SUPERNOVA
Harry Macqueen, 2020
LE COMMENTAIRE
On commence par compter les moutons, le plus souvent au plafond, pour mieux s’endormir. Puis on regarde toujours le plafond, cette fois pour ne pas s’ennuyer à mourir. Enfin, on continue de fixer ce maudit plafond pour y voir les étoiles. Une manière de ne plus fermer l’oeil de la nuit au cas où ils viendraient à ne plus se ré-ouvrir.
LE PITCH
Un ultime voyage au bout duquel les routes se séparent.
LE RÉSUMÉ
Sam (Colin Firth) est pianiste. Tusker (Stanley Tucci) est romancier. Ils s’accompagnent depuis une vingtaine d’années. Ils se retrouvent dans leur camping car, avec leur chien, à sillonner les sentiers étroits du Nord Ouest de l’Angleterre.
Sam s’apprête à donner son tout dernier concert.
Tusker essaie de finir son livre, en dépit de sa démence (cf The Father).
Malgré son état qui empire, il a refusé de prendre ses pilules.
They remind me that I’m ill.
Sam prend autant soin de lui que possible sans pouvoir éviter les absences de Tusker. En chemin, les deux hommes s’arrêtent chez la soeur de Sam (Pippa Haywood) pour fêter son anniversaire. Tusker ne peut pas rendre hommage à son compagnon car il ne parvient pas à lire le message qu’il avait écrit – pour ne pas l’oublier.
So many people care about you, never forget that.
L’assistance retient ses larmes, fait mine de rien et se permet de suggérer des traitements à Tusker qui n’a absolument rien demandé.
You’re not suppose to mourn someone while they are still alive.
Sa disparition progressive pèse de tout son poids sur ce voyage. C’est un fait. Sam ne veut pas se cacher.
We need to plan.
Il tombe par hasard sur un message posthume, dans une boite contenant une fiole de Pentobarbital que Tusker compte prendre pour se suicider (cf Mar Adentro). Triste et furieux.
We’re going to pretend none of this ever happened!
Tusker cherche à trouver les mots pour lui expliquer sa décision.
This thing is taking me to a place where I dont want to go. (…) I want to be remember for who i was, not what im about to become. (…) No matter what happens, I dont want to lose control on my life.
Sam consent, à une condition : être à ses côtés.
Let me be with you.
Après la mort de Tusker, Sam joue le Salut d’Amour d’Edward Elgar avec délicatesse et dignité.
L’EXPLICATION
Supernova, c’est ne pas se quitter.
Alors que certains donneraient cher pour ne pas avoir à passer une minute de plus avec leur conjoint (cf Marriage Story), d’autres parviennent à surmonter la tempêtes des années. C’est le cas de Sam et Tusker qui forment un vieux couple. Des noces de porcelaine.
Leurs querelles de co-voiturage ou leur petite routine ne sauraient remettre en question leur amour, toujours plus fort avec le temps et que le temps s’apprête néanmoins à briser. Un voyage vers la fin.
We are not going back.
Les amoureux ont tendance à garder les yeux fermés pour ignorer la possibilité du pire. Ils souhaitent imaginer une éternelle lune de miel.
I wish this holiday wouldn’t end.
Sam et Tusker ont au contraire les yeux grand ouverts (cf Eyes Wide Shut). Ils savent à présent ce que trop de gens préfèrent refuser. La mort, la séparation et la solitude. Ainsi que la question troublante qui en découle : Comment survivre après avoir vécu heureux, à deux?
I dont want to be alone.
Sam affirme vouloir affronter cette épreuve avec courage. Les yeux dans les yeux. Encore une fois conscient que la suite sera dure. Il se veut prêt.
I have decided I’m strong enough.
Tusker en fait de même puisqu’il ne prend pas son traitement. Refus de tricher. Volonté d’être fort jusqu’au bout.
Cette volonté de ne pas refuser l’ineluctable cache cependant un autre refus : admettre qu’ils seront deux dans la séparation. Celui qui reste et celui qui part. La mort aussi se partage.
It’s not about me, it’s about us.
Sam veut être là tout le temps par égoïsme, parce qu’il a peur de perdre Tusker. En voulant le protéger, il l’étouffe.
I want to be with you every moment.
Il ne permet pas à son partenaire d’exister dans ce scenario. C’est pourquoi Tusker prépare une sortie discrète. Il veut s’éclipser car si le sujet n’est pas ignoré, il n’en reste pas moins tabou. On en parle mais on ne peut pas en parler.
We’re not having this conversation.
En préparant son suicide, il écarte volontairement Sam de sa vie.
Le couple ne veut pas se quitter. Paradoxalement il aborde cette étape de manière séparée.
La mort de Tusker sera tragique. Injuste pour l’un comme pour l’autre. Là n’est d’ailleurs pas la question.
It’s not about fair, it’s about love.
Ceux deux hommes ont une chance unique de pouvoir choisir non pas la fin, mais leur fin. S’ils s’aiment, ils doivent se retrouver durant cette épreuve et l’écrire ensemble.
Avoir l’intelligence de dépasser cette angoisse qui les conduit à penser pour l’autre. Quand ils pensent pour l’autre, ils pensent d’abord à eux-mêmes.
Libérer la parole (cf Three Billboards) pour exprimer leurs sentiments.
Sam doit accepter que le temps file et qu’il n’y aura pas d’arrêt de jeu. De son côté, Tusker sait que le temps lui est compté. Malgré tout il doit accepter qu’il lui en reste encore un peu et que ce temps est précieux pour Sam.
There’s always more time.
Et puis le temps se trompe parfois (cf Interstellar).
Sam doit accepter que Tusker puisse se sentir dans une position inconfortable. Qu’il n’a aucune envie de se voir amoindri.
I’m becoming a passenger.
Qu’au nom de leur amour, son souhait mérite d’être respecté.
Accepter que l’un puisse partir.
If you really love me, you have to let me go.
Accepter que l’autre puis rester sur le quai au moment du départ.
Envisager la situation différemment. Ces deux passionnés d’astronomie ont suffisamment de sensibilité pour regarder le ciel et apprécier sa magie. Si l’on considère que nous ne sommes que de la poussière d’étoiles, alors tout est possible.
We will not starve for lack of wonders but from lack of wonder.
Qu’est-ce qui nous dit qu’on ne se retrouvera pas un jour ?