PRETTY WOMAN
Garry Marshall, 1990
LE COMMENTAIRE
Quand elles se savent regardées, c’est à dire la majeure partie du temps, les femmes jouent un rôle. Elles prennent soin de garder leur distance tout en affichant un léger dédain. Ce ne sont qu’à de très rares exceptions qu’elles dévoilent leur vrai visage. Comme par exemple dans l’intimité de leur bain moussant.
LE PITCH
Jadis les couples ne se rencontraient pas sur Tinder mais sur Hollywood Boulevard.
LE RÉSUMÉ
Edward Lewis (Richard Gere) est un homme d’affaires désabusé. Il vient de rompre au téléphone avec sa petite amie, lassée d’être considérée comme un objet. Seul, Lewis arpente les rues de Los Angeles et y fait la rencontre de Vivian Ward (Julia Roberts), une prostituée. Lewis lui fait une offre :
I’d like you to spend the week with me.
Il l’embauche pour la semaine contre 3,000$ et la promesse d’une garde-robe renouvelée.
Wake up! Time to shop.
Après une après-midi sur Rodeo Drive, Vivian ne ressemble plus à une escort girl de bas étage. Sa transformation subjugue Edward.
Il lui fait pénétrer son monde l’emmenant à des matchs de polo et lui présentant ses collaborateurs parmi lesquels son avocat Philipp (Jason Alexander) qui soupçonne Vivian d’être une espionne. Edward le rassure aussitôt en lui révélant la véritable identité de Vivian, ce qui la vexe profondément.
Are you ok?
I’m fine!
Seven « fine »s since we left the polo match. Can I have another word?
ASSHOLE! There’s a word!
I think I liked fine better.
Edward s’excuse et emmène Vivian voir La Traviata à San Francisco en jet privé pour se faire pardonner. Sous le coup de l’émotion, Vivian romp sa règle de ne jamais embrasser un client sur la bouche.
Après une nuit d’amour, Vivian avoue son attachement à Edward qui ne répond pas. Il lui propose simplement de payer pour un appartement afin de la sortir de la rue – ce qui n’est pas exactement le genre de conte de fées qu’elle s’était imaginée.
Edward ressort remué de cette rencontre. Il gamberge pendant sa réunion. Les choses vont changer. Plutôt que de démanteler la compagnie qu’il s’apprêtait à racheter, il se met en tête de la redresser. Ce qui ne fait pas les affaires de Philipp qui, sous l’emprise de la colère, cherche à se venger en violant Vivian. Edward vient à son secours et vire son ancien associé.
Il propose une dernière nuit à Vivian, sans la payer cette fois-ci. Cette dernière refuse. Edward lui sort le grand jeu le lendemain en se postant au bas de sa fenêtre, en limousine. Comme un prince le ferait pour sa princesse, il escalade l’immeuble pour venir à se rencontre. À l’ancienne. Comme il faut.
L’EXPLICATION
Dans Pretty Woman, il n’y a pas de sot métier.
L’héritage méritocratique nous a conduit à devenir dénigrant. À mesure que nous montons sur l’échelle du succès, parfois bien aidé par un peu de piston, nous continuons à regarder vers le haut avec envie et parfois vers le bas avec dédain. Alors que ce qui sépare les trottoirs de Belleville des tours de la Défense n’est pourtant pas toujours évident. Richard et Vivian n’ont peut-être pas la même vie et pourtant ils vivent dans le même monde. Ils sont surtout faits du même bois. Ce sont tous les deux des rêveurs. Edward aimerait que son métier puisse changer le monde. Et Vivian rêve du prince charmant.
I want the fairy tale.
Ils vont se trouver car ils font la pute tous les deux.
You and I are such similar creatures, Vivian. We both screw people for money.
C’est à dire qu’ils vivent pour faire du fric sans état d’âme (cf The Girlfriend experience). Peu importe ce qu’il faut faire pour gagner un peu d’argent, quitte à renier ses principes ou perdre son identité.
What’s your name?
What do you want it to be?
Cette vie les a enfermés dans une profonde solitude. Vivian enchaîne les clients mais elle préférerait plutôt tomber sur le prince charmant. Les nuits se suivent et se ressemblent. Quant à Edward, il a besoin que quelqu’un lui redonne goût à la vie (cf Le Silence des Agneaux).
Are you sure you want me to stay the night? I mean, I could just pop ya real good and get outta here.
No, I’d really like you to stay. I don’t want to be alone tonight.
Tous les deux vont se venir en aide mutuellement. C’est un véritable couple à l’image de Reynolds et Alma (cf Phantom Thread) ou de Lee et Edward (cf Secretary). Il va l’aider à prendre confiance en elle et elle va l’aider à respirer.
So what happens after he climbs up and rescues her?
She rescues him right back.
Tous les deux apprennent à ne plus juger. Rafraichissant. Ils relativisent leur situation pour comprendre qu’ils sont tous les deux logés à la même enseigne. Lorsqu’Edward fait la leçon à Vivian en lui proposant de quitter le trottoir, elle lui fait remarquer habilement qu’il ne s’agirait que d’une question de géographie et rien d’autre. Il se trouve que les mondes qui s’opposent ne sont finalement pas si différents.
On sait depuis toujours que les businessmen sont aussi à l’aise dans une salle de réunion que dans un hotel de passe. Ce qu’on découvre, c’est que la prostituée sans manière passe inaperçue comme cliente dans les boutiques de luxe.
Tiens donc.
Les conventions ne sont plus un problème quand la carte bancaire est acceptée. Parce que tout n’est toujours qu’une question de gros sous.
No matter what they say, it’s all about money.
La princesse et le crapaud, le businessman et la call girl (cf Jeune et Jolie). Tout est possible dans le petit théâtre des rêves Hollywoodien (cf Mulholland Drive, Babylon).
Welcome to Hollywood! What’s your dream? Everybody comes here; this is Hollywood, land of dreams. Some dreams come true, some don’t; but keep on dreamin’ – this is Hollywood.
En tout cas, ce n’est pas en France qu’on verrait une histoire d’amour pareille. Parce qu’en France, on est terre à terre. Nous avons des principes. Le jugement est tenace. Et les histoires d’amour finissent mal -en général (cf Love).
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