MADE YOU LOOK : A TRUE STORY ABOUT FAKE ART
Barry Avrich, 2020
LE COMMENTAIRE
En 2013, Banksy a réalisé une vente en toute discrétion à Central Park, où personne ne l’a remarquée. Le street-artiste a empoché quelques centaines de dollars à peine alors que ses oeuvres étaient pourtant estimées à plus de USD 20.000 chacune. Son intention était de faire de l’art sans prix, dénoncer la spéculation et se moquer de toutes celles et ceux qui gravitent dans ce milieu (cf Steak). Secouer les consciences (cf The Square).
LE PITCH
Une galeriste respectée se retrouve dans l’oeil du cyclone.
LE RÉSUMÉ
Ann Freedman est une professionnelle reconnue à New York. Elle travaille pour la célèbre Knoedler Gallery qui a survécu à la Guerre de Sécession, deux Guerres Mondiales et qui a vendu des oeuvres au prestigieux MET ainsi qu’au Louvre. Rachetée par le philanthrope Armand Hammer, gérée depuis par Michael Hammer, père de l’acteur Armie Hammer (cf Call me by your name).
Ann Freedman est mise en relation avec Glafira Rosales au sujet d’une peinture originale de Rothko. Magnifique. Rare.
This is a discovery!
Le travail d’identification commence.
Of course, we inquired about them.
La provenance n’est pas claire mais l’histoire semble plausible. À l’époque, les artistes du courant expressionniste abstrait vendaient leurs tableaux pour une bouchée de pain.
Artists were starving.
La galerie trouve un acquéreur puis se procure d’autres toiles, toujours par l’intermédiaire de Glafira Rosales. Jack Levy achète une peinture de Pollock pour USD 2M mais réclame une évaluation de l’IFAR. La conclusion est sans appel : le tableau est un faux. Levy est remboursé. Affaire classée.
Pas tout à fait.
Plutôt que de mener une contre-expertise, Knoedler remet aussitôt la peinture en vente… pour USD 11M! Ann Freedman s’explique :
I certainly felt as time went on, and it’s a fact, Pollock’s market went up. So one could ask more for it.
De plus en plus d’experts s’inquiètent de la provenance d’autres oeuvres proposées par Knoedler. Ann Freedman fait front.
I did not knowingly sell fakes.
L’histoire de Glafira Rosales s’effrite. Partenaire de Jose Carlos Bergantinos Diaz, escroc notoire (cf Big Eyes), elle se procurait des faux tableaux réalisés par un peintre Chinois. Tellement vrais qu’ils ont trompé les héritiers de Rothko eux-mêmes.
Les propriétaires se retournent contre la galerie qui se voit contraint de fermer ses portes. Au total, Knoedler aurait vendu pour plus de USD 80M de faux tableaux.
Neuf poursuites sur dix se soldent par un arrangement. Cependant Domenico De Sole, patron de Sotheby’s, est le seul à ne pas abandonner les poursuites – par principe.
Who are you to be messing with me?
Au tribunal, il s’agit de déterminer la responsabilité de Ann Freedman. Était-elle dans la combine ou simplement incompétente ? L’audience est finalement levée avant que la sentence ne soit prononcée et que Michael Hammer ne soit cité à comparaitre.
Ann Freedman n’est pas inquiétée. Au contraire de Glafira Rosales, reconnue comme la seule coupable. Sa peine de prison purgée, elle travaille désormais comme serveuse à Brooklyn.
Pendant le tournage, un atelier a été découvert à Shenzen où d’autres peintres Chinois produisent de faux tableaux plus vrais que nature pour des collectionneurs…
I think it’s opened up the art world to a new perception and a new scrutiny about how does one actually authenticate any of these artworks? And is the art world really doing what it should do to find that out?
L’EXPLICATION
Made you look, c’est une petite escroquerie entre amis.
Si le monde est petit, alors le monde de l’art l’est encore davantage. Un tout petit monde où chacun s’est déjà croisé à un vernissage, ou presque. Des experts déterminent la valeur d’une peinture et des personnes très riches dépensent des fortunes pour se la procurer, en espérant que l’oeuvre prenne encore de la valeur avec le temps.
Entendons nous bien : les philanthropes sont avant tout guidés par l’amour du beau, plus que par le profit. Si d’aventure ils cherchaient à gagner de l’argent, on ne saurait leur en faire le reproche. Après tout, investir sur des artistes reste toujours plus noble que de financer le business des armes à feu (cf Lord of War).
Avant d’acheter le beau, les philanthropes doivent s’assurer d’acheter l’authenticité.
Le milieu de l’art est rempli de personnes illustres – pas toujours forcément expertes en la matière (cf Treasures from the wreck of the Unbelievable).
They were all sophisticated people.
Un milieu de pseudo-initié·es n’ayant qu’une angoisse : être tourné· en ridicule. Bien qu’ils n’aient pas peur du ridicule en soi : Pendant le procès, l’auditoire a ainsi passé de longues minutes à débattre de la supposée disposition de la copie de Rothko sans réussir à trancher. Était-elle à l’endroit ou à l’envers ?
It was one of those really funny modern art moments where : is this painting upside down?
Au sein de ce milieu, Ann Freedman prétend trouver une aubaine et connaît surtout de nombreux pigeons. Elle prend soin de s’appuyer sur l’éco-système, car elle n’est pas la seule experte à se prononcer sur l’authenticité de la pièce. Ils sont nombreux à cautionner la plaisanterie.
You rely on the museum and the whole infrastructure that would have vetted that painting.
Si ces pièces s’avéraient vraies, elles pourraient profiter à beaucoup de monde.
It was better for everybody if they were real.
Inversement, si Ann venait à être accusée d’être dans la combine, alors beaucoup de monde serait potentiellement dans l’embarras. Beaucoup devraient logiquement tomber avec elle. Tout ce petit monde est donc pris à son propre jeu, piégé par de vulgaires Mexicains et Chinois. La honte.
It’s embarrassing…
La ligne de défense de Ann Freedman est celui de Richard Virenque : trompée à l’insu de son plein gré. Préférant passer pour une parfaite incompétente plutôt qu’une voleuse.
Either she was complicit in it, or she was one of the stupidest people to have ever worked at an art gallery.
Elle joue la pauvre victime imbécile qui s’est faite tromper alors que les autres nient tout en bloc, pour sauver les apparences.
I’m surprised that nobody has acknowledged they made an error.
Ann Freedman était très certainement au courant. Grâce à ces ventes, elle a encaissé USD 10M de commissions. Sans scrupule, elle préfère perdre la face plutôt que d’aller en prison. Ce qui ne l’empêche même pas continuer à exercer aujourd’hui.
Sa réputation était ce qu’elle avait de plus importante. Bien que salie, des clients lui achètent toujours des oeuvres d’art. En confiance.
I’ll do what I need to do to earn people’s trust.
Remboursement pour les acheteurs.
Prison pour la Mexicaine.
Seul l’ego de Domenico De Sole ne trouve pas de réparation.
La vie continue.
Pas de doute, on sait régler ce genre de malentendus entre gens de bonne compagnie (cf Inside Job).
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