PLAYTIME

PLAYTIME

Jacques Tati, 1967

LE COMMENTAIRE

Au regretté temps du plein emploi de la fin des années Soixante, on peut dire que personne ne chômait dans son box. Le patron veillait à ce que les employés filent doux. Avec une telle organisation du travail, on se préparait sans le savoir un futur drôlement rigolo dans lequel les collaborateurs allaient devenir des matricules et où ils feraient des burn out à la chaîne (cf Brazil).

LE PITCH

Le Paris des Trente Glorieuses est en train de se transformer.

LE RÉSUMÉ

Un président, des touristes américaines… Tout le monde débarque à l’aéroport dans une sorte de chorégraphie joyeuse.

Dans un immeuble qui pourrait se trouver vers Courbevoie, M. Hulot (Jacques Tati) attend calmement son rendez-vous. Finalement la personne qui devait le recevoir est trop occupée. Il finit par hasard dans l’immeuble voisin accueillant une foire-expo avec des innovations aussi radicales que des lunettes féminines facilitant le maquillage, un balais muni de phares, des poubelles en forme de colonnes Grecques ou des portes qui claquent sans faire de bruit. Le futur!

La nuit venue, M. Hulot aperçoit un ancien camarade de promotion à l’armée qui l’invite dans son appartement ultra sophistiqué. Après cette visite, M. Hulot est attiré au Royal Garden par un entrepreneur allemand qu’il a rencontré un peu plus tôt sur le salon. C’est l’inauguration de ce restaurant grand chic. L’architecte est à pied d’oeuvre. Cependant rien ne semble prêt. Les dalles se décollent et l’air conditionné ne fonctionne pas.

Ce qui n’empêche pas les clients d’affluer. Le Chef est dépassé.

Nous avions 50 couverts, nous en avons 120. Je ne sais plus quoi faire… 

La fête continue de battre son plein malgré tout, sous l’impulsion d’un riche client américain qui assure l’ambiance.

Join the party!!

Au petit matin, tout le monde finit au drugstore en compagnie des ouvriers qui commencent leur journée.

Le bus attend ses touristes. Les Américaines doivent s’en aller. M.Hulot a tout juste le temps d’offrir un petit souvenir de Paris à Barbara (Barbara Dennek) avant qu’elle ne reparte pour Orly.

paris

L’EXPLICATION

Playtime, c’est une dénonciation de l’Américanisation de la société Française.

Après la deuxième Guerre mondiale, la France est un pays à l’arrêt. Libéré puis biberonné par les États-Unis Hollywood chewing-gum. Mis sous tutelle Américaine. Sans l’argent injecté par le plan Marshall, il est certain que l’économie française n’aurait jamais pu reprendre. En tout cas, pas de manière aussi dynamique.

Car vingt ans plus tard, il est vrai que la capitale s’est refait une santé. Son aéroport permet le transit d’un volume important de voyageurs, favorisant ainsi les échanges et donc le commerce. Paris devient une plaque tournante du tourisme international. Elle attire des Américains qui s’y sentent comme chez eux.

I’m feeling home everywhere I go!

En plus des touristes, les hommes d’affaires affluent. C’est bon pour le business. Les bureaux sont fonctionnels et les salons permettent aux exposants de mettre en valeur leurs marques, ainsi que leurs produits disruptifs. Nul doute que la ménagère sera contente de pouvoir balayer en lumière. Le chef d’entreprise quant à lui sera ravi de refermer la porte de son bureau sans bruit avant de pouvoir abuser de sa secrétaire (cf Promotion Canapé). Efficace et discret.

Sur le plan architectural, Paris a réalisé un lifting grâce à la construction d’immeubles massifs, dans des quartiers périphériques, loin du centre historique et de ses monuments éternels. Dotés des toutes dernières technologies, pas toujours faciles à apprivoiser.

Tout ce truc électronique, il faut s’y connaître…!

Les appartements Haussmaniens ont été abandonnés au profit de logements modernes dotés de tout le confort, comme la TV.

Les grands restaurants se sont mis à la page. On n’y propose plus une cuisine traditionnelle (cf L’aile ou la cuisse). Au contraire, le Royal Garden mise plutôt sur le show. Les clients sont là pour passer un bon moment, pas seulement pour manger. On les remercie les invités.

Thank you very much. Merci beaucoup et bonne soirée!

M.Hulot y va même de son petit cadeau. Plaisir d’offrir.

Le bus peut repartir, rempli d’Américaines comblée, le tout dans un concert de klaxons indiquant que la vie a bien repris dans l’Hexagone.

concerto

Qu’on se le dise : c’était cela… ou l’URSS. Alors oui, nous pouvons nous estimer heureux d’avoir fait le choix du whisky plutôt que de la vodka. Cela ne doit pas nous empêcher de rester critique, honorant l’une des dernières traditions françaises. On peut être reconnaissant et garder les yeux ouverts quand même!

Grâce aux dollars, la société s’est indéniablement remise en marche. Pour autant, la France s’est prise dans la toile du libéralisme Américain en étant victime d’un procédé d’uniformisation : tous les bâtiments se ressemblent désormais en Europe, qu’on soit à Londres, Stockholm ou Paris. À l’agence de voyage on peut choisir sa destination mais il n’y a plus de pays sur la carte. La civilisation Grecque sert désormais de poubelle.

Le ciel, les immeubles, les vêtements, les gens à l’intérieur… tout est devenu gris.

On court dans tous les sens. Sans prendre le temps ni s’excuser de ne pas honorer ses rendez-vous.

La ville est déjà polluée. Les nombreuses voitures annoncent déjà le cirque qu’allait devenir la circulation francilienne.

La vie privée est un principe fondamental du libéralisme et pourtant les baies vitrées des appartement empêchent toute forme d’intimité.

Dans la rue, on vent le Herald Tribune.

La Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe et le Sacré Coeur ne se voient plus que dans le reflet des vitrines.

On ne parlera ni d’absence de mixité, ni d’absence de parité.

Au Royal Garden, le néon clignote mais en cuisine, ça ne suit pas. Les patrons jouent les tyrans envers le personnel :

Vous n’avez rien à faire ? Vous ne voyez pas qu’il y a des clients qui attendent ??

On s’active pour satisfaire ces touristes qui n’ont même pas enlevé l’étiquette de prix sur leurs manteaux. Malgré tout, le service n’est pas au niveau. Sauf peut-être les chaises qui impriment discrètement le logo aux dos des clients rois.

Tout cela sous la baguette de ce richissime Américain qui bouleverse tous les plans grâce à ses billets verts. Un impérialiste que les classes populaires ne portent pas vraiment dans leur coeur.

Toi l’Américain, si tu veux monter sur l’échelle tu feras mon boulot!

Au petit matin, il s’est bien amusé. Il peut s’éclipser et reprendre un avion pour New York. Tout va bien. Playtime dans cet état vassal qu’est devenu la France.

Sans aller aussi loin que de regretter la douce France, cher pays de l’enfance de Charles Trenet, on peut quand même se demander ce que nous avons fait de nos camemberts et autres saucissons.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

2 commentaires

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