THE GIRLFRIEND EXPERIENCE

THE GIRLFRIEND EXPERIENCE

Steven Soderbergh, 2009

LE COMMENTAIRE

Dans l’enfer des villes, on ne prend plus le temps de faire autre chose que de courir. Par conséquent, on ne peut plus faire que se croiser (cf La La Land). Chacun se concentre sur soi. Personne ne s’entend plus et donc a fortiori ne s’écoute plus non plus. Tout devient anonyme. L’armée des ombres.

LE PITCH

Une call girl de luxe propose un peu plus que du sexe.

LE RÉSUMÉ

La crise bancaire de 2008 (cf Inside Job) revient souvent dans les conversations que Chelsea (Sasha Grey) entretient avec ses clients fortunés.

I met with Phillip on October 5th and 6th, I wore a Michael Kors dress and shoes with La Perla lingerie underneath, and diamond stud earrings. We met at 7:30 PM at the hotel, and had a drink downstairs. (…) We ate dinner at Blue Hill. Phillip didn’t ask for a menu and had the chef serve us a five-course meal, a different wine with each course. (…) We went back to the hotel and talked for half an hour, mostly about a friend of his that keeps borrowing money from him and not paying it back. Then we had sex for about an hour. After that, we talked for about 15 minutes and he fell asleep. (…) He didn’t make another appointment.

Tout est calculé. Chelsea est néanmoins une call girl un peu spéciale puisqu’elle propose une Girlfriend Experience : le corps et coeur, ou plutôt l’illusion du coeur. Elle passe ainsi presque plus de temps à écouter les hommes parler de leur problème qu’à coucher avec.

How’s your wife?

She’s better, thanks for asking.

Les hommes se suivent et ne se ressemblent pas. Certains sont tendres et affectueux, d’autres plus tordus, voire carrément malsains. C’est son job. Chelsea ne se plaint pas. Elle enchaîne les rendez-vous avec une conscience très professionnelle pendant que son petit ami Chris (Chris Santos), coach sportif, essaie lui-aussi de faire tourner son business.

Chelsea voit occasionnellement  un journaliste qui prépare un article sur le sujet. L’occasion de se poser des questions qu’elle a tendance à éluder.

Here’s someone I really would like to get to know a little better. So, is that iron door of yours always gonna be closed?

For most people, yes.

Le hasard fait bien les choses: ces entrevues coïncident avec la rencontre de David (David Levien), un client qui n’est visiblement pas familier avec le monde des escorts. Elle lui fait passer un entretien d’évaluation par téléphone:

What are you looking for?

À la suite duquel, Chelsea a l’impression d’accrocher.

This David and I clicked. 

Le monde à l’envers. David appelle Chelsea par son véritable prénom. Il lui propose de partir en week-end, ce qui va à l’encontre des règles déontologiques qu’elle s’est fixée. Ce week-end va aussi à l’encontre du contrat moral qu’elle a passé avec Chris. Elle se dispute d’ailleurs avec lui à ce sujet et décide de l’envoyer à Vegas avec ses copains pendant ce fameux week-end (cf Very bad trip).

David va pourtant lui faire faux bond. Il a des sentiments pour Christine mais visiblement pas assez pour quitter sa femme et ses deux enfants.

I have to go home. I’m sorry.

Christine fond en larmes. Les deux amants se revoient néanmoins car ils s’apprécient.

Et puis la vie reprend son cours…

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L’EXPLICATION

The Girlfriend Experience, c’est un modèle émotionnel qui ne fonctionne pas.

Le modèle en question est de faire semblant d’être détaché de tout. Dans un monde où les corps sont désacralisés, Chelsea prétend ne pas faire de sentiment et propose paradoxalement une girlfriend experience. Elle fait son business sur la tendresse. Ce n’est pas que pour l’argent, évidemment.

Sinon elle ne serait pas vexée par Phillip.

It’s weird when I left he didn’t even stand up to hug me or say goodbye or kiss me on the cheek, it was a very awkward departure.

Sinon elle ne serait pas forcément dégoûtée par ce gros porc qui veut convaincre les Émiratis d’investir sur des prostituées Américaines plutôt que Russes.

Si ce n’était que pour l’argent, Chelsea ne serait pas blessée par ce critique qui la force à se masturber avec une queue de billard pour lui donner une évaluation cinq étoiles.

Cette vie superficielle, comme le lui fait remarquer le journaliste, n’est qu’une question d’apparences.

In this business, it’s all about appearance, right?

New-York est le royaume de la superficialité. Un monde dans lequel les gens paient pour voir autre chose que le réel.

Sometimes clients think they want the real you, but at the end of the day, they say they don’t. They want what you want to be, they want you to be something else, they don’t want you to be yourself. […] If they wanted you to be yourself, they wouldn’t be paying you.

Et quelque part, même si elle refuse de se l’avouer, Chelsea est à la recherche de quelque chose de plus profond, d’où sa croyance à l’astrologie. Son couple avec Chris est dénué de sentiment, purement transactionnel. Chacun fait ses affaires. Un couple de façade bien que Chris cherche à se persuader du contraire.

You and I are real!

Chris n’arrive même pas à convaincre un barman de la réalité de son couple.

It’s not my date, it’s my girlfriend.

En vérité, Chelsea dérive, prisonnière d’un système qu’elle espérait être moderne mais dans lequel elle ne parvient pas à s’épanouir malgré tous ses sacs de luxe.

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Au plus profond d’elle, elle a surtout besoin d’une experience dans laquelle elle est la girlfriend. Dans laquelle son petit copain lui dirait qu’il n’est pas ok avec l’idée qu’elle fasse des passes. Parce que ce ne devrait pas être ok quand on s’aime.

Chelsea aimerait qu’on s’intéresse à elle, pour elle. C’est pour cette raison qu’elle apprécie les remarques du journaliste qui est curieux d’elle. Il veut percer la carapace. C’est aussi pour cela qu’elle apprécie David: parce qu’il l’écoute plutôt qu’il ne parle de lui à longueur de rendez-vous. Chelsea aimerait vivre dans un monde où les uns et les autres arrêtent de se protéger.

Comment en est-on arrivé à se convaincre qu’on n’en avait plus rien  avoir à faire de rien (cf Detachment) ? Nous conduisant à aimer de manière si distanciée ? Payer pour n’avoir que les avantages, sans les contraintes (cf Newness) ? Comme des enfants pourris gâtés.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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