TED
Seth MacFarlane, 2012
LE COMMENTAIRE
La vie des grands s’accompagne de nombreuses responsabilités comme sortir les poubelles, tirer la chasse, payer ses impôts ou remplir son frigo. Des étapes qui marquent la rupture entre l’étudiant et l’adulte qui se respecte. Qui n’a pas connu l’angoisse de rentrer chez soi le dimanche soir et réaliser qu’il n’y a rien d’autre à manger qu’un restant de kebab et un fond de ketchup ? Cette angoisse n’en cacherait-elle pas une autre ?
LE PITCH
Un jeune homme refuse de se séparer de son ours en peluche.
LE RÉSUMÉ
Le petit John Bennett coule des jours heureux, épargné par les problèmes de harcèlement scolaire, confortablement installé contre son nounours Ted. Une étoile filante exauce son souhait d’entendre Ted parler.
Le petit John est devenu grand (Mark Whalberg).
Il sort désormais avec Lori Collins (Mila Kunis). Par contre il ne s’est pas encore séparé de Ted. Ce qui l’empêche cruellement de progresser dans la vie (cf Tanguy).
I could’ve ended up like that Asian kid at Virginia Tech, but I didn’t because of Ted.
Conscient qu’il s’agit d’un point de non retour et qu’il ne va pas pouvoir faire sa vie avec une peluche, John trouve un appartement à Ted. Il acte ainsi leur séparation.
Ted vit sa vie. Il se trouve un job et une petite copine (Jessica Barth). Johnny est nostalgique et finit paradoxalement par passer plus de temps avec Ted qu’auparavant. Il va même jusqu’à sécher son travail. Cette conduite insupportable conduit Lori à prendre la décision qui s’impose : c’est fini.
John et Ted s’expliquent de façon musclée dans une chambre d’hôtel, s’accusant mutuellement d’avoir ruiné la vie de l’autre.
Lori was right about you: you cannot take responsibility for anything that goes on in your life.
Oh, and you can??
I don’t have to, I’m a fucking teddy bear! Y’know somethin’? I didn’t tie you up and drag you to that party, alright, I wanted you to come, because you’re supposedly my best friend!
You can’t stand there and tell me havin’ been with Lori has always been a threat to our friendship! I mean, it always works out so much better for you when we’re sittin’ around gettin’ fucked up on the couch till nine am, doesn’t it?
Listen to yourself. What am I, Emperor Ming here controllin’ your mind? That’s your choice, John! And by blamin’ me, you’re just makin’ yourself look like a pussy.
Puis ils se réconcilient car il ne peuvent pas faire autrement.
Devant la tristesse de son ami, Ted essaie de réparer les pots cassés.
Lori, you want him to be a man. Alright? But, as long as he’s got his teddy bear, he’s always gonna be a boy.
Il réalise le tour de force de convaincre Norah Jones de laisser John monter sur scène pendant son concert pour interpréter une version d’Octopussy. Cette démarche symbolique touche profondément Lori. Ils n’ont pas le temps de se retrouver. Ted est kidnappé par Donny (Giovanni Ribisi), un fétichiste déséquilibré.
John et Lori se battent pour arracher Ted des mains de Donny. Le nounours est déchiré en deux. Inconsolables, Lori et John essaient de raccommoder la peluche. Lori fait un voeu. Ted est ressuscité!
Le couple se marie enfin tandis que Ted semble à l’aise avec l’idée de mener sa vie de son côté.
L’EXPLICATION
Ted, c’est la nécessité de couper le cordon.
Les enfants s’attachent à leurs jouets auxquels ils confèrent une valeur émotionnelle très forte – quasi identitaire. Pour John, Ted n’est pas qu’un ours en peluche, c’est un véritable compagnon. Un partenaire de jeu, de rigolade, un confident, un coach. Il accompagne John au cours de toutes les étapes fondatrices de sa vie. Leur relation est quasi fraternelle. C’est une partie de lui.
Le problème est que Ted est associé à l’enfance de John. Il est donc figé. Bien que son langage soit fleuri, il n’a pas évolué et dès que John manifeste un désir d’autonomie, Ted le ramène en arrière en jouant avec ses angoisses. Il lui propose une solution de repli confortable pour revenir dans un cocon qu’il connait.
La vie d’adulte est stressante car on est exposé au regard et au jugement des autres. On doit nager sans plus jamais toucher le fond. Prendre les manettes avec les conséquences qui vont avec. Le vélo se pratique désormais sans roulette. Si on tombe, on se fait mal.
Mais personne ne nous oblige à prendre des risques inconsidérés. Chacun peut vivre à son rythme. Le patron de John se veut rassurant.
All you got to do is not fuck up.
C’est cette forme de pitié, doublée d’un manque d’ambition, qui va sonner le réveil de John. Ajouté aux multiples abus de Ted, complètement insouciant (cf Project X), qui se permet d’inviter un groupe de prostituées à la maison.
John va essayer la méthode dure en se séparant définitivement de son ami. Cela ne fonctionne pas puisque la coupure est trop brutale. La barre est trop haute. Le besoin de régression rattrape John qui trouve de bonnes excuses pour se réfugier auprès de son nounours (cf Alerte Rouge).
C’est finalement en allant au bout de son comportement puéril que John va rebondir. Il touche le fond de la piscine en perdant Lori. C’est l’électrochoc. Pour la reconquérir, il doit lui prouver l’importance qu’elle joue dans sa vie.
Pour y parvenir, il doit lui montrer l’influence qu’elle a sur son comportement. John doit devenir adulte pour être avec Lori. Il ne peut pas s’en remettre à elle pour résoudre ses problèmes.
Le véritable test va être de retrouver Ted qui a été capturé.
Are you out here all alone…?
Uh, no, no I’m not. You’re never alone, when you’re with Christ, so no, I’m not alone.
Ted est une facette de John qui ne peut être occultée. On ne peut pas vivre sans lui. Il faut apprendre à cohabiter et le retrouver parfois, pas en permanence. Ce n’est pas à Ted de laisser John en paix. C’est plutôt à John de prendre du recul et laisser Ted vivre sa vie. Trouver la bonne distance.
Ted est la petite voix de John. Si elle prend toute la place, on n’entend plus rien. Quand on réduit le volume, sans le couper totalement, on peut l’écouter de temps en temps pour se rappeler de sa sensibilité d’enfant.
John a réussi à trouver l’équilibre avec Ted. Cette balance ne doit pas pencher du côté de Lori. Pour être heureux en couple comme en amitié, John doit penser comme un aventurier solitaire (cf Mad Max).