LA CONFÉRENCE

LA CONFÉRENCE

Matti Geschonneck, 2022

LE COMMENTAIRE

Certaines réunions peuvent être tellement tendues qu’on entend voler la plus discrète des mouches. En général, les participant·es sont invité·es à ne pas broncher. Un seul mot de travers peut suffire à se faire fusiller du regard, ou fusiller tout court.

LE PITCH

Moins de deux heures de réunion pour sceller le sort de millions de Juifs.

LE RÉSUMÉ

Quelques hauts dignitaires du troisième Reich se retrouvent en Janvier 1942 dans une villa de la banlieue de Berlin pour résoudre la question juive en Europe. Un sujet jugé vraiment déplaisant mais qu’il devient apparemment nécessaire de traiter au plus vite.

Le SS-Gruppenführer Heinrich Müller (Jakob Diehl) et Adolf Eichmann (Johannes Allmayer) s’affairent alors que les conférenciers arrivent les uns après les autres.

Le SS-Brigadeführer Schöngarth (Maximilian Brückner), le Dr Lange (Frederic Linkemann) en provenance des pays baltes, Friederich Kritzinger (Thomas Loibl) de la Chancellerie, le Dr Stuckart (Godehard Giese) du Ministère de l’Intérieur, le Dr Alfred Meyer (Peter Jordan), le Dr Klopfer (Fabian Busch), le Sturmbannführer Erich Neumann (Matthias Bundschuh), le Dr Leibbrandt (Rafael Stachowiak), le Dr Freisler (Arnd Klawitter) et le Dr Bühler (Sascha Nathan) Gouverneur adjoint du Gouvernement Général de Pologne.

Ils ne sont pas venus pour faire de la figuration.

C’est comme dans les soirées, il y en a toujours un qui veut se placer…

L’ambiance est glaciale. Tout le monde attend le redouté SS-Obergruppenführer Heydrich (Philipp Hochmair) qui doit présider les débats, avec Otto Hoffman (Markus Schleinzer).

Heydrich veut profiter de la conférence pour imposer son autorité. Il introduit les débats en se référant à la mission qui lui a été confiée par Göring et Himmler :

Trouver une solution finale à la question juive.

Depuis que les États-Unis sont rentrés en guerre, les Juifs ne peuvent plus servir d’otages. Les Nazis veulent donc s’en débarrasser. Désormais, on ne parle plus d’émigration mais d’évacuation des Juifs vers l’Est d’où ils ne sont pas censés revenir (cf Monsieur Klein, La Liste de Schindler).

Le volume de la population à évacuer est estimé à onze millions.

La tâche me semble très ambitieuse…

Il faut déterminer qui va devoir s’en occuper.

Nous les déplacerons nous-mêmes.

Les représentants des territoires occupés de l’Est s’inquiètent.

Il faudra traiter nos Juifs en premier!

D’autres se soucient de savoir qui va pouvoir profiter des biens spoliés.

Nos juifs, notre argent!

À mi-parcours, Heydrich s’estime satisfait de la nature des conversations.

Ils ont avalé le plus dur.

Sur les changement législatifs, Stuckart émet des réserves.

Je propose de ne rien faire.

…Vous plaisantez ?

Heydrich marque une pause pour mieux le reprendre sèchement en privé.

J’aime l’action et la disponibilité. Réfléchir c’est bien, mais agir est mieux.

Il faut désormais aborder l’épineuse question de la méthode. Plusieurs institutions isolées seront créées en Europe de l’Est. La décision est prise d’écarter des exécutions qui seraient couteuses en munitions et inhumaines pour les soldats – comme le fait remarquer Kritzinger non sans un certain cynisme.

Cela pose une question morale. C’est pour nos hommes que je m’inquiète. Ce genre de choses ne peut mener qu’à la cruauté.

Adolf Eichmann propose d’avoir recours au gaz. Un pilote est en cours à Auschwitz.

Aucune d’objection. Heydrich peut conclure fièrement.

Je vous avais dit que cette réunion répondrait à toutes vos questions! (…) Nous en avons terminé.

