FUCK UK

FUCK UK

Benoit Forgeard, 2012

LE COMMENTAIRE

En l’an de grâce 1994, Jacques Toubon fit voter une loi majeure à l’Assemblée Nationale prévoyant l’emploi obligatoire de la langue française dans la désignation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue de ses conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances. Le pouvoir législatif a ainsi décidé de frapper un grand coup pour ne pas donner notre beau pays de cocagne à ces maudits Anglophones.

LE PITCH

Un Français crache son mépris envers les Anglais.

LE RÉSUMÉ

Michel (Gaspard Proust) est un souverainiste convaincu. Ce Parisien aime son pays et surtout, il déteste profondément l’Angleterre.

Les scientifiques ont pas forcément le droit de le dire mais des études récentes ont prouvé que les pays ont des personnalités, comme nous. (…) Y’a des pays fins sensibles intelligents, et y’a des pays très cons.

Les murs de sa chambre sont recouverts de trois bandes bleue, blanche et rouge. Pas de croix de Saint George ici. Michel ne brûle pas des livres de Shakespeare mais il détruit des vinyles des Beatles.

Détester le roast beef c’est aussi une belle façon de comprendre le monde.

Son pote Karim (William Lebghil) fait part de ses doutes.

T’as pas l’impression que ton truc contre les roast beef c’est un peu… old school ?

Michel est déterminé.

Avec un autre de leur potes (Benjamin Wangermée), ils font une descente dans une épicerie anglaise avec des produits d’import. Au moment de payer le commerçant (Francis Van Litsenborgh), Michel sort de sa poche quelques francs – comme un symbole.

Sorry sir, we do not accept francs any longer. 

Tous les trois célèbrent l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz au Champomy.

Cinq morts côté français, six millions de leur côté… la rouste!

Ils se congratulent du lancement de leur fanzine : Couine Elizabeth. Le premier numéro ne fait pas recette mais trouve quand même un acheteur d’extrême droite généreux (Darius), impressionné par la véhémence du propos.

J’encule les Anglais et l’Angleterre… ben dis donc! Vous n’y allez quand même pas avec le dos de la cuillère hein…

Michel essaie de démêler une histoire amoureuse compliquée avec une Anglaise (Julia Vandoorne) qui lui propose de venir le retrouver à Londres (cf Welcome).

It’s you who have quitted moi. So euh…

Don’t blame me, you’re so French sometimes!

Oh no no no no!! You are strange. I am French. 

Please join me in London.

Never! I’ll never come to your country of shit!

Tout fier qu’il est, Michel se rend gare du Nord et fait croire à ses copains qu’il part pour en découdre. En réalité, il met son orgueil de côté pour aller retrouver sa copine. Non sans s’enduire le visage de lubrifiant au moment de passer le tunnel sous la manche.

Une fois à Picadilly, il ne résiste pas très longtemps au charme de sa compagne.

Let’s go funny boy.

I’m not funny…

L’EXPLICATION

Fuck UK, c’est l’origine du ressentiment.

Historiquement, les peuples se vouaient une haine mutuelle. On se faisait des guerres avec des millions de morts. Un passé récent a opposé les Français à leurs voisins germaniques coupables d’avoir voulu envahir notre Hexagone à deux reprises : en 1914-18 (cf Tirailleurs) puis en 1939-45 (cf Indigènes). On passera sous silence l’époque de l’Allemagne napoléonienne…

Ces tensions identitaires sont tellement fortes qu’elles perdurent dans le temps, jusque sur les terrains de football où personne n’a oublié les poteaux carrés de Glasgow qui ont permis aux Munichois de battre St Etienne en 76, ni l’agression de Schumacher contre Battiston en 82.

Si l’on remonte dans l’Histoire, la France s’accordait surtout très mal avec l’Angleterre. Les raisons de ces tensions sont liés à des conflits coloniaux. La Guerre de Sept Ans a vu le Royaume-Uni conquérir l’Amérique du Nord. Les Français se vengent lors de la Guerre d’Indépendance américaine en venant en aide aux colonies pour renverser les forces britanniques.

On trouvait des désaccords sur le plan religieux : Les rois français du XVIIIe siècle ont cherché à mettre le bazar en soutenant la cause jacobite pour renverser le protestantisme.

Sur le plan culinaire, les Anglais se sont toujours moqués de notre passion pour les cuisses de grenouille.

D’un point de vue comique, les Anglais ont eu les Monty Python (cf La vie de Brian, Le Sens de la Vie) et Benny Hill alors que nous devions nous contenter de Pierre Palmade ou de Jean-Marie Bigard.

Je pense qu’il est important de rappeler que l’humour, c’est pas forcément une invention britannique, contrairement à ce qu’ils peuvent penser.

Au niveau des idées, les John Locke, David Hume, Thomas Hobbes ou Jeremy Bentham ont bataillé dur contre les pensées de Descartes, Voltaire, Montaigne, Pascal ou Sartre.

Si les relations franco-anglaises se sont sensiblement améliorées suite aux deux Guerres Mondiales et grâce à la décolonisation qui a fait sérieusement redescendre ces deux pays sur terre, on se méfie encore des Anglais. Les matchs contre le quinze de la rose sont toujours animés. Et le Brexit a quand même été vécu comme une petite trahison depuis l’Elysée, bien que l’Angleterre n’ait jamais vraiment voulu faire partie de la grande fête européenne de Jean Monnet et Jacques Delors.

On peut malgré tout affirmer que la génération d’aujourd’hui a quand même enterré la hache de guerre. Sauf certains irréductibles comme Michel qui continuent de râler contre les insulaires. Il affirme prendre position au nom de l’histoire.

C’est super de remettre les choses en cause, mais ta mentalité là… c’est précisément comme ça que Jeanne d’Arc s’est faite empapaouter. 

Sa pseudo-idéologie disparait en un coup de vent.

En vérité, la colère de Michel n’a aucun fondement politique (cf La Cravate). Il s’agit surtout d’une réaction d’enfant frustré d’avoir été quitté par une Anglaise. D’ailleurs il se comporte comme un enfant en déposant des autocollants « fuck UK » à l’arrière des quelques rares black cabs circulant dans Paris. Il est ridicule quand il se couvre le visage de vaseline.

La bulle se dégonfle bien vite. Comme souvent, il ne s’agit que de posture. Dès qu’on le rappelle, il rapplique la queue basse.

Michel n’est qu’un petit homme blessé dans son orgueil de Français, le pays où le coq chante fièrement les deux pieds dans la merde comme on dit à l’étranger.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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