LIMITLESS
Neil Burger, 2011
LE COMMENTAIRE
Cherchant à prouver par l’absurde qu’il ne se dopait pas, un grand joueur de tennis expliquait que les produits n’aident pas à être précis sur un court. La démonstration était un peu hypocrite dans la mesure où les produits peuvent par exemple apporter l’endurance nécessaire pour réduire les erreurs. Néanmoins, il avait également raison au sens où n’importe quel athlète dopé ne peut pas forcément devenir le nouveau Nadal. De la même manière, n’importe quel écrivain drogué ne peut pas s’improviser le nouveau Jean-Paul Sartre – qui écrivait sous amphétamines lui-aussi par ailleurs.
LE PITCH
Un écrivain sans talent connait une trajectoire fulgurante.
LE RÉSUMÉ
Eddie Mora (Bradley Cooper) patine.
You see, that guy was me not long ago. What kind of guy without a drug or alcohol problem looks this way? Only a writer, strangely enough.
Son roman n’avance pas (cf Un homme idéal). Sa copine Lindy (Abbie Cornish) le plaque.
Le bateau coule (cf Seul en mer)!
Son beau-frère Vernon (Johnny Whitworth) lui propose de prendre du NZT-48, une substance en cours de test.
Doesn’t have a street name yet, but the boys in the kitchen are calling it NZT-48.
The boys in the kitchen? That doesn’t sound very FDA approved.
Les capacités de Eddie explosent aussitôt.
I was blind, but now I see.
Ni plus ni moins.
Son éditeur est bluffé. Eddie a besoin de plus de NZT-48. Problème : Vernon a été assassiné par quelqu’un à la recherche de cette nouvelle drogue. Eddie trouve la cachette de Vernon et emporte avec lui une quantité importante de NZT-48.
Plus stylée et confiant, le jeune homme retrouve Lindy. Sur le plan professionnel, il passe aux choses sérieuses en s’attaquant à la bourse. Il joue gros en empruntant $100,000 à Gennady (Andrew Howard). Ce qui lui vaut de conseiller Carl van Loon (Robert de Niro), sorte de Gordon Gekko (cf Wall Street), dans le cadre d’une OPA assez sérieuse.
Puis il remarque des effets secondaires.
After awhile I realized that I couldn’t concentrate on anything for longer than 10 minutes, that I, uh, I missed deadlines, got lazy, slow, so slow, that was two years ago. I haven’t been the same since.
Quelques trous de mémoire de plus en plus longs, pendant lesquels il aurait tué une femme. Une petite enquête lui permet de voir que tous les cobayes shootés au NZT-48 sont soit à l’hôpital, soit au cimetière. Pas bon!
Mis sous pression par Gennady qui réclame son pognon, Eddie commence à faire n’importe quoi, pire qu’un junkie (cf Panique à Needle Park).
Il parvient néanmoins à utiliser son intelligence décuplée pour mieux contrôler son usage de la drogue et embaucher des gardes du corps, ainsi que des avocats, afin de se protéger. Gennady n’est plus de la partie et Eddie a retrouvé un peu de NZT. Suffisamment pour assurer la suite.
Un an plus tard, son livre est un succès. Eddie se lance dans la politique, à la conquête du Sénat. Van Loon essaie de conserver son poulain. Il le fait chanter en menaçant de faire fermer ses laboratoires. Eddie est serein. Fort d’avoir décomposé le NZT pour en tirer les bénéfices, sans effet secondaire. Il est plus que jamais son propre patron.
There’s no scenario where you’re not working for me.
I see everything. I move 50 miles ahead of you and everybody else. You should really be glad about this. Cause me working for you, you’d end up as my bitch.
Maybe we should cool off. Talk again.
I don’t think so.
Inarrêtable.
L’EXPLICATION
Limitless, c’est pénible.
Eddie Mora pourrait être Rocky Balboa au sens où il part de nulle part pour finir au Sénat. Jolie carrière. La différence vient du fait qu’Eddie n’a pas eu à encaisser le moindre coup. Il a gagné sur tapis vert, en trichant. Pas très éthique mais après tout, peu importe. Naviguer à droite, à gauche. Passer des pactes avec Vernon / Mephisto. Tous les moyens sont bons aujourd’hui (cf Macron à l’Elysée : le casse du siècle). L’essentiel est de ne pas se faire prendre. Pour ne pas se faire prendre, il faut simplement être malin. Précisément ce qu’apporte le NZT.
You know how they say we can only access 20% of our brain? This lets you access all of it.
Plus qu’un golden boy, Eddie Mora est donc un smartass. Celui qui agace car il a l’air plus futé que les autres. On pourrait croiser son profil chez les GAFA : il est de ceux qui dessinent des diagrammes intelligents alors que les autres n’ont pas encore fini de parler ou qui écoutent en réunion tout en faisant autre chose.
Ce genre de personnages s’épanouit aussi aujourd’hui en politique (cf Les marches du pouvoir). En cela, il incarne une frange de cette jeune génération d’ambitieux, sans scrupule, et suffisamment rusés pour passer entre les gouttes. Pas comme van Loon, le vieux grigou qui a du magouiller quelques années avant d’arriver où il en est.
You do not know what I know because you have not earned those powers, you’re careless with those powers, you flaunt them and you throw them around like a brat with his trust-fund, you haven’t had to climb up all the greasy little rungs, you haven’t been bored blind at the fundraisers, you haven’t done the time and that first marriage to the girl with the right father, you think you can leap over all in a single bound, you haven’t had to bribe or charm or threat your way to a seat at that table, you don’t know how to assess your competition because you haven’t competed. Don’t make me your competition.
La relève n’a pas de temps à perdre.
Elle prend des raccourcis. Eddie n’a aucune expérience ? Cela n’empêche pas ce je sais tout de se présenter au Sénat. Sûr de sa force.
I wasn’t high, I wasn’t wired. Just clear. I knew what I needed to do and how to do it.
Il semble n’avoir besoin de personne. En vérité, il ne dépend plus que de lui-même et de son petit nombril.
On pourra regretter qu’il mette son intelligence décuplée au profit de ses ambitions personnelles débordantes plutôt que de s’en servir pour trouver la voie de la sagesse comme Lucy ou le Dr Manhattan.
Cet imbécile aux yeux bleus et aux dents blanches ne devrait pas tarder à s’ennuyer avec toutes ses qualités. Et taper sur le système des modestes humains que nous sommes. Au restaurant Chinois, Lindy a d’ailleurs l’air déjà fatiguée par le show de Eddie. Elle qui voulait quelqu’un d’ambitieux est désormais servie.
Insupportable.
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