INSIDE JOB
Charles H. Ferguson, 2010
LE COMMENTAIRE
Quand les enfants font des bêtises, ils doivent en répondre. Souvent ils nient, adoptant un système de défense assez efficace : « J’ai rien fait ». Lorsque ces mêmes enfants grandissent et continuent de faire des bêtises, ils doivent toujours en répondre. Absolument rien n’a changé.
LE PITCH
La crise des sub-primes en cinq chapitres.
LE RÉSUMÉ
PRÉAMBULE
L’Islande était un pays modèle jusqu’à une dérégulation financière qui a rapidement vu le pays sombrer dans une crise sans précédent.
En 2008, la banque Lehman Brothers et l’assureur AIG s’effondrent, laissant trente millions de personnes dans le monde sur le carreau et cinquante millions de personnes sous le seuil de pauvreté (cf The Big Short).
1 – COMMENT NOUS EN SOMMES ARRIVÉS LÀ ?
Dans les années 80, Reagan choisit comme directeur du Trésor le patron de Merril Lynch. La dérégulation commence. Les banques d’investissements ouvrent leur capital. Une première crise éclate rapidement. De nombreux Américains perdent leur épargne.
Alan Greenspan est nommé à la tête de la Réserve Fédérale alors qu’il a pourtant cautionné des patrons de banque qui finiront en prison. La dérégulation continue sous les ordres de Robert Rubin, secrétaire au Trésor et Larry Summers, professeur d’économie à Harvard.
The financial sector captured the political system both on the Democratic and Republican side.
Les fusions s’enchaînent, avec le consentement de la Fed. Une nouvelle crise éclate en 2001 avec la bulle internet. La SEC ne bouge pas. Les banques s’entendent entre eux et promettent de mieux se comporter. Corruption, blanchiment d’argent, fraude fiscale etc…
When you’re this large, mistakes happen.
Dans les années 90 apparaissent des produits financiers complexes imaginés par des mathématiciens, main dans la main avec des banquiers d’affaires. En 1998, une tentative de réguler ces nouveaux produits est avortée par le congrès dont la plupart des membres partiront plus tard dans le privé, faisant fortune grâce à ces mêmes produits.
Dans les années 2000 se met en place un système financier puissant, concentré et pervers dans lequel les banques d’affaires, deux conglomérats bancaires, trois compagnies d’assurance ainsi que des agences de notation sont tous de mèche.
Le système repose entièrement sur les crédits immobiliers que les propriétaires ont revendu aux banques qui les ont transformé en CDO évalués par les agences de notation. Personne ne prend de responsabilité. Les propriétaires immobiliers se moquent de savoir si les locataires remboursent car ils ont vendu leurs créances aux banques d’affaires qui elles même se moquent des remboursements tant qu’elles vendent des CDO évalués par des agences de notation qui ne risquent rien si leurs notes sont fausses.
Les crédits s’accumulent sans que personne ne s’en soucie, devenant de plus en plus risqués. Ce sont les sub-primes.
2 – LA BULLE
Le marché immobilier explose. L’argent coule à flots. Tout le monde se goinfre. Lehman Brothers totalise plus de $100 milliards de sub-primes et son patron s’est fait $485 millions dans l’affaire.
Tout le monde se félicite de cette prospérité. Les banques empruntent encore pour créer toujours plus de CDO. Le ratio d’emprunt dont une banque dispose est de 15/1. Hank Paulson, président de Goldman Sachs négocie avec la SEC pour que ce ratio soit plus souple afin que les banques puissent emprunter encore davantage, jusqu’à 33/1.
That was nuts!
Les banques signent des contrats d’assurance en cas de défaut de paiement et peuvent même investir dans des contrats pour des CDO qu’elles ne possèdent pas. Au passage, les compagnies d’assurance s’octroient d’énormes bonus. Certains auditeurs et financiers manifestent quelques inquiétudes. Rien n’arrête la machine.
Banking became a pissing contest.
Les dealers se frottent les mains, les escorts en profitent, pendant que les agences de notation continuent de cautionner.
