SERPICO
Sidney Lumet, 1974
LE COMMENTAIRE
Si l’habit fait parfois le moine, on peut aussi ne pas toujours avoir la gueule de l’emploi. Auquel cas il peut devenir compliqué de travailler pour une corporation qui a des idées assez arrêtées sur la longueur des cheveux ou la taille de la barbe.
LE PITCH
Un homme refuse une enveloppe pleine de billets et le cauchemar commence.
LE RÉSUMÉ
Frank Serpico (Al Pacino) finit aux urgences après s’être pris une balle. Entre la vie et la mort, il se souvient de sa remise de diplôme à l’Académie où le directeur de la Police invitait les nouvelles recrues à avoir foi en la loi et la faire respecter en toute impartialité. Il était question de patience, d’honnêteté, de persévérance, de courage et d’intégrité.
Sur le terrain, Serpico va vite déchanter. Il découvre les petits arrangements entre amis. Les flics qui se font arroser à droite à gauche gentiment pour permettre aux commerçants locaux de se garer en double file.
Serpico fait du zèle, très vite détesté par ses collègues.
Témoin de la brutalité policière, sans y participer. Il fait le dos rond. Emménage dans Manhattan. Prend un chien. Il drague Leslie (Cornelia Sharpe), une comédienne dans son cour d’Espagnol. Frank devient Paco, un flic en civil moustachu, apprécié du milieu bobo New-Yorkais.
You know, you’re pretty fuckin’ weird for a cop.
Me? What about you? You’re a fucking hippie!
On se méfie de lui. Il commence à se plaindre auprès de sa direction.
The reality is that we do not wash our own laundry – it just gets dirtier.
Il sympathise par hasard avec Bob Blair (Tony Roberts), un proche du maire, et commence à lui parler des problèmes qu’il rencontre au sein de la police. Cela tombe bien, Blair veut faire le ménage.
Pendant ce temps, Serpico se sépare de Leslie et rencontre Laurie (Barbara Eda-Young). Il essaie de quitter son commissariat pour être ré-affecté dans un autre service. Tout le monde le connaît. Personne ne veut de lui. Le Capitaine McClain (Biff McGuire) tente de lui venir en aide. Il enregistre néanmoins tous ses appels pour se couvrir au cas où les choses tournent mal.
Blair lui propose d’en parler au chef du cabinet du maire. Le maire ne veut pas se mettre la police à dos au moment des élections. Serpico se bat contre des moulins à vent. Sa vie est en danger. Victime d’un guet-apens, on lui tire dans le visage. À l’hôpital, Sydney Green (John Randolph) le protège et lui donne la médaille des inspecteurs.
What’s this for? For bein’ an honest cop? Hmm? Or for being stupid enough to get shot in the face? You tell them that they can shove it.
Dégoûté, Serpico accepte de témoigner contre son employeur devant la commission Knapp qui enquête sur la corruption au sein de la police de New-York. Il reçoit une médaille d’honneur, démissionne et part vivre à l’étranger.
L’EXPLICATION
Serpico, c’est choisir entre son éthique ou se faire des copains.
Frank est un idéaliste. C’est aussi un professionnel consciencieux qui aime que les choses soient claires. Ce qui le rend parfois un peu rigide et difficile à vivre.
When I come home, I want to come home to a clean house!
Son badge fait sa fierté. Il est impressionné par son collègue qui a été désigné flic du mois. Son obsession est de bien faire son travail. La méritocratie est son leitmotiv. Il ressemble au jeune François Lesbuche (cf Les Ripoux). À la différence du jeune Spinalien, Serpico ne joue cependant pas le jeu. Il n’en a aucune intention. Au contraire, il résiste à la facilité et s’accroche à son intégrité. Ce qui lui pose de nombreux problèmes dans sa vie sociale tout d’abord puisqu’il juge tout le monde, notamment les amis de sa petite amie.
How come all your friends are on their way to bein’ someone else?
Cette intégrité lui joue également des problèmes dans sa carrière puisqu’il pense être entouré de flics corrompus (cf Cop Land). Personne n’est assez bien pour lui. Il est irréprochable. Serpico est celui qui sait mieux que tout le monde, celui grâce auquel New York pourrait se rapprocher de la perfection (cf French Connection).
Le problème de Serpico c’est qu’il vit dans un monde imparfait et qu’il refuse tout simplement de l’accepter. Il y a une manière dont les choses fonctionnent. Ce n’est pas l’idéal, mais cela tourne.
Frank, let’s face it. Who can trust a cop who don’t take money?
Ce n’est pas suffisant pour Serpico qui veut faire la révolution. Il est puni par sa profession non pas parce qu’il veut faire la grande lessive à lui tout seul mais parce qu’il ne respecte pas les codes. La police, comme l’armée, est une famille. Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas. On lave son linge sale en famille.
Frank, we wash our own laundry here!
Alors que Serpico crie son malaise sur tous les toits. Il parle à la presse au lieu de parler à son N+1. Ne sachant naviguer dans un monde politique, à la différence d’Emmanuel Macron. Lorsque le Président, alors Ministre des Finances, quitte avec fracas le Parti Socialiste pour affirmer vouloir faire de la politique différemment, il ne saute pas sans parachute. Il a derrière lui Bayrou, Le Drian, Collomb, Philippe et bien d’autres… Il n’est pas mouillé dans les affaires comme les autres. Donc il est différent des autres, en mieux. Et puis lorsqu’il arrive au pouvoir, il fait machine arrière sur ses belles promesses. Il rentre dans le rang. Bien qu’il communique le contraire, il fait comme ses prédécesseurs. C’est d’ailleurs pour cela qu’il reste en place.
Serpico, lui, ne s’imagine pas comme n’importe qui. Il ne veut pas rentrer dans le rang.
Malheureusement pour lui, il n’a personne sur qui s’appuyer. Il ne dit pas les bonnes choses aux bonnes personnes. Au contraire, il dit ce qu’il ne faut pas dire aux mauvais interlocuteurs. Comme un élève qui dénonce ses camarades auprès du proviseur. Il est l’homme de la base qui se dresse contre la corporation, en espérant changer les choses à lui seul – sans appui. Sans aucune chance (cf Le Procès). David contre Goliath. Isolé.
You know that I’m totally isolated in the department. I don’t have a friend.
Il se rétablit miraculeusement de l’attentat dont il est victime. Plus remonté que jamais, il ne rate pas l’occasion de se venger de la Police en dénonçant tout le monde. Alors il se retrouve définitivement seul avec son chien et part vivre dans un pays à son image, au delà de tout soupçon: la Suisse.
LE TRAILER
Cette explication n’engage que son auteur.
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