SWEAT
Magnus von Horn, 2020
LE COMMENTAIRE
Jadis, les personnes qui se donnaient en spectacle n’avaient pas le luxe de se regarder en pleine action. Puis on a introduit le miroir dans les salles de danse (cf La Fièvre du Samedi soir, Billy Elliot) et les salles de gym (cf Love lies bleeding). Ce qui a permis à la fois de corriger ses défauts tout en flattant son ego. Aujourd’hui, on ne sait presque plus rien faire sans son smartphone en mode selfie.
LE PITCH
Une influenceuse se sent bien seule malgré ses centaines de milliers de fans.
LE RÉSUMÉ
Sylwia Zając (Magdalena Koleśnik) sort d’une séance de fitness en public dans un centre commercial. Elle a distribué quelques belles punchlines.
Remember : work with the body you have, not the body you want to have. Accept yourselves!
Les participantes sont ravies. Certaines viennent même féliciter Sylwia en personne, comme si elle était plus qu’une coach sportive.
All my life I was really unhappy. I thought it would never change, but it did.
Il faut dire que Sylwia compte 600,000 fans sur les réseaux sociaux. Cela vaut bien encore un petit message de remerciement sur sa plateforme.
Guys, I would like to thank you one more time for today’s workout and for sweating with me. When I motivate you and I see you fighting and doing your best, your wonderful energy comes straight back to me.
Car Sylwia documente absolument toute sa vie, y compris les mauvais moments. Elle a récemment posté un message de détresse dans lequel elle regrette n’avoir personne dans sa vie. Ce qui inquiète un peu certains sponsors qui paient pour être promus par une jeune femme en pleine forme.
One of your sponsors complained. They are worried of the product appearing in that kind of context.
Sylwia veut garder la main sur sa ligne éditoriale.
Sorry but I post what I want.
Sylwia croise Wiktoria, une ancienne camarade de classe (Dominika Biernat) qui lui révèle être mariée depuis deux ans mais en galère depuis sa fausse couche. Pour réconforter son amie, Sylwia lui avoue qu’elle ne nage pas dans le bonheur non plus, malgré les apparences.
Sometimes I feel like quitting my job.
Lors de l’anniversaire de sa mère Basia (Aleksandra Konieczna), tout le monde ne parle que de Sylwia à la une des magazines. Quand Sylwia évoque l’envers du décor et du stalker (Tomasz Orpiński) en bas de chez elle, Basia prend la défense du pervers.
What did you knock on his window for? Couldn’t you just have walked past by him? You can’t judge people like that. Maybe he was a nice guy.
Un soir où la solitude est trop lourde, Sylwia retrouve Klaudiusz (Julian Świeżewski) qui co-anime certaines de ses séances. Sylwia sait que Klaudiusz est au taquet. Alors elle lui propose de venir chez elle bien qu’elle n’ait pas la moindre envie de coucher avec lui. Sylwia profite de la présence de Klaudiusz pour lui demander d’aller parler au stalker en bas de l’appartement. Klaudiusz s’execute. Il descend et casse la figure au stalker. Après quoi, il remonte triomphal alors que Sylwia est sous le choc.
Isn’t that what you wanted? Should I go? There’s just one little problem. I really want to fuck you right now.
Persuadé que son numéro de mâle alpha va fonctionner, Klaudiusz commence à se masturber devant Sylwia, figée, qui le regarde avec des yeux de dégoût. Klaudiusz prend conscience de son ridicule, se ravise puis s’en va.
Sylwia descend pour venir en aide au stalker et l’emmène à l’hôpital pour qu’il reçoive des soins.
Le lendemain, Sylwia se rend sur un plateau TV pour animer une séance. C’est un moment important. Avant de commencer, l’animatrice (Anna Kalczynska) et l’animateur (Andrzej Soltysik) la surprennent en revenant en direct sur la publication de Sylwia qui fait tellement parler. Le sujet est sensible.
Do you think that we can show everything off these days? That it’s all for sale?