3 – LA CRISE
La crise finit par frapper. Les ménages n’arrivent plus à rembourser leurs emprunts. Les dominos tombent. Un collège de patrons se rencontre pour essayer de sauver le soldat Lehman. L’administration apathique ne prévient pas les autres gouvernements qui sont pris par surprise. La secousse est mondiale.
It was like a cardiac arrest of the global financial system.
George W Bush signe un plan de sauvetage de $700 milliards qui ne permet pas d’éviter une récession mondiale. GM et Chrysler sont au bord de la banqueroute. Dix millions travailleurs immigrés y perdent leur job.
At the end of the day, the poorest always has to pay the most. (cf Cleveland contre Wall Street)
4 – LA RESPONSABILITÉ
Les patrons sont entendus par les membres du congrès. Ils ont accumulé des profits colossaux sans être inquiétés. Mieux, il reçoivent des compensations astronomiques. On leur propose des postes de consultants. Ils occupent toujours des sièges au conseil d’administration des principales banques, en compagnies de professeurs d’économie célèbres qui consultent par ailleurs pour d’autres institutions financières.
5 – OÙ EN SOMMES NOUS?
Les usines ferment et délocalisent (cf The American Factory). Restent sur le sol national quelques compagnies américaines comme Google, Apple ou Intel où les jobs requièrent des diplômes qu’on obtient dans des universités qui deviennent de plus en plus hors de portée des couches populaires (cf Varsity Blues).
Comme d’habitude, les décisions fiscales ont profité aux plus riches. Les inégalités sont plus importantes aux États-Unis que dans n’importe quel autre pays développé.
For the first time in history, average Americans have less education and are less prosperous than their parents.
Obama a fait campagne contre la finance en promettant des réformes pour changer la culture de Wall Street. Les mêmes personnes sont pourtant toujours aux postes clé. Immuables.
It’s a Wall Street Government.
L’EXPLICATION
Inside Job, c’est le ver dans le fruit.
D’abord il y a la permission du ver dans le fruit en décidant de créer un système dérégulé qui équivaut à se permettre de faire tout est n’importe quoi. Il est permis de jouer avec les allumettes. Cela donne un pouvoir énorme aux banques qui se transforment en casinos où les traders sont excités par la possibilité de faire de l’argent facile (cf The Wolf of Wall Street).
La dérégulation change la face de l’économie. Elle permet de dégager du profit sur du vent. C’est un monde dans lequel les baratineurs sont rois.
Why should a financial engineer be paid four times to 100 times more than a real engineer? A real engineer build bridges, a financial engineer build dreams.
Le ver en question est donc un baratineur hors pair, jeune, plus ambitieux que sage et dont l’appétit n’a absolument aucune limite.
They don’t want to own one home, they want to own five homes!
Il n’a pas de garde fous. Plus ce ver grignote et plus il grandit bien sûr. On gagne d’autant plus d’argent qu’on prend des risques – dont on n’a pas à payer pour les conséquences. C’est à dire qu’on peut gagner gros, sans se soucier des pertes. Les patrons ont un ascenseur privé qui les coupe de leurs employés. Ce système n’est plus dans la réalité.
You’re gonna make an extra $2 million a year, or $10 million a year for putting your financial institution at risk. Someone else pays the bill, you don’t. Would you make that bet? Most people on Wall Street said, ‘Sure, I’d make that bet.’
Cette pomme est vraiment pourrie de l’intérieur : son mode de fonctionnement est consanguin. Tout le monde se connait. Personne n’a d’intérêt à ce que le système s’arrête.
I think it’s fair to say that the financial markets are extremely complicated.
La corruption se retrouve jusqu’aux pépins, à l’école, où les professeurs sont payés pour prêcher la parole libérale.
The financial industry also exerts its influence in a more subtle way, one that most Americans don’t know about: It has corrupted the study of economics itself.
La régulation parait incontournable.
This crisis was not an accident. It was caused by an out of control industry.
Les dirigeants enivrés de libéralisme ont mis en veilleuse leurs exigences morales, n’ayant pas peur des conflits d’intérêt, négligeant leurs responsabilités et continuent malgré tout de dicter leur loi depuis des années. Réforme. Privatisation. Sans discuter. On ne pose pas de question.
Marcher droit.
Les visages changent, l’idéologie reste la même.
Une véritable association de malfaiteurs.
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