PEUR SUR LA VILLE

PEUR SUR LA VILLE

Henri Verneuil, 1975

LE COMMENTAIRE

La peur s’abat en général sur une ville lorsque qu’elle est plongée malgré elle dans le chaos. Rien à voir avec les embouteillages, qui sont une forme de chaos urbain tout à fait acceptable. Par contre, lorsque les gendarmes commencent à grimper aux toits pour attraper les voleurs, alors rien ne va plus.

LE PITCH

Un serial killer tue des Parisiennes. Le commissaire mène l’enquête…

LE RÉSUMÉ

Nora Elmer (Lea Massari) est harcelée au téléphone par un homme qui menace de lui rendre visite dans son appartement de Courbevoie. Sur un bête malentendu, elle se retrouve victime d’un malaise cardiaque et tombe de son 17e étage depuis sa fenêtre qui était restée bêtement ouverte. Le commissaire Letellier (Jean-Paul Belmondo) est envoyé sur les lieux pour constater le drame avec tout le cynisme qui le caractérise.

Quel beau métier que le nôtre : les gens sautent, on les ramasse… c’est chouette non?

Muté à la criminelle après un imbroglio qui a coûté la vie d’un de ses collègues, Letellier se verrait plutôt aux trousses de son ennemi juré, Marcucci (Giovanni Cianfriglia). Au lieu de cela, il doit se contenter de retrouver celui qui se fait appeler Minos en référence à la Divine Comédie et qui s’est mis en tête d’assassiner des femmes. Le message qu’il adresse à la police est sans ambiguïté.

Ce soir, justice est faite. (…) C’était une ignoble salope qui salissait même le deuil le plus sacré. Je serais désormais le bras d’une justice qui condamnera et exécutera sans pitié toutes celles qui se vautreront dans cette immense boue sexuelle qui submerge le monde.

Germaine Doizon (Rosy Varte) se rajoute à la liste des victimes, puis l’infirmière Hélène Grammont (Catherine Morin) étranglée à son tour sur son lieu de travail par son collègue Pierre Valdeck (Adalberto Maria Merli), alias Minos. L’actrice X Pamela Sweet (Germana Carnacina) est la prochaine sur sa liste.

Sur une radio nationale, le professeur Lipstein (Roland Dubillard) s’en donne à coeur joie sur le profil psychologique de Minos.

Il a douze ans, ses organes ont atteint une capacité de fonctionnement avec une éclosion totale du désir. Et bien c’est à ce moment là qu’on dresse devant lui une barricade de notions telles que l’indécence, la honte, la censure, le pêché, l’enfer, la punition, la réprobation morale etc. Ce sont des notions que nous avons inventé de toute pièce pour créer justement chez lui ce refoulement sexuel.

Letellier préfère l’action au bavardage. Il intervient pour neutraliser le contrevenant – et en profiter pour lui coller une bonne raclée. Letellier est finalement félicité par son patron, le commissaire divisionnaire Jean Sabin (Jean Martin), avec lequel les rapports n’ont pourtant pas toujours été tendres.

Bravo! C’est formidable d’avoir réussi ça.

Non… il suffit d’avoir une petite tronche et des gros bras!

L’EXPLICATION

Peur sur la ville, c’est donner les pleins pouvoir à la police.

Le premier choc pétrolier de 1973 servit d’électrochoc à la France pour sortir de ses Trente Glorieuses. Fini le plein emploi (cf La Zizanie), la rigolade et surtout fini Mai 68! Le gouvernement de Giscard d’Estaing entend bien donner un sérieux tour de vis dans le but de dissiper les restes de l’esprit contestataire de la décennie précédente. Ras le bol de ces étudiants qui traitent les policiers de SS! On aurait bien voulu voir ces idéalistes face aux vrais membres des escadrons de protection… Nan mais ho!

Et puis d’abord qu’est-ce que nous a apporté la révolution sexuelle sinon des femmes libérées d’un côté, et de l’autre des frustrés comme Pierre Valdeck – par ailleurs très apprécié de sa maman.

C’était un enfant très doux, très gentil… 

Pendant que les femmes s’amusent…

Vous me pardonnerez ma franchise, mais je m’envoie en l’air de temps en temps. Et j’aime ça.

Les psychopathes aiguisent leurs couteaux.

Il est grand temps de remettre de l’ordre dans le pays. Le gouvernement exploite la peur qu’inspire Minos. Le mythe est achevé par les médias. Ce qui va permettre de donner carte blanche à Letellier, une sorte de tête brûlée dont les états de service ne sont pas sans reproche (cf Insomnia), pour faire des cascades dans Paris. Le commissaire est fort en gueule. Son ego est surdimensionné. Il se croit au dessus des lois qu’il est censé défendre.

Dis lui qu’j’m’en fous…

Il est vulgaire.

Avec l’inspecteur principale Charles Moissac (Charles Denner), il débarque chez les suspects par la fenêtre sans mandat, puis fume à leur domicile sans leur demander la permission. Les deux hommes font poireauter leur victime sur le point de mourir de façon à lui soutirer des informations. On pourrait appeler cela de la torture – pour les besoins de l’enquête.

En tout cas, les chiens sont lâchés! Letellier semble tout savoir sur tout.

Ceux qui en général écrivent aux journaux ou nous téléphonent sont pas bien méchants. C’est pas bien méchant tout ça…

Sa conception de la galanterie est toute personnelle.

Vous savez tout à l’heure quand je vous ai traitée de conne, je le pensais pas vraiment.

Il est presque sur le point de coucher avec la femme dont il est censé assurer la protection, avant de la laisser retourner au travail où elle se fera assassiner bêtement.

Aucune remise en question, à aucun moment. Les féminicides (cf Sueurs froides), ne sont pas son problème. Tout ce qui compte pour lui, c’est de pouvoir jouer aux cow-boys dans les rues de Paris.

Son supérieur essaie de lui enseigner quand même quelques rudiments de discipline.

On ne fait pas toujours ce qu’on aime…

Il n’hésite pas à recadrer le jeune loup quand c’est nécessaire. Il faut dire que les cadres de la police de l’époque savaient encore réfléchir.

Vous ne trouvez pas que vous en faites un peu trop dans le style petite tronche et gros bras rien dans la tête tout dans les muscles?

Sabin cherche à ce que son pure sang apprenne les vertus de l’humilité et de la sagesse.

Vous n’imaginez pas le nombre d’affaires de police qui ont été résolues par des corvées de chiottes!

C’est peine perdue. Letellier sait qu’il peut tout faire. Il est le flic dont les médias raffolent déjà : belle gueule et un peu cabochard. Le candidat parfait. Il se moque des remerciements de sa hiérarchie. Vexé trop de fois par Sabin qu’il se permet de remettre en place, il s’en va fièrement. En partant, Letellier jette un dernier coup d’oeil vers le ciel. Sky is the limit.

Le personnage du flic est né. Rien ne l’arrêtera plus (cf Un pays qui se tient sage).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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