LA GUERRE SELON CHARLIE WILSON
Mike Nichols, 2008
LE COMMENTAIRE
On peut tourner le même problème des centaines de fois dans sa tête et rester dans l’obscurité. Jusqu’à ce que la solution apparaisse soudainement d’elle-même. Ou peut-être n’est-ce qu’un écran de fumée ?
LE PITCH
Un parlementaire Texan terrasse l’Union Soviétique en Afghanistan.
LE RÉSUMÉ
Charlie Wilson (Tom Hanks) est un élu discret du Texas, bien connu pour son goût par la fête, les femmes et le single malt – sans parler de son influence dans l’obtention de crédit à la Défense.
I represent the only district in American that does not want anything. They want their guns, they want their low taxes, that’s it. I can do favors, I get to vote ‘yes’ a lot.
Malgré ses moeurs légères, il s’intéresse de près à la géopolitique. Depuis un jacuzzi de Vegas, en charmante compagnie, il est le témoin de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée Rouge.
Soucieux de lutter contre l’ennemi juré des États-Unis, il parvient à faire doubler le budget de la défense, à 10 millions de dollars. Ridicule aux yeux du Pakistan qui voit des milliers de réfugiés s’amasser à ses frontières alors que les Soviétiques violent, torturent, et tuent les civils Afghans.
Mis directement en relation avec le Président Pakistanais (Om Puri), par l’intermédiaire d’une amie milliardaire (Julia Roberts), Wilson va découvrir l’horreur des camps. Il veut jouer un rôle dans ce conflit.
Négociateur habile et lobbyiste hors-paire (cf Thank you for smoking), Wilson use de ses contacts pour créer une alliance improbable entre Israël, le Pakistan, l’Egypte et l’Arabie Saoudite afin de contrer les Soviétiques. Il parvient à débloquer un budget global d’un millard de dollars.
Guidé par les précieux conseils de l’agent secret Gust Avrakotos (Philip Seymour Hoffman), Charlie Wilson est l’homme responsable de l’échec de l’URSS en Afghanistan. Les troupes finissent par se retirer en 1988.
Charlie Wilson reçoit une décoration pour son rôle dans cette guerre secrète.
So for the first time, a civilian is being given our highest recognition.
Dans un pays en ruines, les fondamentalistes aidés par l’Amérique menacent désormais de prendre Kaboul. Il faudrait reconstruire. Wilson réclame un petit million pour financer des écoles. Le Congrès a d’autres chats à fouetter.
Charlie, nobody gives a shit about a school in Pakistan.
L’EXPLICATION
La Guerre selon Charlie Wilson, c’est la façon dont l’Amérique gagne à chaque fois.
En tant que membre du Congrès, Charlie Wilson représente l’Amérique dans toute sa splendeur. C’est à dire un homme loin d’être aussi bête qu’il veut bien s’en donner l’air. Il s’amuse entouré d’incultes à Las Vegas, la ville du pêché, mais il est le seul à savoir faire la différence entre l’Inde et l’Afghanistan.
Il fait mine de ne pas avoir de plan et d’avancer au feeling…
What is U.S. strategy?
Well, strictly speaking, we don’t have one.
Just do it (cf Top Gun Maverick). Sans réfléchir.
Rien du tout. En vérité, Charlie Wilson cache très bien son jeu. La main sous la jupe de la Joconde (cf L’associé du Diable). Préférant passer inaperçu pour mieux frapper – tout comme Gus Avrakotos.
You’re no James Bond.
You’re no Thomas Jefferson, either.
Mieux, Charlie Wilson sait détourner l’attention pour mieux parvenir à ses fins (cf Des Hommes d’Influence). Un sourire charmeur, un petit verre de whisky à dix heures du matin et l’affaire est pliée. Hop.
As long as the press sees sex and drugs behind the left hand, you can park a battle carrier behind the right hand and no one’s gonna fucking notice.
En réalité, Charlie Wilson tire les ficelles d’une guerre de l’ombre. La doctrine Nixon : Pourquoi affronter l’ennemi de manière frontale quand il est possible de les faire patiner pendant des années sur un territoire neutre ? Charlie Winston a bien retenu la leçon douloureuse du Viet-Nam. Les États-Unis ne font pas l’erreur deux fois.
Charlie Wilson va oeuvrer à épuiser les troupes soviétiques dans un conflit qui va s’enliser. Meilleure pour les affaires et plus économique en matière de pertes humaines.
Car il ne faut pas se tromper : Charlie Wilson est un patriote farouche. Bon soldat au service la nation. Il ne donnerait pas tout pour son pays, juste ce qu’il faut pour continuer de prospérer.
Ce politicien caresse par devant, et vole la sucette par derrière (cf À la Poursuite d’Octobre Rouge).
Gardant ses options ouvertes. Discutant avec tout le monde. Couchant à droite à gauche si besoin. Charlie Winston donne de sa personne. Sachant tordre ses convictions d’apparence pour le bien de la nation. Quelques valeurs, et pas mal de compromis. Parvenant à convaincre de se joindre à la fête. Le Pakistan, l’Egypte, Israël, l’Arabie Saoudite… tous ensemble contre l’ennemi rouge. Le talent est de permettre à chacun de trouver son intérêt.
Il privilégie le résultat : bloquer l’ennemi par tous les moyens. Peu importe la manière (cf The Watchmen).
Avec Gust Avrakotos, il est passé Maître dans l’art du pragmatisme.
There’s a little boy and on his 14th birthday he gets a horse, and everybody in the village says, « how wonderful. The Zen master says, « we’ll see. » Two years later, the boy falls off the horse, breaks his leg, and everyone in the village says, « How terrible. » And the Zen master says, « We’ll see. » Then, a war breaks out and all the young men have to go off and fight except the boy can’t cause his legs all messed up. And everybody in the village says, « How wonderful. »
Now the Zen master says, « We’ll see. »
Tout le monde se sert de tout le monde. Charlie Wilson connait cette règle du jeu, et l’emploie mieux que personne. Avec son amie Joanne Herring, il monte ou baisse le volume de la religion quand cela l’arrange.
Il fait le travail juste ce qu’il faut, sans excès. Cette guerre n’est pas menée jusqu’au bout. Suffisamment pour en profiter, pas assez pour préserver le pays d’un nouveau conflit. Les moudjahidines financés par Washington sont ceux-là mêmes qui vont se retourner contre les États-Unis quelques années plus tard.
Pas grave! Cela donne un nouveau motif de partir en guerre à nouveau.
Un cercle vertueux, en quelques sortes.