THE TRIP
Michael Winterbottom, 2010
LE COMMENTAIRE
À quoi reconnaît-on deux amis ? Tout d’abord à leur capacité à voyager tous les deux et résister à la tentation brulante de s’embrasser. Sinon ce ne serait plus de l’amitié (cf Le Secret de Brokeback Mountain). Cela devient complètement autre chose. Bien au contraire, les amis se définissent par leur propension à passer du temps ensemble à débattre pendant des heures, plaisanter, partager des odeurs, même dormir dans le coffre si nécessaire et continuer à s’apprécier platoniquement au delà du profond dégoût qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
LE PITCH
Les comédiens Steve Coogan et Rob Brydon s’exilent dans le Nord de l’Angleterre.
LE RÉSUMÉ
Contacté par The Observer pour écrire une critique culinaire des restaurants étoilés du Nord de l’Angleterre (cf The Chef), Steve Coogan se retrouve planté par son ex-compagne Mischa (Margo Stilley). Il se tourne en dernier recours vers son ami de toujours Rob Brydon (cf Tournage dans un jardin Anglais).
Mischa can’t come and I don’t want to go alone. I’ve asked other people but they’re all too busy. So, you know… do you want to come?
Les deux hommes parcourent la campagne Anglaise et discutent à bâtons rompus de leur situations personnelle et professionnelle dans un cadre magnifique.
This is like a Turner painting.
Steve et Rob parlent de tout et de rien, en imitant Michael Caine, Sean Connery ou Anthony Hopkins. Ils se disputent souvent, autour de bons petits plats (cf Julie et Julia). Steve enchaîne les coups d’un soir avec les maitresses d’hôtel puis essaie désespérément de trouver un peu de réseau pour pouvoir parler avec Mischa, son agent ou son fils qu’il ne voit presque jamais.
Sur le chemin du retour, les deux compagnons de voyage font un rapide crochet chez les parents de Steve avant de se séparer. Rob retrouve sa femme et sa fille. Steve retrouve sa solitude.
L’EXPLICATION
The Trip, c’est le Yin et le Yang.
Coogan et Brydon sont deux clowns vantards. Leurs personnalités sont pourtant radicalement opposées. D’un côté, il y a Steve le poète aux cheveux longs qui pue l’angoisse et qui complexe sur son âge ou ses rides.
I’ve been 41 for three years!
Il nourrit également des complexes sur son talent. Hanté par le spectre de Michael Sheen qui lui vole tous ses rôles. Les complexes de Steve le rendent amer. Il n’hésite pas à tacler celui qui est pourtant son meilleur ami. Un compliment ne vient jamais seul…
You’re a good bloke. I don’t care what they say about you.
De l’autre côté, il y a Rob le serein aux cheveux courts. La vie de Rob est beaucoup plus posée. C’est un papa. Toujours optimiste et disponible. Il ne se plaint pas et répond aux piques de Steve avec humour, sans s’énerver. Sa carrière est peut-être plus modeste que celle de Steve quoique suffisamment importante pour que des mamies lui demandent des autographes.
My career is not mediocre.
Ce qui différencie Steve de Rob c’est que le premier essaie en vain de s’épanouir dans un fantasme.
You’re living the dream Steve…. it’s all a dream.
Steve est à l’image de Louis Simo, il se voit trop grand ou trop beau pour mieux ignorer ce qu’il a devant son miroir. Il cherche constamment à se rassurer sur sa carrière qui ne fut pas celle qu’il aurait voulue, malgré le succès d’Alan Partridge ou ses collaborations avec Ben Stiller.
Il en fait même des cauchemars dans lesquels les célébrités, les vraies, l’ignorent. Éprouve une certaine honte envers ses fans, comme s’il trainait les personnages qu’il a incarné comme des boulets.
Steve prétend volontiers faire passer la santé de ses enfants avant sa réussite personnelle… jusqu’à ce que Rob ne le tente avec la possibilité de gagner un oscar du meilleur acteur contre une appendicite. Enfin il révèle sa vraie nature narcissique.
Now we glimpse the real man…
Rob au contraire se satisfait tout simplement de vivre dans la réalité. C’est un vrai gitan, au sens noble du terme: il est heureux partout où il est, avec ce qu’il a. Il assume ce qu’il a accompli sans se soucier de savoir s’il marquera ou non l’histoire. Flatté que les petites gens le complimentent, sans chercher la gloire ou la reconnaissance.
You still go on dates? See that strikes me as odd that a man of our age would be thinking about trying to kiss girls.
Steve et Rob sont différents et ils ont cruellement besoin l’un de l’autre. L’un ne peut pas partir à l’aventure seul. L’autre n’hésite pas à retrouver son ami au pied levé. Il y a du Je t’aime moi non plus entre ces deux là. L’un ne serait probablement rien sans l’autre. Ils sont le Dark Knight et le Joker. Comme Papin et Cantona, Maïté et Micheline, Pipo et Molo, Melon et Melèche.
Ils se divertissent et se complètent. Deux Rob ensemble et l’on s’ennuie, deux Steve ensemble et l’on rigole un moment, avant de sauter d’un pont.
Ce voyage est l’occasion pour eux de s’équilibrer tout en mettant les choses en perspective. Qu’ont-ils accompli ? Que leur reste-t-il encore à accomplir ? Rob joue son rôle en toute modestie.
Everything has been done before. All you can do is do something someone has done before but do it better or differently.
Steve tente de se convaincre qu’il a touché la grâce. Tout est relatif. Il le sait d’ailleurs très bien. Alors il frime. Il frime et se sert de Rob comme d’un faire-valoir.
I’d rather be me than you because I’d rather have those moments of genius than a lifetime of mediocrity.
À la fin de l’histoire, c’est pourtant bien Rob qui a passé du bon temps même s’il a véritablement hâte de rentrer pour retrouver sa vie bien remplie. Tandis que Steve semble avoir passé son temps frustré, à vouloir profiter de la moindre occasion pour se débarrasser de Rob. Lui qui ne fait que fuir ne va pas pouvoir échapper au vide de son appartement.
Steve demande constamment c’est quand le bonheur alors que Rob a trouvé la réponse depuis longtemps.
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