Il s’assure auprès de Eichmann qu’un compte rendu soit bien relu et distribué à chacun des participants.

On ne dira pas qu’ils ne savaient pas.

L’EXPLICATION

La Conférence, c’est la gestion de projet de l’horreur.

En matière de projet, il ne suffit pas de se donner un bel objectif en pensant que tout se mettra naturellement en place. L’Histoire montre que des entreprises déconnectées de la réalité peuvent décoller très haut avant de s’écraser lamentablement (cf Fyre Fraud). Un gouvernement ne sait que trop bien comme il est difficile de conduire des réformes impopulaires. Chaque projet comporte sa complexité.

Pour mener à bien son projet, il faut évidemment avoir un objectif mais surtout construite un plan pour le réaliser. Pour cela, il est nécessaire de s’entourer d’individus compétents, car l’on n’arrive à rien tout·e seul·e. Des individus sachant travailler ensemble, sous la houlette d’une personne capable de prendre des décisions fortes. Un·e guide qui va procéder à des choix. Trancher dans le vif de manière autoritaire, même si cela ne plait pas à tout le monde.

Ils n’auront pas le choix.

Quelqu’un qui soit en mesure de communiquer ses idées de manière ferme afin d’obtenir l’adhésion de l’assemblée (cf Lincoln).

Ils doivent savoir ou nous allons, ça ressert les rangs!

C’est ainsi que l’on fait avancer un groupe dans la bonne direction. Sans un·e leader charismatique, on n’arrive à rien. Les autres membres se planquent, à l’image de Lange qui n’oserait même pas prendre la main.

Je ne suis pas à l’aise en réunion…

Le reste du groupe a plutôt tendance à se plaindre. Facile de trouver des problèmes. Moins évident de proposer des solutions.

On en finit avec nos Juifs, d’autres arrivent deja…

Enfin, il faut mater les rares qui pourraient avoir des velléités opposées, comme Stuckart.

Pour ce qu’il s’agit du projet terrifiant d’exterminer les Juifs d’Europe, Heydrich joua un rôle instrumental. Il fut celui qui se saisit d’un dossier dont personne ne voulait.

Nous devons avoir le courage de porter un grand projet!

Heydrich a gardé une approche très positive face à toutes les objections que les membres du parti pouvait lui objecter, afin qu’aucun obstacle ne se mette au travers de sa route. Pas question pour lui d’être pénalisé par des détails.

La Gestapo ne respecte pas ses propres directives!

Ce sont des regrettables erreurs de rodage.

Il avance. Au fur et à mesure de la conférence, il obtient des validations.

On fera comme convenu.

Heydrich fait quelques concessions auprès des représentants du Gouvernement Général de Pologne. Il a aussi l’intelligence politique d’entendre les argument de Stuckart.

Ne compliquons pas les choses.

Ne simplifions pas les choses à outrance non plus. (…) Les gens ont besoin de règles, savoir que l’ordre règne.

Heydrich fait passer ses messages devant tout le monde. Il recadre en coulisses quand il estime que cela est nécessaire. Courtois, mais toujours ferme. Son contrôle lui permet d’éviter que la Conférence ne dérape en un pugilat entre les membres du Ministère et ceux de la SS.

Ces hommes n’ont fait preuve d’aucune émotion. À l’image de patrons d’entreprise qui se mettraient d’accord sur le licenciement des milliers d’employés sans se soucier des conséquence (cf El buen patron). On se réfère à des chiffres, sans penser aux personnes.

Du strict point de vue de la gestion de projet, le résultat de Heydrich est néanmoins remarquable. Les participants sont eux-mêmes bluffés et ne sont pas avares en compliments.

C’est très efficace!

Très impressionnant…

La machine de l’horreur est en marche.

Cette petite poignée de Nazis est arrivée au goutte à goutte. Chacun de ces hommes s’est exprimé calmement à la table, avec le souci de défendre sa propre ambition personnelle au sein du 3e Reich, tout en niant la vie de millions d’autres (cf Worth).

Une heure et demi, pas une de plus.

Quelques cognacs, puis ils sont repartis à la gestion de leurs affaires courantes.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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