BIG EYES

BIG EYES

Tim Burton, 2014

LE COMMENTAIRE

Le travail et son auteur sont à jamais indissociables. L’artiste laisse une partie de soi dans chacune de ses oeuvres (cf Birdman). On peut faire les gros yeux, ou le dos rond, c’est une réalité. Les livres de Stephen King reflètent son caractère angoissé. Les chansons de Nina ou de Amy n’ont rien à voir avec celles de Zaz, avec tout le respect qu’on lui doit.

LE PITCH

Une artiste talentueuse travaille dans l’ombre de son mari.

LE RÉSUMÉ

Margaret Ulbrich (Amy Adams) plaque son mari et emmène sa fille en Californie. Elle y trouve un petit travail dans une usine de meubles, ce qui lui permet de gagner sa vie tout en gardant la main. Car sa véritable passion, c’est le dessin. Margaret fait des croquis d’enfants aux yeux disproportionnés.

Sur les marchés où elle vend ses oeuvres pour une bouchée de pain, elle fait la connaissance de Walter Keane (Christoph Waltz) dont elle tombe amoureux. Il dessine des paysages parisiens qui se vendent mal. Mais il est un marchand de tapis.

Il convainc Margaret de l’épouser, afin qu’elle puisse obtenir la garde de Jane (Madeleine Arthur). Puis il obtient d’Enrico Banducci (Jon Polito) d’exposer les toiles du couple dans son club de jazz.

Les toiles de Margaret se font remarquer. Les curieux se renseignent…

Who’s the artist?

Walter est le premier à dégainer. Il s’approprie le travail de sa femme et s’attire toute la gloire (cf Le Prestige). Margaret n’est pas très à l’aise avec ce mode de fonctionnement. Mais les affaires fonctionnent sur ce modèle, alors après tout pourquoi pas?

Walter ouvre une galerie d’art à son nom, en face de celle de Ruben (Jason Schwartzman) qui ne croyait pas en son travail. Revanchard.

Puis Walter a l’idée de génie de vendre des flyers bons marchés plutôt que des tableaux très cher.

Would you rather sell one 500$ painting or a million cheaply produced posters?

Les Big Eyes de sa femme se démocratisent au point qu’on en trouve dans toutes les vitrines. Ce qui ne plait pas forcément à Margaret qui voit son travail détourné. Leur conception de l’art est radicalement opposée.

People buy art because it touches them.

People buy art because it’s at the right place, at the right time.

Pire, elle découvre par hasard que son soit-disant artiste de mari n’est en fait qu’un menteur. Il n’a jamais rien peint de sa vie. Ses paysages sont en fait les toiles d’un dénommé S. Cenic.

Walter devient violent. Il menace sa femme. Si Margaret parle, c’est tout l’empire qui s’effondre. Le mari fait du chantage émotionnel. Il l’oblige à peindre une fresque immense pour la foire internationale de New York. Cette exposition devrait être un triomphe. Elle est ruinée par la critique de John Canaday (Terence Stamp).

What are you afraid of?? Just because people like my work that automatically means it’s bad?!

No. But It doesn’t make it art either. Art should elevate. Not pander.

Fou de rage, Walter l’agresse. C’est le début de la fin.

Margaret réclame le divorce et part à Hawaii avec Jane. Walter consent à son départ si elle lui fournit une centaines de tableaux.

Convaincue par les vertus de l’honnêteté par des Témoins de Jéhovah – ce qui est au passage assez ironique – Margaret vide son sac sur une radio locale. Le séisme est énorme. Le journaliste Dick Nolan (Danny Huston) regrette que cette nouvelle lui soit passée sous le nez.

Au tribunal, Keane assure sa propre défense. Il prétend avoir une inflammation à l’épaule pour se soustraire à un exercice visant à prouver une fois pour toute qui de Walter ou Margaret est l’auteur des Big Eyes. Elle remporte le procès, naturellement. Pour l’honneur.

Walter n’a plus jamais rien produit depuis sa débâcle. Assez parlé de lui.

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L’EXPLICATION

Big Eyes, c’est la femme qui se libère enfin de son boulet.

À l’origine on trouve une femme fragile, qui sort péniblement d’une relation orageuse et qui a besoin d’un peu de calme dans sa vie. Elle est talentueuse. Malheureusement, elle doute peut-être un peu d’elle-même. Un homme exploite aussitôt cette faiblesse pour prendre le pouvoir (cf 10 Cloverfield Lane). Le vicieux renard séduit sa proie en lui tenant exactement le discours qu’elle a besoin d’entendre.

You’re better than spare change, you should not sell yourself that cheap. (…) Dont knock your work. You have an amazing talent, you can paint people. I can only paint things.

Les apparences sont trompeuses (cf Zootopia). Sous ses airs sympathiques, Walter n’est rien d’autre qu’un petit égoïste médiocre qui tire la couverture à lui dès qu’il en a l’occasion (cf Annette). Pas facile d’accepter que le travail de sa femme plaise plus que le sien. Il faut ravaler son ego. C’est impossible pour ce charlatan.

Non seulement il prend toute la lumière mais il éclipse totalement sa femme, qu’il relègue dans son atelier, au grenier. Il la contraint même à mentir à sa propre fille. Walter détruit l’identité de sa femme. Il l’a avalée, en continuant de mentir puisque cette fusion ne fait que servir ses propres intérêts personnels.

From now on we’re one and the same.

Il est seul sur scène et prend les décisions seul. Les mauvaises décisions. Sa femme s’est muée en une employée qu’il exploite sans complexe. Le succès commercial devient une bonne excuse pour balayer toute considération éthique.

Why are you lying? You were stealing credits from something that is not yours.

Your pockets… my pockets… what’s the difference?

En réalité, Walter a absolument tout détruit : la confiance, l’honnêteté, la vérité. Tout a disparu par sa faute. Il a verrouillé sa femme, rongée par les scrupules de ne pas être une assez bonne mère ou une commerciale convaincante. La vie est une bataille permanente et Margaret a accepté l’idée qu’on puisse lui passer devant. Elle se fait marcher dessus. La domination de Walter est toute puissante. Il a gagné en la flattant, tout en la persuadant que dans le fond, elle ne valait rien. L’inception a fonctionné.

It was like loosing a child but i was weak.

Trop de femmes ont ainsi subi la loi des hommes dans leur dos (cf Ce que veulent les femmes).

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Margaret parvient d’abord à s’arracher des griffes de son tortionnaire. C’est la première étape vers l’acceptation qu’un autre monde est possible (cf La Ligne Rouge). À Hawaii, elle reprend confiance. Sa fille sait depuis longtemps que Keane veut dire Margaret et pas Walter. Désormais le monde a le droit de savoir. Plus besoin de se cacher. Hawaii n’est pas un exil, plutôt une île qui va lui permettre de rebondir et prendre son envol.

Il faut du courage à Margaret pour affronter le pervers narcissique, sans avoir le pinceau qui tremble devant le jury. La victoire de Margaret est celle de la sensibilité artistique sur le commerce. C’est la libération de la femme. Totale.

Et tant pis si son travail ne plait pas aux critiques d’art, au moins c’est le sien. Toutes ces années de douleur pour enfin pouvoir apprécier la vie pleinement. Se donner la chance de pouvoir se regarder les yeux dans les yeux.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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