ANTIVIRAL
Brandon Cronenberg, 2012
LE COMMENTAIRE
L’écroulement du religieux laisse la porte ouverte à toutes les fenêtres. Le respect de Dieu imposait de ne surtout pas toucher à sa création. Quand Dieu disparait, la chirurgie esthétique est open bar (cf Brazil). Le trans-humanisme devient possible. On n’hésite plus à se faire piquer les gencives comme des animaux.
LE PITCH
Des fans vont jusqu’à se faire inoculer les virus de leur célébrité préférée.
LE RÉSUMÉ
La Lucas Clinique fait le bonheur des fans en leur proposant, moyennant une somme d’argent, la chance de ressentir physiquement ce que vivent leurs stars préférées lorsqu’elles souffrent d’herpès ou de gastro-entérite. La clinique est notamment connue pour avoir breveté des pathogènes de Hannah Geist (Sarah Gadon).
Derek Lessing (Reid Morgan) s’est fait virer de la clinique pour avoir essayé de revendre des pathogènes à son compte. C’est précisément ce que risque Syd March (Caleb Landry Jones), un autre employé de la Lucas Clinique, qui fait circuler des cellules sur le marché noir. Arvid (Joe Pingue) profite de l’aubaine pour développer des steaks. Manger un peu de sa célébrité favorite!
Lucas (Nicholas Campbell) envoie Syd chez Hannah Geist pour de nouveaux prélèvements. Celui-ci prend une fiole de sang et en profite pour s’injecter discrètement quelques gouttes. Il tombe très vite malade.
I’m developing a crippled identity.
À son réveil le lendemain, il apprend qu’Hannah Geist a été retrouvée morte.
Syd demande de l’aide à Arvid qui fait appel à Levine (James Cade), un hacker. En échange, les deux hommes réclament un peu de sang de Syd.
Cooperate.
Syd refuse.
Par la suite, il apprend de la part du Dr Abdenroth (Malcolm McDowell) qu’Hannah a été infecté par un virus conçu en laboratoire pour ne pas être dupliqué par les cliniques. Hannah est toujours en vie, bien qu’elle ne soit pas en forme. Elle finit même par mourir pour de bon.
L’état de santé de Syd décline à son tour. Ses recherches pour en savoir davantage sur le virus le conduisent au laboratoire Vole & Tesser. Il réussit à passer un marché.
Une version virtuelle d’Hannah fait la promotion de Afterlife, le nouveau produit de Vole & Tesser qui a conservé des tissus cellulaires d’Hannah pour lui injecter des virus et les revendre à des clients. Syd March est le nouveau chief technician.
L’EXPLICATION
Antiviral, c’est le business morbide de l’influence.
Au XXe Siècle, les règles du marketing étaient encore relativement simples. Pour vendre un produit, une marque finançait une campagne de publicité relayée par quelques médias : TV, presse écrite, Cinéma, Radio, Affichage (cf Three Billboards). L’arrivée d’internet a chamboulé pas mal de choses. Tout d’abord le paysage médiatique s’est fragmenté, compliquant un peu les affaires des marketeurs. Puis les réseaux sociaux ont ouvert la voie à un nouveau terrain de jeu permettant à tout un chacun de devenir influent.
Pour une raison obscure, les clients rois ont commencé à prêter davantage attention à la voix des influenceurs, persuadés que ces derniers sont moins biaisés que des marques.
It’s a weird business.
Les influenceurs ont ainsi cultivé leur authenticité pour faire gonfler leurs audiences afin de mieux la monétiser. Car la parole des influenceurs, aussi, s’achète. Quoi qu’on en dise. On vit alors l’émergence d’une nouvelle industrie de l’influence. Une industrie qui n’a pas beaucoup plus de scrupules que les précédentes (cf The American Meme).
We feel no responsibility for your condition.
À une journaliste qui lui pose une question, Lucas répond qu’il n’est pas là pour juger.
Do you not agree that the mania surrounding celebrity has reached an unhealthy level?
Celebrity is not an accomplishment. It is more like a collaboration that we choose to take part in. Celebrities are not people, they’re group hallucinations.
Sa Clinique est plutôt là pour prendre l’oseille grâce à une offre d’influence d’un nouveau genre, basée sur la science. Sachant que les fans les plus extrêmes seraient littéralement prêt·es à faire n’importe quoi pour partager la vie de leurs idoles (cf Misery, Elle l’adore, La Femme de Tchaïkovski). Les commerciaux de la clinique n’ont qu’à se pencher pour récolter l’argent.
Do you have your credit card with you?
Pour cela, il suffit de flatter le client en validant son choix. Rien de plus simple.
I see you as a man of taste, a connoisseur.
Syd March va enfreindre la règle de base car lui aussi est sensible à Hannah Geist. Tel un trafiquant de drogue qui commence à taper dans le pot de miel, Syd fait l’erreur de s’injecter un peu de son produit toxique.
Maybe you’re just another fan.
Sa passion pour Hannah Geist le met dans une situation de fragilité. Il devient comme les autres.
Naturellement, il subit les conséquences en basculant dans l’envers d’un décor déjà pas très glorieux.
I’m afraid you’ve been involved into something sinister.
Son associé Arvid devient son exploitant (cf Requiem for a Dream).
Don’t look so worried. You’re a commodity.
Syd a besoin d’un vaccin afin de pouvoir survivre à cet enfer. En voulant ressentir la douleur de sa muse, il est devenu l’ombre de lui-même. Inopérant, il dégueule du sang toutes les cinq minutes et ne va pas durer bien longtemps si cela continue.
Syd va relever la tête alors qu’il est pourtant au plus mal, afin de rentrer en affaires avec le concurrent (cf Cypher). Il trouve les ressources pour imaginer un nouveau business model qui va lui servir d’antidote.
I can see an opportunity here, even in the face of such a tragedy.
Trouver une manière de conserver vivants les tissus de la victime afin de cultiver autant de virus qu’il le souhaite. La réalité virtuelle fait le reste. Hannah est morte, mais son image peut être facilement recréée. L’intelligence artificielle peut lui faire dire n’importe quoi, surtout ce que Vole & Tesser désire. Et le business repart de plus belle.
Grâce à son idée de génie, Syd a été épargné par une industrie sans morale, qui profite de la crétinerie ambiante de spectateurs ou spectatrices sous influence, souscrivant totalement aux diktats sans se poser la moindre question.
Le sang est la vie! (cf Dracula)
Les vampires l’ont très bien compris.