LAST NIGHT
Massy Tadjedin, 2010
LE COMMENTAIRE
Une vie entière ne suffirait pas à faire le tour de la bêtise masculine. Ces messieurs trop pleins d’eux-mêmes sont toujours persuadés que ce qui fait chavirer la princesse, c’est la virilité, le compte en banque, ou un gros sexe. En réalité, les femmes qui se respectent préfèrent davantage la sensibilité, la vulnérabilité et une belle crinière (cf Shrek). Avec un petit verre de pastis.
LE PITCH
Un couple se donne une belle occasion de se disputer.
LE RÉSUMÉ
Joanna (Keira Knightley) et Michael Reed (Sam Worthington) forment un joli petit couple bien en place dans le New York du début du XXIe siècle. Elle écrit. Il vend des appartements. Tous les deux ne se font déjà plus guère de câlins (cf Newness). Pas grave. Ils donnent le change. Les câlins, y’a pas que ça dans la vie non plus. On va pas commencer à mesurer la santé amoureuse d’un couple à sa seule activité sexuelle (cf Love).
Ça n’empêche pas Joanna d’être un peu jalouse de Laura Nunez (Eva Mendes), la collègue de son mari qui lui tourne un peu trop autour. Michael est aux ordres. Il dément formellement toute rumeur de liaison. Néanmoins il tremble à l’idée d’un voyage professionnel à Philadelphie en compagnie de Laura.
Joanna fait mine de rien pour se concentrer sur l’écriture de son roman. Une bonne excuse pour aller prendre un verre avec Alex Mann (Guillaume Canet), son ex, et ses amis. Un ex dont elle n’a jamais rien dit à Michael. Faute avouée à moitié pardonnée, a priori. Faute inavouée n’a jamais existé, a fortiori.
De fil en aiguille, Joanna se retrouve à flirter de nouveau avec Alex, à son corps défendant. Elle se retrouve dans la chambre d’hôtel du Français mais trouve les ressources pour refuser une relation sexuelle qui eut été trop facile. Au contraire, le couple s’embrasse platoniquement jusqu’au petit matin (cf In the Mood for Love). Alex quitte New York.
You just told me he’s away with the woman you got upset about.
Michael isn’t doing anything.
De son côté, Michael a pourtant été faible. Il s’est laissé tenter par Laura avec laquelle il a couché. Victime de crampes liées à la culpabilité, il quitte Philadelphie de bon matin, comme un mari qui viendrait de coucher avec une autre femme que la sienne (cf Les Noces Rebelles).
I didn’t think that would happen.
Not even the second time?
Le couple se retrouve au petit matin. Joanna est surprise de voir Michael rentrer si tôt. Elle pleure. Tous les deux se mentent de manière impeccable.
What are you doing back?
What’s Lucy doing here?
We got locked out of Andy’s.
Who??
Me and Lucy.
When?
Um, last night, when I went over to walk her.
Have you been crying, Joey?
A little bit.
What are you doing back?
We finished up early.
I thought the presentation was today.
No. No, we finished up early.
Le couple s’excuse mutuellement puis referme aussitôt le sujet.
I’m sorry about our fight.
Yeah. So am I.
Let’s not talk about it, okay?
Joanna a encore quelque chose à dire.
L’EXPLICATION
Last Night, c’est du béton poreux.
Aveuglés par les liens sacrés du mariage qui les unissent, les couples oublient parfois que la vie est pleine de surprises. Ils se croient solidement à l’abri, pour les siècles des siècles (cf Jeux d’enfants). Protégés des aléas. Après seulement quelques années d’ennui, Joanna semble soudainement se rappeler que la vie décide pour elle et non l’inverse.
It’s funny how you can get up and have absolutely no idea where the day will go.
Le premier réflexe en situation d’insatisfaction émotionnelle est de se tourner vers ses ex. Pratique. D’une certaine façon, Joanna a fait revenir Alex dans sa vie. Une sombre histoire de phéromones.
In the middle of most nights, when I can’t sleep I still replay you.
C’est cela…
Le second réflexe est d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Facile. C’est le cas de Michael qui se cache derrière son bonheur de façade pour disculper son envie de sexe avec sa collègue.
You can be happy and still be tempted.
C’est certain…
Joanna et Michael sont un couple pas plus fort qu’un autre. Ils ne sont pas dans la tourmente (cf La Guerre est déclarée), à peine pris dans la routine. S’ils n’étaient pas New Yorkais, ils se résigneraient sûrement. Auraient quelques enfants. Seraient malheureux comme les blés, jusqu’à leur mort. Au lieu de cela, ils préfèrent cacher leur frustration d’une manière aussi hypocrite qu’inefficace (cf Le Jeu).
Ce comportement ne les libère pas puisque Joanna et Michael jouent à se faire peur chacun de leur côté et finissent par se brûler les doigts. Michael croque le fruit défendu comme c’était à craindre, parce que les hommes sont faibles. C’est bien connu. Joanna trahit son mari dans l’intention. Elle n’a pas besoin de coucher. Les femmes sont au delà de ces considérations. C’est bien connu également. Elle l’a trompé dans sa tête, c’est suffisant.
Quoiqu’il en soit, tous les deux se retrouvent à la case départ. Rongés de scrupules et presque contents de l’être tellement ils ne sauraient pas vivre autrement. L’épanouissement dans une union libre leur serait tout simplement impossible à tolérer. Ce serait faire preuve d’une flexibilité sentimentale dont ils sont incapables. Car ils y perdraient un petit besoin vital de se plaindre – et de se faire plaindre.
C’est pour cette raison que ce couple va durer. Leur union est perméable et néanmoins solide. Ils se retrouvent bien vite et donnent l’impression de mettre leurs problèmes sous le tapis, là où personne ne viendra les chercher. La nuit dernière ? Ce ne compte déjà plus! Ce qui compte, c’est maintenant. Et on ne peut pas rester sans rien, dans la vie.
C’est pourquoi Joanna s’apprête aussitôt à reprendre la parole. Sûrement pour trouver un nouveau sujet de mécontentement qui va les occuper pour les six prochains mois. Ils sont à l’image de Leonard, qui se re-programme sans cesse (cf Memento). Joanna et Michael vont rentrer dans un nouveau cycle.
Jusqu’à la prochaine crise, jusqu’à la dernière.
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