LE DICTATEUR
Charlie Chaplin, 1945
LE COMMENTAIRE
Les dictateurs font mine de se soucier plus que tout de la grandeur de leur Empire alors qu’en vérité, il se moque de tout – sauf d’eux mêmes. En effet, ces narcissiques peuvent passer des heures à se contempler devant le miroir, histoire de s’assurer que leur moustache soit bien ajustée.
LE PITCH
Le fascisme qui émerge en Tomenia menace le monde libre.
LE RÉSUMÉ
La Première Guerre Mondiale fait rage (cf Les Sentiers de la Gloire). Un jeune soldat de Tomenia (Charlie Chaplin) vient en aide au Commandant Schultz (Reginald Gardiner), blessé lors d’un assaut. Leur avion s’écrase et le soldat perd la mémoire. Depuis l’hôpital, il ne sait pas que son pays s’est rendu aux Alliés et a signé l’Armistice.
Vingt ans ont passé. Dempsey a battu Willard. Lindbergh a traversé l’Atlantique. La grande dépression a touché les États-Unis. Le dictateur Adenoid Hynkel (Charlie Chaplin) est arrivé au pouvoir en Tomenia et fait régner la violence dans le pays, en particulier contre les Juifs. Ses discours encouragent l’antisémitisme.
How was my speech?
I thought your reference to the Jews might have been more violent.
What?
We’ve got to rouse the people’s anger. At this time, violence against the Jews might take the public’s mind off its stomach.
Le soldat sort de l’hôpital pour reprendre son activité de barbier.
Malheureusement pour lui, les soldats ont barricadé son échoppe car il est Juif. À sa sortie, il est immédiatement molesté par deux militaires. Sa voisine Hannah (Paulette Goddard) lui vient en aide. Les troupes le capturent et organisent sa pendaison.
Le Commandant Schultz intervient pour aider celui qui lui a sauvé la vie sur le champs de bataille il y a des années.
Hynkel a besoin d’argent pour financer son effort de guerre. Le banquier Hermann Epstein refuse. Hynkel ordonne aussitôt une purge et met les Juifs tout en haut de sa liste de personnes à abattre.
Start small. Not so fast. We get rid of the Jews first.
Schultz proteste, ce qui lui vaut d’être envoyé lui-aussi dans un camp de concentration. Il s’évade pour se réfugier dans le ghetto où il retrouve son ami. Tous les deux complotent pour assassiner Hynkel. Hannah les en dissuade.
Capturés tous les deux puis déportés dans un camp tandis qu’Hannah et sa famille s’enfuient en Osterlich. Le pays va néanmoins se faire envahir par Hynkel, profitant que Napaloni (Jack Oakie), le dictateur de Bacteria n’ait pas bougé assez vite. Celui qui s’imagine comme l’Empereur du monde abolit officiellement toute forme de liberté.
Today, democracy, liberty, and equality are words to fool the people. No nation can progress with such ideas. They stand in the way of action. Therefore, we frankly abolish them.
Schultz et le barbier s’évadent. Ils atteignent la frontière d’Osterlich. La ressemblance physique du barbier lui vaut d’être confondu avec Hynkel. Schultz lui suggère de monter à la tribune. Son ami vainc sa timidité pour adresser un vibrant message de paix inattendu.
You, the people, have the power to make this life free and beautiful, to make this life a wonderful adventure. Then, in the name of democracy, let us use that power, let us all unite, let us fight for a new world, a decent world that will give men a chance to work, that will give youth a future and old age a security, (…) let us fight for a world of reason. A world where science and progress will lead to all men’s happiness. Soldiers! In the name of democracy, let us all unite!
En conclusion, il rend hommage à Hannah qui écoute son discours à la radio avec beaucoup d’émotion.
L’EXPLICATION
Le Dictateur, c’est un cheval à bascule.
Les Grecs pensaient le temps non pas de manière linéaire mais comme une succession de cycles. Il semble que l’Histoire leur donne raison puisque nos périodes de prospérité finissent toujours par donner lieu à des crises économiques (cf Inside Job) qui débouchent souvent sur des périodes d’instabilité marquées par des attentats, signes de conflits de plus ou moins grande ampleur. Avant de repartir sur des périodes de prospérité. Après la pluie, le beau temps.
This is a story of a period between two World Wars – an interim in which Insanity cut loose. Liberty took a nose dive, and Humanity was kicked around somewhat.
L’équilibre est fragile. Un mauvais concours de circonstance, des vents contraires, un peu de manque de chance et on peut tomber dans un mauvais cycle. Celles et ceux qui sombrent dans les ténèbres (cf Taram et le chaudron magique) finissent par n’écouter que leurs angoisses. Leurs décisions obéissent qu’à la peur. On se protège. Le monde extérieur devient une menace. L’autre n’est plus une personne avec laquelle on cohabite, elle est l’ennemie qu’on cherche à détruire.
Le monde ne peut être rassurant qu’à partir du moment où on l’envahit. À la fin de cette logique expansionniste, on trouve l’isolement. Quand les autres ont été vaincus, il ne peut y’en rester qu’un.
We shall never have peace ’til we have a pure Aryan race. How wonderful. Tomania, a nation of blue-eyed blondes.
Cette attitude est presque kamikaze car persuadé d’être dans son bon droit, le dictateur conduit son peuple tout entier à la perte (cf 300, The Fall).
War will be the end of us.
Un peu par idéologie. Beaucoup par intérêt (cf Fahrenheit 9/11, Lord of War).
Heureusement qu’en ces temps difficiles, des personnes comme Schultz et Hannah ne baissent pas les bras.
Any brave man would resist.
Schultz et Hannah se battent pour rétablir la paix car ils sont convaincus que la guerre est profondément injuste et qu’on peut l’éviter. La violence devrait toujours être utilisée en dernier recours car elle frappe d’abord les innocents.
Remember my words. Your cause is doomed to failure because it’s built on the stupid, ruthless persecution of innocent people. Your policy is worst than a crime. It’s a tragic blunder!
Ils se battent pour la paix car ils sont convaincus que nous ne sommes finalement pas si différents. Après tout, qu’est-ce qui sépare Hynkel du barbier? Jacquard de Jacquouille (cf Les Visiteurs) ? Michel St Josse de Patrick Chirac (cf Camping) ? Adèle de Emma (cf La Vie d’Adèle) ?
Strange, and I always thought of you as an Aryan.
I’m a vegetarian.
Pas grand chose.
Alors levons plutôt le coude ensemble. Main dans la main.
Jusqu’à ce qu’on ne puisse plus se supporter.