CARRIE
Brian de Palma, 1976
LE COMMENTAIRE
Au bal masqué, elle ne peut pas s’arrêter de danser. C’est infernal. Elle peut s’envoler en gardant les pieds sur terre, elle peut embrasser qui elle veut. Comme dans un joyeux bordel, elle fait littéralement ce qui lui plaît. Qu’on permette aux femmes de faire ce qui leur plaisent arrive suffisamment rarement pour que cela soit signalé. Malheureusement le bal de fin d’année (cf The Prom) n’est pas exactement le bal masqué. Les États-Unis ne sont pas les Antilles.
LE PITCH
Une jeune fille devient le souffre-douleur de sa classe.
LE RÉSUMÉ
D’un naturel timide, Carrie White (Sissy Spacek) se fait régulièrement chahuter. Après un cours de gym, elle découvre sous la douche qu’elle saigne. Surprise et paniquée, elle appelle à l’aide auprès des filles de sa classe qui se moquent copieusement d’elle avant de lui jeter des serviettes et des tampons à la figure. La prof de gym Miss Collins (Betty Buckley) intervient en catastrophe. Carrie a déjà fait exploser une ampoule.
En effet, Carrie a un talent de Télékinésie. Quand elle a peur ou qu’elle est en colère son pouvoir la dépasse. Elle s’en rend compte dans le bureau du proviseur qui l’appelle plusieurs fois Cassie. À la longue, elle finit par s’énerver et envoyer son cendrier valdinguer le cendrier à l’autre bout de la pièce.
Ses « copines » de classe seraient peut-être moins dures elles connaissaient la mère de Carrie, une espèce de fanatique qui ne jure que par les tartes dans la tronche et un petit tour dans le placard – et Jésus (cf Le Teckel).
Miss Collins est la seule à lui montrer un peu d’affection. Elle décide de punir les filles de sa classe pour leur comportement. Sue (Amy Irving) se sent coupable et envoie son petit copain Tommy (William Katt) inviter Carrie au bal de prom pour qu’elle ne se sente plus exclue.
Quant à Chris (Nancy Allen), elle refuse la punition de Miss Collins et se voit privée de bal de prom. Elle fomente un plan avec l’aide de Billy (John Travolta) pour se venger de Carrie en l’aspergeant de sang de porc.
Le jour du bal de prom, le plan de Chris fonctionne à merveille. Carrie et Tommy gagnent le concours truqué du plus beau couple de la soirée. Au moment de recevoir son prix, Carrie n’a pas le temps de vivre son rêve qu’elle se prend un seau de sang sur la tête.
Face aux moqueries de l’assistance, elle rentre en transe. Asperge la salle avant de mettre le feu au gymnase. Tout le monde y passe, y compris Miss Collins (cf Indiana Jones). Seule Sue est épargnée. Chris et Billy essaient sans succès de l’écraser. Carrie les envoie dans le décor avant de les faire flamber.
Une fois à la maison, sa mère tente de la réconforter. Elle lui révèle qu’elle est le fruit d’un viol, avant de la poignarder. La goutte de sang qui fait déborder le vase. Carrie utilise ses pouvoirs pour la crucifier comme Jésus. L’édifice s’effondre et emporte Carrie et sa mère dans les décombres.
L’EXPLICATION
Carrie, c’est la vengeance d’une rousse.
Elle n’a pas le même mode de fonctionnement que les autres. Introvertie et nulle au volley, elle est pourtant loin d’être idiote. Carrie saisit très bien ce qui se passe autour d’elle. Quand elle a besoin de réponse, le monde autour d’elle est tout simplement incapable de lui en fournir.
Why am I here?
Because it’s the prom.
Why am I here with you?
Because I asked you.
Why’d you ask me?
Because I wanted to.
Why’d you want to?
Because you liked my poem. Only I didn’t write it. Somebody else did.
Carrie représente le sens. La main qui attrape Sue pour l’attirer dans ce qu’on croit être les profondeurs de l’enfer n’est peut être simplement qu’une main tendue pour éviter de végéter dans un monde sans substance.
Carrie est quelqu’un de profond et de sensible que personne n’est capable de comprendre, pas même son prof de littérature quand elle a le courage de donner son avis alors les autres élèves continuent de dormir. Son prof la ridiculise. Il ne lui permet pas de se révéler, alors que c’est précisément le métier de l’enseignant. Pire, le directeur nie sa propre identité en déformant son prénom.
Carrie est l’enfant surdouée qui passe au travers des mailles du filet de l’enseignement. Elle est une petite boite de caviar que personne n’aperçoit dans la poubelle, même pas sa mère qui refuse d’admettre le talent exceptionnel de sa fille.
You must renounce this power, you must give it up, you must never use it.
La superficialité triomphe. À ce titre, on peut parler de la vengeance d’une blonde, en la personne de Chris qui est bête comme ses pieds. Elle est lâche car elle s’attaque sans scrupule à plus faible qu’elle. Cette femme s’imagine contester l’autorité mais à la différence de Sue, elle refuse juste de revenir à la raison. Chris soudoie les faveur de Billy par le biais d’une bonne vieille fellation, médiocre.
Il s’agit tout simplement de quelqu’un de jaloux et qui sait pertinemment que Carrie vaut mille fois mieux qu’elle. Du coup elle cherche à l’écraser. Tout comme sa mère, victime d’une mariage malheureux et qui fait payer les pots cassés à sa fille.
He is coming, Mama. Now stop it. I’m nervous enough.
Le monde est sans pitié. Il a besoin de se moquer de Carrie pour se sentir plus fort et l’enfermer dans un placard pour mieux s’épanouir. Ce monde est un monde de femmes qui ne se font pas de cadeau entre elles. Si les hommes font parler la force, les femmes savent manier la sournoiserie (cf Les Liaisons Dangereuses). Il n’y a guère de solidarité. Et à la fin Jules César se prend quand même ses coups de couteau.
Carrie est presque une sorte de Jésus crucifié. « Presque » car dans une histoire éminemment religieuse, Carrie offre une réponse plutôt premier-testamentaire en incendiant le gymnase et punissant tout le monde, y compris Miss Collins. La grande lessive. David l’emporte sur Goliath et ses fans. Tant pis si David doit tuer tout le monde sur son passage. La victoire est absolue.
Bien qu’elle ait des pouvoirs surnaturels, Carrie reste néanmoins humaine. Son erreur aura été d’avoir accepté de jouer le jeu de la société. Elle a essayé. Puis elle s’est faite piéger car elle ne s’est pas méfiée. C’est précisément parce qu’elle tue tout le monde qu’elle doit être pardonnée.
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