THE WATCHMEN
Zack Snyder, 2009
LE COMMENTAIRE
On réalise qu’on fait des bêtises souvent après les avoir faites. C’est seulement quand les enfants ont commencé à développer des leucémies qu’on a réalisé que l’amiante n’avait pas sa place dans une école maternelle. Aujourd’hui, on panique à l’idée de ne pas avoir de réseau sans savoir qu’on se prend pourtant des ondes dans tous les sens. Peut-être dans quelques années on rangera les portables et on coupera le wifi. Et on se dira que Michel Serres avait tord.
LE PITCH
Pas moins de six héros doivent s’employer à préserver l’équilibre mondial.
LE RÉSUMÉ
Tout commence dans le début des années 80 par le meurtre de l’un des Watchmen, Edward Blake, dit the Comedian dans une ambiance de guerre froide faite de Soviets et de Nuke. Rorschach (Jackie Earle Haley) enquête sur l’affaire et pense qu’il s’agit d’un complot contre les héros costumés. Un homme au nom à la consonance hébraïque en train de parler de complot, tout cela n’est peut-être pas lié au hasard.
Pendant ce temps, le puissant Dr Manhattan (Billy Crudup) est accusé d’être cancérigène et s’exile sur Mars. Rorschach va alors découvrir que tout ce bordel n’est en fait qu’une sombre manigance de Veidt (Matthew Goode), pourtant lui aussi membre des Watchmen.
Le plan de Veidt est de sacrifier l’un des siens sur l’autel de la paix pour sauver la planète d’un conflit atomique inéluctable entre les États-Unis et l’URSS. Il va ériger le Dr Manhattan au rang de menace ultime pour la planète, menace contre laquelle le monde entier va décider de s’allier. Pratique.
Manhattan à la sagesse infinie n’a aucun problème d’ego. Il a aussi l’avantage de pouvoir tout à fait s’accommoder de la vie sur Mars. Il s’éclipse donc sans broncher au profit de cette paix des braves si chère au Général de Gaulle.
Rorschach ne l’entend pas de cette oreille et compte bien révéler la supercherie. L’idée que Veidt puisse atteindre la paix sur un mensonge est impossible. Rorschach est entier.
Never compromise. Not even in the face of Armageddon.
Si la vérité venait à éclater, elle mettrait en péril ce fragile équilibre. Le Dr Manhattan lui fera donc sauter le caisson, tout simplement. La paix qui a poussé sur du mensonge n’en reste pas moins la paix.
Peace based on a lie.
But peace nonetheless.
Et la paix ne s’achète pas avec une carte de crédit.
L’EXPLICATION
The Watchmen, c’est la fin justifie les moyens.
Selon Veidt, on peut sacrifier une ville pour sauver un pays (cf Alerte!). Le bien du plus grand nombre peut exiger que l’on sacrifie la minorité.
En France, on ne partage pas forcément cette vision conséquentialiste. Veidt serait considéré comme un monstre sans scrupule. Quelqu’un qui n’hésite pas à sacrifier jusqu’à son tigre quand la situation le réclame, donnant des hauts le cœur à Allain Bougrain-Dubourg et Brigitte Bardot (cf Pacific Rim).
Que penser de cette paix construite sur un mensonge ? En France, ce ne serait pas acceptable. ‘Chez nous’, on s’attache à la manière. On veut encore croire qu’une victoire dans le Tour de France sans produit dopant est non seulement possible, mais aussi plus noble. Stéphane Caristan disait encore qu’être un athlète de haut niveau propre est possible. Le Français a des principes et il n’est pas assez amoureux de la réussite pour la réussite. De ce point de vue, Rorschach devait sûrement avoir des ancêtres Français.
On critique Veidt, en même temps il s’avère être un chef de projet remarquable. Il est efficace dans sa mission.
Si on devait laisser le monde aux mains du Dr Manhattan que se passerait-il ? Le Dr Manhattan est un cérébral, sous ses gros muscles. Il est un poète qui a aussi le chic pour s’emmêler les pinceaux dans son questionnement existentiel.
Perhaps the world is not made. Perhaps nothing is made. A clock without a craftsman. It’s too late. Always has been, always will be. Too late.
Laurie (Malin Akerman) se lasse du Dr Manhattan d’ailleurs pour se réfugier dans les bras plus rassurants de Dan (Patrick Wilson).
La philosophie a ses limites. Aujourd’hui on n’en est plus à se demander si le monde existe ou pas. On ne peut plus être dans le monde des idées (cf Outsiders). Plus de temps à perdre! En plus de se torturer l’esprit et de nourrir un goût certain pour la formule, Manhattan est un peu extrême dans son romantisme (cf Senna). Lorsque Laurie le quitte, il réagit violemment:
When you left me, I left Earth.
Radical.
Pour toutes ces raisons, lui aussi pourrait être Français. On est tous Français.
Surtout à un moment : on avance! Le monde ne peut plus se reposer sur des penseurs passionnés. Au contraire, le monde doit pouvoir compter sur des hommes d’action, qui prennent des décisions. Veidt est un politique moderne, qui fait de la Realpolitik (cf Les Vestiges du Jour). Il sait que tout ne peut être parfait. Ce n’est pas grave.
Quelle est la véritable utopie ? N’est-ce pas de croire dans un monde idyllique, où le bonheur serait loi et les soldats troubadours pour citer les Nuls. Manhattan comprend Veidt et il sait que la paix a un prix. Inversement Rorschach semble romanesque mais l’équilibre est impossible avec lui. S’il veut tout révéler au grand jour, alors il doit être sacrifié. Son silence est nécessaire à la paix.
Le poids repose sur les épaules de ceux qui sont en charge de la protection des autres. Face à la pression et les sacrifices que la fonction impose, certains pètent clairement les plombs. Comme The Comedian (Jeffrey Dean Morgan) dégoûté de ce monde auquel il préfère la parodie.
Une manière de laisser éclater son côté sombre, un peu comme certains agents de la force publique qui finissent par abuser de leur autorité en tirant dans la foule par exemple. Quelle bonne blague.
Comme dans une partie d’échecs, il faut parfois savoir sacrifier un pion pour préserver l’équilibre (cf Elysium). Casser des œufs reste essentiel à la bonne réalisation de l’omelette.
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