JOUR DE TONNERRE
Tony Scott, 1990
LE COMMENTAIRE
Les garages et les salles de concert n’ont rien à voir. Il s’agit de deux univers bien différents. Daytona n’est évidemment pas New York. Cependant, en quoi le ronron des moteurs serait moins respectable que le bruit des percussions ?
LE PITCH
Nouveau venu sur NASCAR, un jeune prodige est bien décidé à se faire connaître.
LE RÉSUMÉ
Cole Trickle (Tom Cruise) rêve de gagner les 500 miles d’Indianapolis. Il n’a pas les moyens de s’offrir une voiture digne de ce nom. Grâce au réseau de Tim Daland, (Randy Quaid) il trouve une écurie de stock-car, compétition moins pointue mais plus populaire.
Après un tour de piste au volant du bolide du champion Rowdie Burns (Michael Rooker), Cole convainc le vieux Harry Hogge (Robert Duvall) de lui préparer une caisse.
Les débuts sont chaotiques. Cole est talentueux à ceci près qu’il conduit comme un chien fou. Malgré son ambition et son enthousiasme, son manque d’expérience et son tempérament de feu lui font perdre de nombreuses courses. Et le courant entre Cole et Harry passe mal.
Proche du dépôt de bilan, les deux hommes vont se parler et s’écouter. Harry va rapidement réaliser que Cole ne comprend rien au langage employé en NASCAR. Ils vont donc apprendre à communiquer et à travailler ensemble. Cole et Harry se font de plus en plus confiance. Le résultat est payant à Darlington où Cole remporte sa première victoire en prenant le meilleur sur son rival Rowdie.
L’envol de Cole est rapidement stoppé par un accident où sa voiture percute violemment celle de Rowdie. À l’hôpital, Cole va faire la rencontre du professeur Claire Lewicki (Nicole Kidman) dont il tombera amoureux. Les deux hommes s’en sortent. Rowdie souffrent néanmoins de séquelles importantes. Il est obligé de jeter l’éponge. Champion endetté, il va demander à Cole de lui rendre une faveur et de conduire sa voiture pour gagner Daytona 500 et l’aider à rembourser ses dettes.
Cole n’est plus le même pilote. Lui qui n’avait peur de rien jusque là a frôlé la mort. Il s’exécute néanmoins.
Pendant son absence, un autre jeune loup a pris sa place : Russ Wheeler (Cary Elwes). La compétition fait rage entre les deux hommes. Encore marqué par son accident, Cole surmontera ses démons pour gagner la course grâce à une technique héritée de Harry.
Il fête la victoire en embrassant fougueusement Claire avant d’aller retrouver son bon vieux Harry, que tout le monde avait presque oublié, seul dans un coin.
L’EXPLICATION
Jour de Tonnerre, c’est savoir appuyer sur le champignon.
La course automobile est à l’image de la vie : Parfois on se fait secouer, pas toujours selon les règles. C’est le jeu. Les règles sont approximatives et sujettes à interprétation. Quand Cole débarque dans la compétition, il fait l’apprentissage de la vie.
Well this son of a bitch just slammed into me!
No he didn’t slam you, he didn’t bump you. He rubbed you. And rubbing, son, is racin’.
Il est est venu à la compétition par amour de la vitesse, ou plutôt par obsession du contrôle. Ce qui n’est pas tout à fait pareil.
What do you love so much about racing?
Speed. To be able to control it, to know that I can control something that’s out of control.
Control is an illusion you infantile egomaniac.
Car Cole veut se faire une place au soleil. Il veut exister. Lui qui vient de nulle part. Il a goûté à l’ennui de l’anonymat et il réclame un peu de ketchup sur ses frites. Et quand on veut exister, il ne faut pas être timide. Il faut savoir appuyer sur le champignon. Et surtout, il ne faut pas avoir peur de prendre des coups (cf Rocky).
I’m more afraid of being nothing than being hurt.
Sauf que le premier vrai coup qu’il va prendre sur la tronche va sonner comme une révélation. Cole l’adolescent qui a pris au pied de la lettre les slogans publicitaires lui répétant qu’il ne devait écouter personne d’autre que lui, réalise qu’il a échappé de peu au cercueil.
Parallèlement il fait la rencontre de Claire. Rien n’arrive par hasard. Claire représente le sérieux et la raison. Elle porte une blouse blanche. Rabat-joie. Elle est tellement sexy qu’on peut tout lui pardonner. 25 ans de féminisme plus tard et c’est peut-être Claire qui se serait retrouvée au volant aujourd’hui?
Cole arrive à l’âge de maturité. Lorsqu’il fait face à son double, Russ, il parvient à utiliser sa science de la course pour gagner – oui oui il y a une science de la course automobile. Il triomphe grâce à sa sagesse plus que par son audace. Car appuyer sur le champignon ne fait pas tout.
Il fonce, avec intelligence. Surtout il apprend qu’on ne peut pas contrôler que ce qui est contrôlable, en l’occurrence soi-même : ses envies, ses pulsions, ses frustrations, ses angoisses. Il apprend à se connaître, découvrant ainsi Socrate au fur et à mesure des tours de piste.
C’est précisément quand il arrive à canaliser son énergie qu’il performe. Et tout cela, il le doit à Harry – et à son armée de mécaniciens aussi. On n’arrive jamais au sommet tout seul.
Voilà qui est rafraîchissant à une époque où on fait l’éloge du jeunisme et où tout le monde a envie de ressembler aux bébés d’une marque d’eau minérale bien connue. Rafraîchissant de se dire que les vieux n’ont pas forcément tort malgré leur haleine et que pour peu que les jeunes veuillent bien les écouter, cela peut faire un mélange du tonnerre.
Comme tout bon chevalier, Cole fera d’abord un gros bisou à sa princesse. Comme un symbole, c’est avec Harry qu’il préférera fêter sa victoire, pas Claire. Parce que la course automobile reste avant tout un truc de mecs qui boivent des bières, qui pètent dans l’habitacle renforcé de leur voiture de course et qui célèbrent leurs titres de champion avec le Président (cf Bleus 2018), en se tapant des professionnelles (cf The Girlfriend Experience).
Et cela, les nanas, elles pourront jamais le comprendre.
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