If I want to inspire people I have to show them that I have my good days and also my bad days.
But isn’t it a little too much? Maybe you should focus on your domain? Why share the drama in your life?
Sylwia n’a plus envie de faire semblant. Elle vide son sac.
What’s wrong with the fact that I admitted that right now there’s no-one who loves me? Does that mean that I’m weak? Or pathetic? In that case I want to be weak and pathetic that’s when I’m myself. When I see the awesome Sylwia from the posters I feel very lonely, and I’m just tired of pretending that I’m better than I really am.
Après ce moment de flottement, Sylwia rentre dans son rôle. Professionnelle, elle fait le job.
I don’t know if you’re ready for it after all those emotions. You’ve really shaken us up here, so maybe we should skip it?
(…) No, right now I really feel like working out.
Elle le fait d’abord pour ses fans.
L’EXPLICATION
Sweat, c’est le blues de l’influencer.
Le business de l’influence n’est pas nouveau. Cela fait déjà bien longtemps que des commerçant·es essaient de s’associer à des personnalités dans le but de profiter de leur popularité… afin de vendre plus de produits (cf Buy Now).
Ce qui a changé avec internet et les réseaux sociaux (cf The American Meme), c’est que tout un·e chacun·e a maintenant la possibilité de devenir influent·e. Une plateforme et une propension à s’exhiber peuvent suffire à passionner des milliers de personne – davantage encore que le talent.
Avant il fallait être validé·e par un réseau de professionnel·les. À l’heure des likes, tout est ouvert.
What’s the point if you can’t share it?
Sylwia en profite pour se faire connaitre dans le domaine en vogue du fitness. Une jolie blonde souriante et dynamique, à l’approche bien ficelée : 600,000 fans.
Dans l’économie de l’attention, les fans se monnaient. La popularité de Sylwia lui permet d’attirer des sponsors. En plus de lui permettre de vivre, ces sponsors lui donnent une forme de crédibilité. Un cercle vertueux se met en place. Sylwia devient sa propre entreprise.
Cependant, elle se sent coincée quelque part entre son personnage publique et sa personne privée – qu’elle a pourtant délibérément décidé d’afficher publiquement à but professionnel.
Sylwia est à la fois coach aux yeux d’un public qui l’idolâtre.
I want to raise awareness and inspire change. (…) All I want is to inspire people to lead healthy lives.
Elle est aussi vendeuse pour des marques qui la financent. À ce titre, elle doit jouer le jeu. Sylwia doit honorer ses engagements contractuels et elle doit correspondre à une certaine image que les sponsors achètent. Elle doit faire ce que l’on attend d’elle, dans une certaine mesure.
Sans oublier que Sylwia est aussi, et avant tout, une femme.
Not everything has to be about fitness.
Une femme qui souffre de son célibat (cf La Femme de mon Frère).
The truth is I didn’t choose to be single.
Dont la popularité ne l’aide pas à trouver la personne adéquate, paradoxalement.
Sylwia est en quelques sortes victime d’un dé-triplement de la personnalité avec beaucoup de contradictions. Elle essaie malgré tout de tout réconcilier en préservant sa base de fans qui est la clé de son succès. Sans elle, Sylwia ne serait qu’une célibataire (cf Gloria Bell).
They mean more to me than I do to them.
Sylwia veut croire que ses fans l’aiment pour qui elle est, avec ses hauts et ses bas. Elle cultive donc son indépendance, et sa liberté de ton (cf Un Prophète). Quand elle montre un moment de faiblesse, elle compense dans la foulée en essayant de rassurer les sponsors et en chouchoutant son public.
Moments like today make me feel like we are one.
À la fin, ce n’est que du business. Sylwia transpire mais c’est son boulot. Elle a aussi le blues, qu’elle exploite à but commercial.
Finalement, elle fait comme tout le monde. Quand les gens s’en rendront compte, ils arrêteront peut-être de suivre n’importe qui bêtement et se concentreront sur des choses plus essentielles – comme les chats (cf Flow).