PRECIOUS
Lee Daniels, 2009
LE COMMENTAIRE
On dit que les usagers des transports en commun font la gueule. Il faut dire qu’ils ont toutes les raisons du monde pour la faire. Un temps de chien. Des collègues insupportables à l’école ou au travail, pour ceux qui ont la chance d’en avoir un. Les autres reportent leur haine sur leur conseiller Pôle Emploi (cf La Loi du marché). Tant et si bien que lorsqu’on regarde à travers la fenêtre de son bus, on se dit presque qu’on préférerait mieux être sous terre. Dans le métro.
LE PITCH
Une jeune New-Yorkaise essaie de reprendre sa vie depuis le début.
LE RÉSUMÉ
Claireece Precious Jones (Gabourey Sidibe) est une jeune maman de 16 ans qui vit avec sa mère Mary (Mo’Nique). À la découverte de sa nouvelle grossesse, Precious est réorientée vers Each One Teach One, une école alternative qui devrait mieux lui correspondre.
Personne ne sait que Precious a été régulièrement violée et que le père de ses deux enfants est son propre père. Personne d’autre que sa mère qui la jalouse et la bat régulièrement.
You’re a dummy, bitch, you will never know shit.
Alors pour fuir ce cauchemar, l’adolescente s’imagine une autre vie faite de paillettes. Quand elle n’est pas rattrapée par des visions de vampires le soir.
They come at night, they tell me I’m one of them.
Dans sa nouvelle classe, Precious se retrouve au milieu de quelques mauvaises herbes, comme elle. Blu Rain (Paula Patton), sa nouvelle professeure, va l’aider à chasser ses idées noires et revenir sur terre, parmi les vivants.
How does it make you feel?
It makes me feel here.
À l’hôpital, Precious sympathise avec l’infirmier John McFadden (Lenny Kravitz). Après la naissance d’Abdul, la jeune fille se dispute violemment avec sa mère puis quitte l’appartement. Blu Rain et sa compagne accueillent la fugueuse.
Mary souhaite revoir sa fille pour l’informer du décès de son père, mort du SIDA (cf 120 battements par minute). Par miracle, Mary n’est pas infectée par le VIH. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de Precious.
Love ain’t done nothin for me, love beat me, love raped me. Called me an animal. Made me feel worthless. Made me sick.
Blu Rain va l’aider à voir le bon côté des choses. Lors d’un entretien avec Miss Weiss (Mariah Carey), son assistante sociale, Precious peut dire ses quatre vérités à sa mère.
You know to this day, I never even knew who you was, not even after all them things you did. Maybe I was too stupid, maybe I just didn’t want to. You ain’t gonna see me no more.
Plus légère et son GED en poche, Precious va essayer de continuer à vivre – pour ses enfants.
L’EXPLICATION
Precious, c’est la vie.
De nombreux philosophes français ont chanté la vie.
Alain Souchon : La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie.
S’inspirant d’André Malraux, un autre philosophe, qui disait qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut la vie. Pas tout à fait pareil.
Stomy Bugsy : La vie c’est comme ça. On n’a pas tout c’qu’on veut mon gars.
Michel Delpech : Si moche soit la vie, c’est un joli combat.
Renaud Séchan : Il faut aimer la vie et l’aimer même si le temps est assassin et emmène avec lui le rire des enfants.
Serge Gainsbourg qui aurait bien aimé être autrement mais qui ne voyait pas comment : C’est la vie qui veut ça, c’est pas moi.
Johnny Hallyday : La vie sépare tous ceux qui s’aiment.
On aura compris. C’est pas drôle. La vie nous écrase. Tous ces penseurs ont exprimé l’idée selon laquelle l’existence ne serait pas une partie de plaisirs, à des degrés divers.
Il est de fait que Miss Weiss et Blu Rain sont régulièrement exposées à la misère du monde et font du mieux qu’elles peuvent pour l’atténuer (cf Biutiful). Pourtant, chaque jour elles doivent composer avec de nouvelles accidentées de la vie. Pas facile de rentrer chez soi et de se marrer.
Mary non plus n’a pas du apprécier que son mari exprime des velléités incestueuses envers sa fille.
I wanted him to make love to me. That was my man, that was my fuckin’ man, that was my man, and he wanted my daughter. And that’s why I hated her. Because my man who was supposed to be loving me, who was supposed to be making love to me was fucking my baby.
On pourrait presque avoir envie d’excuser cet égoïsme.
La vie de Precious n’est pas triste non plus. Analphabète, battue par sa mère parce qu’elle est violée par son père, qui l’a mise enceinte à deux reprises et qui lui a transmis le VIH. Ajoutons à cela des gènes empoisonnés par KFC et qui l’ont rendue obèse morbide (cf Super Size Me). On comprend qu’elle puisse en avoir marre.
I’m tired!
Sans blague.
La vie n’est pas une partie de plaisirs mais il faut malgré tout continuer d’en jouer son jeu. Parce qu’on peut toujours découvrir de jolies choses en soi, comme le pense Blu Rain.
Everybody’s good at something.
C’est ainsi qu’on prend conscience du rôle que nous avons à jouer dans cette comédie. La vie ne nous écrase plus quand nous trouvons des qualités que nous pouvons mettre au service d’autrui. Car la vie vaut la peine d’être vécue – pour les autres (cf Demain tout commence).
Some folks got a light around them that shine for other peoples. I think that maybe some of them was in tunnels, and in that tunnel, maybe the only light they had was inside of them. And then, even long after they escaped that tunnel (cf Les Évadés)… They still be shining for everybody else.
Voir le bout du tunnel. Attendre l’éclaircie. Une étincelle, aller vers elle.
Comme disent les Chinois : il ne pleut pas tous les jours.
The other day, I cried. But you know what? Fuck that day. That’s why God, or whoever, makes other days.
Alors on fait un jour après l’autre. Une lettre après l’autre. En essayant de garder la foi.
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