WELCOME
Philippe Lioret, 2009
LE COMMENTAIRE
Il existe peu de choses plus nobles qu’un homme qui en regarde un autre droit dans les yeux. Un homme n’a pas besoin du langage des signes. Tellement d’émotions peuvent être transmises en un seul regard. Qu’est-ce que l’un voit dans les yeux de l’autre ? Un étranger dont il a du mal à comprendre le dessein ou un jeune homme dont il aimerait partager la fougue ? En tout cas, les yeux sont ouverts.
LE PITCH
Un maître nageur aide un migrant à traverser la Manche à la nage pour retrouver celle qu’il aime.
LE RÉSUMÉ
Bilal (Firat Ayverdi) est un jeune Kurde qui ambitionne de rejoindre l’Angleterre où se trouve sa petite-amie Mina. Comme tous les sans-papiers, son périple passe par Calais, ultime étape sur le chemin de la Grande-Bretagne. Incapable de tenir avec un sac en plastique sur la tête, il ne lui reste plus qu’à essayer de traverser la Manche à la nage.
Déterminé, il se rend chaque jour à la piscine pour s’entraîner. Il y fait la connaissance de Simon (Vincent Lindon), maître nageur et ancien champion de natation, qui va le prendre sous sa nageoire. Simon vit mal sa rupture avec Marion (Audrey Dana), et va être chamboulé par le combat de Bilal. Lui qui ne s’était jamais engagé pour rien auparavant va prendre tous les risques pour aider Bilal à réaliser son rêve insensé. Il l’entraîne et il l’héberge.
L’affaire devient risquée car le gouvernement condamne fermement tous ceux qui encouragent les sans-papiers dans leur obstination, un peu comme la RATP pourrait condamner celui qui aide à faire passer le resquilleur dans le métro.
Fin prêt et équipé, le pauvre Bilal part à l’abordage. Il se noie à seulement quelques nautiques des côtes britanniques alors qu’il essaie d’éviter les patrouilleurs anglais, si proche du but (cf Das Boot).
Simon va jusqu’à Londres pour informer Mina, dans une ultime bravade envers le gouvernement qui l’oblige à venir pointer tous les matins, ce qui lui permet de regagner l’estime de Marion – à défaut de regagner son cœur.
L’EXPLICATION
Welcome, c’est se battre par amour.
On ne sait pas précisément ce qui a causé la rupture entre Simon et Marion si ce n’est qu’il a fauté par paresse. Simon se repose sur ses acquis, anesthésié par le confort du mariage. Il ne se rend compte de rien. Ses trophées de nageur reposent sagement sur une étagère et il est sorti du bassin (cf Le Grand Bain). Ce qui est sûr c’est qu’il n’a pas assez ramé pour garder celle qu’il aime.
Lui il a fait quatre milles kilomètres à pied pour la retrouver. Et maintenant il veut traverser la Manche à la nage. Toi quand t’es partie j’ai pas été foutu de traverser la rue pour te rattraper.
Le soutien de Simon à Bilal n’est pas totalement désintéressé, ce qui semble prouver une bonne fois pour toute que la notion d’altruisme n’existe pas sans renvoi d’ascenseur. On ne donne rien aux ONG à moins que la cause ne nous touche de près ou de loin – ou si on ne bénéficie pas d’un crédit d’impôt.
De la même manière, on peut se demander si Simon ne fait pas tout cela dans l’unique but de séduire son ex-femme. Quand la police le convoque et le menace (cf Au Poste!), il pourrait facilement lâcher l’affaire.
Ce qu’il ne fait pas, car quand il aide Bilal, il cherche à s’aider lui-même. Comme quoi on a toujours besoin d’un plus immigré que soi.
Bilal redonne à Simon le courage qu’il a perdu. L’amour réclame la volonté et l’énergie de se mettre en danger, d’abandonner ses médailles ou de casser sa routine d’aller pointer au poste tous les matins. Il faut sans cesse se challenger (cf Jeux d’enfants). On n’a rien sans rien, surtout pas avec les femmes, qui ont la réputation d’être dures en amour.
On est finalement welcome nulle part. Surtout pas dans l’enfer de Sangatte, que les habitants devraient pourtant être fiers de partager sur la base de plus on est de fous plus on rit.
Si les habitants de Calais en avait fait un endroit accueillant, les sans-papiers aimeraient peut-être ne pas avoir à en partir. Welcome n’est pas qu’un mot écrit sur un paillasson, comme celui du voisin xénophobe de Simon.
Que sont devenus ces gens du Nord chers à Pierre Bachelet ? Eux à la réputation d’être si accueillants. Rio Mavuba l’apatride, adopté par les supporteurs du LOSC peut en attester. Le Nord ne peut pas laisser les extrêmes annexer leur caractère chaleureux (cf La Cravate).
Les Calaisiens sont peut-être simplement vexés que les sans papiers ne considèrent Calais que comme un parking d’autoroute ? Il n’y a pourtant pas que les migrants qui trouvent que Calais c’est pas le paradis. Beaucoup de Français essaieraient d’aller voir ailleurs s’ils se retrouvaient coincés dans le Chnord (cf Bienvenue chez les Ch’tis).
N’oublions pas qu’on n’a que ce qu’on mérite. Les habitants de St Tropez ont bossé suffisamment dur pour avoir la Jet Set et pas les sans papiers. C’est la responsabilité de Simon si Marion a décidé de partir – pour un bénévole en plus. Simon se devait simplement de s’engager davantage.
Si Bilal finit au fond de l’eau, l’espoir n’a pas coulé. Notamment la volonté de tous les Calaisiens. Bilal a peut-être échoué. Au moins il a essayé. Et surtout Simon s’est réveillé. Grâce à cette rencontre, il a retrouvé le Kurde qui sommeillait en lui.
Il s’est remué. Ce qui est magnifique car en réalité le monde change de l’intérieur grâce à des personnes lambda comme Simon. Tout n’est donc pas foutu. Comme le dit le proverbe Chinois Il ne pleut pas tous les jours. La vie peut envoyer un signe. Un jour, un Bilal peut débarquer chez vous. Comment ne pas l’accueillir ?
Après tout et malgré le Brexit, nous ne sommes toujours qu’à une Manche du paradis et de ses fish and chips. Le lien n’est pas rompu.
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