LA VALSE DES PANTINS

LA VALSE DES PANTINS

Martin Scorsese, 1982

LE COMMENTAIRE

Pour un comique, le plus dur est d’abord de se faire un public, avant même de le faire rire (cf Joker). Fut un temps, les comédiens en devenir s’entraînaient dans des sous-sols face à un mur représentant une audience hilare, histoire d’être prêts à monter sur scène un jour (cf Les Rois du Gag). Aujourd’hui, YouTube a remplacé la scène. Un nouveau genre de comédiens est né, qui n’ont plus besoin de sortir de leur cave. Jean-Marie Bigard a disparu. Cyprien reste chez lui.

LE PITCH

Un jeune humoriste veut devenir le nouveau Jerry Lewis.

LE RÉSUMÉ

Rupert Pupkin (Robert de Niro) veut faire de la stand up comedy (cf Le Mot de la Fin). C’est son truc. Il va voir le show de son artiste préféré, Jerry Langford (Jerry Lee Lewis) mais se fait refouler par les équipes de la star et même par Langford lui-même.

Pupkin ne se décourage pas. Il fait partie de ces marginaux qui croient dur comme fer en leur talent. Vivant dans son propre monde, il s’imagine sur les plateaux de télévision en compagnie de Langford en personne, à discuter comme s’ils étaient de vieux potes.

Pupkin est tellement mytho qu’il fait croire à la jeune Rita (Diahnne Abbott) qu’ils sont tous les deux invités à la villa du comédien. Ils ne sont évidemment pas les bienvenus. Langford insulte copieusement Pupkin avant de le chasser de sa propriété.

Pupkin comprend qu’il doit passer à la vitesse supérieure. Il convainc Masha (Sandra Bernhard) de l’aider à kidnapper Langford. Tout comme Pupkin, Masha est également cinglée. Pupkin demande à être l’invité du Jerry Langford Show et promet de libérer la star. Le FBI accède à la demande de Pupkin qui exécute son numéro sur scène. Il avoue qu’il a kidnappé Langford pour mieux pouvoir passer à la TV devant un public qui n’y voit que du feu.

Tomorrow you’ll know I wasn’t kidding and you’ll all think I’m crazy.

Tout le monde se marre.

Pendant ce temps, Langford parvient à s’échapper.

À sa sortie de prison, Pupkin annonce en fanfare la publication de son autobiographie King for a Night. Il parle de son amitié avec Langford qu’il considère comme son mentor. Pupkin a plusieurs projets intéressants. Le public l’applaudit chaudement. En tout cas, il en est convaincu.

L’EXPLICATION

La Valse des Pantins, c’est le rêve américain.

Pupkin se fait des films. Impossible de réussir à faire la part des choses entre la réalité et le fantasme. Pupkin parvient-il seulement à grimper dans la limousine de Langford ou en rêve-t-il ? Que pense vraiment le public ? Le trouve-il divertissant ? Pupkin passe-t-il vraiment à la télé ou continue-t-il de parler à un mur ? A-t-il écrit une autobiographie ? Est-il allé en prison ? A-t-il kidnappé Langford ?

Pupkin est prisonnier de son propre mental. Tout comme le comique ou l’artiste est dépendant de son public (cf Misery).

Pupkin est un zéro, un moins que rien, sans talent, qui essaie de s’en sortir. Sans piston. Essayant d’escalader la paroi à main nue. Dans ce monde de réseaux, il est devenu paradoxalement très compliqué de faire carrière, peu importe la carrière d’ailleurs, sans avoir d’appui (cf Sugar Man). Ce qui est le cas de Pupkin qui n’est personne et qui ne connaît personne. Il vit chez sa mère. Par conséquent il est pris pour un clown. Il commence plus qu’en bas de l’échelle. Au sous-sol.

You’ve got to start at the bottom.

On a envie que Pupkin réussisse. Son anonymat le rend sympathique. Et finalement il n’y a pas tant de différence entre Rupert Pupkin et Steve Jobs qui a commencé lui-aussi dans un garage, bien qu’il ait fréquenté la prestigieuse Standford University (cf Varsity Blues). Jobs passait lui aussi pour un guignol à l’époque. Tout comme Pupkin, Jobs ne doutait pas de lui non plus, au point que beaucoup le considéraient comme un mégalomane.

Il ne faut douter de rien. Devenir célèbre passe par le kidnapping de Langford. Il faut tuer Descartes. L’ego est le canot de sauvetage de tous les rêveurs qui n’ont pas forcément les moyens de leurs ambitions et qui dérivent à la recherche du nouveau monde.

Why not me, why not? A guy can get anything he wants as long as he pays the price. What’s wrong with that? Stranger things have happened.

Pour réussir, il faut aussi un appétit sans limite pour ne jamais baisser les bras. Pupkin se prend des murs, il continue pourtant à avancer. Son moteur est la gloire. Comme un insecte attiré par la lumière des projecteurs (cf Nightcrawler). Il veut avoir son moment. Rien ne pourra l’arrêter.

Better to be king for a night than schmuck for a lifetime.

Rupert Pupkin partage l’histoire de Lance Armstrong: un inconnu qui a fait le choix de devenir un héros pour quelques années, au risque d’être banni pour l’éternité. Un choix qui se respecte. Après tout, qui sommes nous pour juger ? Armstrong fait ce qu’il veut de sa santé. Pupkin, tout comme Armstrong, est un travailleur acharné. Parce qu’on semble oublier un peu vite qu’Armstrong n’a pas gagné ses tours de France rien qu’en se piquant les fesses (cf Icarus). Il a aussi du pédaler des heures et des heures dans le froid, sous la pluie, contre le vent, pour devenir l’extra-terrestre qu’il était sur un vélo.

I’m gonna work 50 times harder, and I’m gonna be 50 times more famous than you.

Ce qui fait tourner le moteur de Pupkin est la compétition. Deux mondes se retrouvent en tension: celui de Langford, comique établi et Pupkin, comique qui veut percer. L’un s’inspire de l’autre tandis que l’autre fait tout ce qu’il peut pour éviter que le second ne rencontre le succès. Comme s’il s’agissait d’un jeu à somme nulle et qu’un seul ne puisse triompher (cf Joker).

Alors que parfois, il y a de la place pour deux sur une scène. C’est ce que cherchaient à prouver Kev Adams et Gad Elmaleh dans un spectacle aux allures d’accords de désarmement nucléaire.

Comme quoi tout est possible.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

2 commentaires

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