage est triste d’apprendre la mort accidentelle de Conrad Earp, qui n’aura pas pu profiter du succès d’Asteroid City.
Lors de la dernière scène, tout le monde plie bagage. Le manager du motel (Steve Carell) nettoie les chambres.
You’re free to go back to wherever you came from.
L’épilogue s’achève sur un nouvel essai nucléaire.
L’EXPLICATION
Asteroid City, c’est apprécier le show – à défaut de le comprendre.
On pense que les shows TV ne sont que du pur divertissement (cf Confessions d’un homme dangereux). Il est vrai qu’un show n’a pas forcément vocation à refléter la réalité.
Asteroid city doesn’t exist. The characters are fictional.
De quoi a-t-on besoin ? Du pain et des jeux. Un scénario bien ficelé, porté par un gros casting, de beaux plans et quelques effets spéciaux. Cela parait simple, et ce n’est pourtant pas si évident. Si les shows finissent peut-être dans un bled paumé au milieu du désert américain, ils ne sortent pas de nulle part pour autant. Ils cachent même souvent les angoisses existentielles de celles et ceux qui les font, ou qui y participent.
Avec Asteroid City, Conrad Earp utilise un congrès d’astronomie comme prétexte pour mettre en scène des personnages avec leurs petits problèmes personnels avant qu’ils ne soient dépassés par quelque chose de plus grand. L’arrivée de l’OVNI bouscule les conventions et élève le niveau plus haut que le nombril de chacun.
It’s a fact : we’re not alone.
La présence d’une vie extra-terrestre apporte soudainement de la perspective à notre présence sur terre (cf E.T., Rencontre du 3e Type). Les personnages commencent à s’interroger. Cela tombe bien car on tournait un peu en rond avec cette remise de prix d’astronomie…
What’s the cause, what’s the meaning?
Les questions sans réponse se multiplient. C’est la panique. Les personnages apprécient de pouvoir s’inquiéter, ce qui leur donne une bonne raison d’exister.
Otherwise, nobody would notice my existence on the universe.
Ils en profitent pour se demander ce qu’ils vont laisser derrière eux. Quel sera leur glorieux héritage ? En essayant de se rassurer comme ils le peuvent au passage.
I hope it comes out!
(…) All my pictures come out.
Aucun doute.
Les personnages cherchent à se convaincre entre eux que la vie en vaut la peine. C’est sûr.
It’s all worthwhile.
Ils s’entretiennent dans leur délire, comme le font les groupes de copains bien soudés (cf Nous finirons ensemble).
Trust your curiosity!
Leurs interrogations donnent un semblant de substance au mystère qui les entoure. Quelle est la valeur de ces récompenses qu’on décerne aux enfants ? Quel danger représente l’alien pour l’humanité, alors qu’on fait exploser des bombes atomiques dans le désert ? A-t-on besoin de cela pour précipiter la fin d’un monde qui a déjà trop chaud ? Cette scène a-t-elle seulement eu lieu ? Était-ce bien nous ?
Was I ever there..?
Sans ces questions, on se rendrait peut-être compte qu’il n’y a rien d’autre que du vide, comblé péniblement par un style retro et une série de dialogues plus ou moins intéressants faits de punchlines faciles.
The time is never right.
The time is always wrong.
En vérité, on se cache derrière une esthétique pour mieux brasser du vent. Puisque nous ne sommes que de passage, et que notre action est un grain de sable dans ce désert. Conrad Earp a construit toute cette histoire et il meurt bêtement dans un accident. C’est la fatalité.
Nothing we could do about that anyway.
Pourtant, il faut bien continuer. Pas le choix.
Les acteurs émettent le besoin de comprendre dans quelle direction vont leurs personnages (cf Le Créateur). En vérité, il n’y a pas besoin de comprendre quoi que ce soit.
I still dont understand the play.
Doesn’t matter. Just keep telling the story.
On se contente d’occuper le vide en attendant.
Le manège tourne tout seul, peu importe le sens. Tout se ré-approprie et se ré-interprète. La morale de l’histoire est celle qu’on veut bien lui donner.
À la fin, ce n’est peut-être effectivement que du divertissement.
Dans la même veine, j’ajouterais que ce vide a bien failli me faire bailler d’ennui, lors de la projection.
Pénible.
Merci Ledor, j’en déduis que vous n’avez pas retiré grand chose de plus à l’histoire d’Asteroid City…?